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Continuer la lectureLe nouveau tour de table de Corsair se précise
Aux côtés de la République du Congo qui fait son entrée au capital, les hommes d’affaires des Antilles et de la Réunion déjà présents au tour de table confirment leur soutien au plan de redressement de la compagnie aérienne. 30 millions d’euros sont en jeu.

Les investisseurs privés viennent à la rescousse de Corsair. L’avenir de la compagnie aérienne est suspendu au feu vert de la Commission européenne à son deuxième plan de restructuration en quatre ans. Ce dernier s’appuie sur un nouvel abandon de dette par l’État, qui fait l’objet d’une enquête de Bruxelles, mais aussi sur une augmentation de capital d’un montant de 30 millions d’euros. La vingtaine d’investisseurs privés entrés en 2020 au tour de table de la compagnie française a, de façon presque unanime, été convaincue par le projet de redressement du PDG, Pascal de Izaguirre, de remettre au pot. Ils apportent au total 12 millions d’euros pour prendre 52 % du capital, selon nos informations. Ce sont pour l’essentiel des groupes ayant des intérêts dans le tourisme et la distribution aux Antilles et à La Réunion, destinations privilégiées de Corsair avec les capitales de l’Afrique francophone.
Il s’agit par exemple du groupe Loret spécialisé dans la distribution automobile en Guadeloupe, présidé par Denis Lesueur ; de la holding de Patrick Vial-Collet, président de la CCI des îles de Guadeloupe et propriétaire de la chaîne « Des hôtels et des îles » ; d’Aéro Cargo, la société qui commercialise le transport de fret dans les soutes des avions Corsair, ou encore d’Origyn, le holding de Yann Le Febvre, propriétaire de restaurants à Paris et d’une dizaine d’hôtels à La Réunion. Autre actionnaire depuis la recapitalisation de 2020, André Saada, actionnaire et directeur général délégué de Cafom, la centrale d’achat de produits de mobiliers (But, Darty Conforama) aux Antilles, reste aussi dans l’aventure.
N’étant plus partenaire d’affaires de Corsair, Eric Koury jette en revanche l’éponge. Ce dernier a en effet été sorti en septembre dernier du tour de table du groupe de transport aérien inter-îles Caire (Air Antilles et Air Guyane) à la suite de sa mise en redressement judiciaire. Le tribunal de Pointe-à-Pitre avait attribué Air Antilles au groupe Edeis associé à la collectivité de Saint-Martin. Celle-ci venant d’obtenir son certificat de transport aérien, Corsair cherche à renouveler son accord commercial avec les nouveaux actionnaires.
Le groupe Marietton, holding de tête de l’enseigne d’agences Havas Voyages, fera de son côté son entrée au tour de table, ainsi que l’a révélé le Monde. Détenteur depuis 2020 d’obligations convertibles, le groupe de tourisme de Laurent Abitbol (par ailleurs président de Selectour) devient le plus gros actionnaire privé en investissant un montant de 4,5 millions d’euros dans le capital de la compagnie. Autre nouvel entrant, selon nos informations : Eric Kuo, PDG du groupe Sainte-Claire qui avait acquis auprès de Corsair ses agences de voyages aux Antilles et à la Réunion et qui détient également des magasins de grande distribution.
Le tour de table de Corsair est complété par le Conseil départemental de la Guadeloupe, qui met 3 millions d’euros pour monter à 8 % du capital. Enfin, 15 millions sont apportés par la République du Congo qui devrait prendre seulement 40 % du capital de Corsair, en application d’une réglementation limitant à moins de 50 % la participation d’actionnaires extracommunautaires des compagnies aériennes. Par cet apport, le pays d’Afrique centrale espère notamment en finir avec le monopole d’Air France sur la liaison Brazzaville – Paris et obtenir une baisse sur le prix des billets.

Le soutien de ces investisseurs à l’avenir de Corsair se voit conforté par des résultats qui ont décollé au premier semestre de son exercice décalé 2024 (clôturé au 30 septembre). Le chiffre d’affaires s’envole de 15 % entre le 1er octobre 2023 et le 31 mars 2024, par rapport à la même période un an plus tôt, porté par la croissance du nombre de passagers transportés, un prix moyen en hausse de plus de 5 % (lié à une augmentation des vols vers l’Afrique) et un tonnage de fret en augmentation de 21 %. Sur l’ensemble de son exercice 2024, l’entreprise prévoit désormais un chiffre d’affaires supérieur à 700 millions d’euros, contre 643 millions en 2023, ce qui constituait déjà un record dans les comptes de la compagnie.
Les tout nouveaux A330neo opérés par Corsair commencent à porter leurs fruits. Plus économes en carburant, les six avions de dernière génération intégrés par la compagnie depuis 2020 proposent une meilleure expérience en cabine avec un environnement plus silencieux et des services numériques étendus (wifi, divertissement...). Trois derniers appareils de ce modèle doivent être livrés d’ici la fin de l’année selon le contrat conclu avec le loueur AerCap. Cette flotte de neuf gros-porteurs sera la plus moderne du marché. « Les avions vieillots ont été renouvelés à marche forcée, ils permettent à la compagnie de proposer un programme de vols plus dense, avec plus de vols, plus de choix de destination et un produit à bord totalement revisité, indique un consultant. Cela se traduit par de meilleures performances commerciales. » Avec l’afflux de ces nouvelles recettes, le flux net de trésorerie (free cash flow) de Corsair est même redevenu positif sur le premier semestre 2024. L’entreprise, qui a allégé sa structure de coûts lors de la restructuration de 2020, avec un plan de départs et une remise à plat des accords sociaux, prévoit même d’être à l’équilibre voire légèrement bénéficiaire pour l’exercice 2024. Une première depuis de nombreuses années.
Seule ombre au tableau : la compagnie française est depuis février sous le coup d’une enquête de la Commission européenne. Les services de la DG Concurrence jugent que la compagnie est sous perfusion d’argent public depuis l’épidémie de Covid en 2020 et doutent de sa capacité à se redresser durablement. Ils avaient approuvé il y a quatre ans de premières aides en faveur de Corsair à hauteur de 136 millions d’euros. Mais depuis, la compagnie a sollicité un nouveau soutien de l’État, du fait de « la guerre en Ukraine, la hausse des prix du kérosène et les mouvements sociaux aux Antilles », avait indiqué Pascal de Izaguirre. Ces nouvelles aides, accordées par Bercy, portent sur 83,1 millions d’euros, « essentiellement sous forme du rééchelonnement d’un montant de 19 millions d’euros, de l’abandon d’un montant de 23 millions d’euros dette publique, ainsi que de nouveaux abattements fiscaux […] pour un montant de 38,1 millions d’euros », selon la notification des services bruxellois.