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Continuer la lecturePourquoi Veolia a lancé un camion à l’assaut d’un syndicat anglais
Remonté comme un coucou contre les actions coup de poing du syndicat Unite à son encontre, le groupe riposte en faisant rouler un véhicule affichant des slogans vengeurs. L’Informé dévoile les dessous d’une campagne hors-norme.

Œil pour œil, dent pour dent. Veolia voit rouge et c’est avec un camion de cette couleur que le géant de l’environnement organise sa riposte contre le syndicat britannique Unite. Un véhicule siglé d’un slogan vengeur à l’encontre de Sharon Graham, la secrétaire générale du syndicat anglais, circule depuis plusieurs semaines au Royaume-Uni. « Unite’s big spender Sharon has blown more than £500,000 on a pointless campaign and trips to Arizona » (« Sharon, la gaspilleuse du syndicat Unite a dépensé plus de 500 000 livres sterling pour financer une campagne inutile et des voyages en Arizona »), peut-on lire sur le camion, où s’affichent successivement sur un écran les noms des destinations choisies par les adhérents du syndicat pour manifester contre Veolia : Arizona, Frankfurt, Amsterdam, Cannes, Marseilles (sic)... Le tout, sur fond cramoisi et orné du visage de la patronne de Unite, avec un QR Code renvoyant vers une page web dédiée à ce différend social et conçue par le géant de l’environnement.
Après un an de conflit opposant le syndicat britannique à Veolia sur son site de traitement de déchets à Sheffield (voir notre article), la pression ne retombe pas. Depuis août 2024, Unite demande en effet à être reconnu comme organisation représentative du personnel au même titre que son concurrent GMB implanté de longue date à Sheffield. Mais Veolia ne l’entend pas de cette oreille : il fait valoir l’existence d’un accord préalable signé avec GMB, l’empêchant d’accéder à la demande de Unite. Pour se faire entendre, Unite multiplie depuis plusieurs mois les coups d’éclats contre le géant de l’environnement. Florilège : rassemblements devant le siège du groupe à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), protestations d’adhérents syndicaux lors des déplacements de sa directrice générale Estelle Brachlianoff - en France ou à l’étranger - ou encore manifestations bruyantes sur les parvis des investisseurs ou clients de Veolia.

Singulièrement agacé, le groupe tricolore s’est décidé à employer des méthodes analogues à celles du syndicat ! Après avoir stationné devant les locaux de Unite à Londres, le camion floqué du slogan vengeur a ainsi fait irruption à Brighton à l’occasion du congrès annuel du Trades Union Congress (TUC), l’organisation fédératrice des syndicats britanniques. Veolia a du coup bénéficié d’une exposition maximale début septembre dans la station balnéaire pour faire passer son message aux huiles des principaux syndicats d’outre-Manche qui avaient fait le déplacement.
À la manœuvre sur ce coup de com’ inattendu et pleinement revendiqué de la part de Veolia : son directeur de la communication Laurent Obadia. « Unite revendique le harcèlement comme mode d’action et pense que nous allons craquer. Ce ne sera pas le cas. Nous céderons d’autant moins à la pression que ses arguments sont mensongers », explique le communicant. Il estime avoir tenté tous les biais de négociation possibles avec l’organisation syndicale : « Nous voulons montrer ce que ce syndicat dépense pour manifester contre notre groupe alors qu’il s’agit un problème intersyndical entre lui et GMB, qui ne dépend pas de Veolia. Il nous semble important que ses adhérents sachent comment leur argent est dépensé ».
La somme de 500 000 livres sterling engagée par Unite pour mener ses happenings contre le géant de l’environnement est une estimation du groupe. Quant au coût de la campagne de cette riposte, il est assumé par Veolia. Pour le porte-parole de l’entreprise, « ce que nous impose Unite coûte plus cher » en frais d’avocats, en effet de bord sur l’image de l’entreprise et en dommages collatéraux auprès de ses investisseurs comme le français Amundi par exemple. Ce dernier, qui détient 5,5 % du capital de Veolia, a ainsi fait les frais d’une manifestation de Unite.
Outre cette opération coup de poing pour le moins originale, la bisbille se poursuit en parallèle devant les tribunaux. En juillet, selon son site internet, le géant de l’environnement a engagé une procédure judiciaire contre le syndicat « pour les dommages causés par sa campagne de diffamation ».
