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Continuer la lectureRER B : les nouvelles rames d’Alstom encore retardées de deux ans !
Les nuages noirs s’accumulent sur les 146 trains MI20 qu’Île-de-France Mobilités a commandés en 2020 pour fiabiliser cette ligne utilisée quotidiennement par 1 million de voyageurs.

Elles sont attendues avec impatience par des centaines de milliers de Franciliens qui transitent quotidiennement par le RER B. Elles ? Ce sont les nouvelles rames MI20, censées réduire les avaries d’exploitation. Mais leur mise en service qui a déjà été maintes fois reportée va connaître un décalage supplémentaire, selon nos informations. Le consortium Alstom-CAF prévoyait, aux dernières nouvelles, de débuter les livraisons en juin 2027. Las ! Son calendrier a encore dérapé. Selon un rapport d’audit commandé à l’expert Yves Ramette, l’échéance devrait être repoussée d’au moins deux ans, avec une nouvelle date butoir prévue en septembre 2029. « Il faut qu’on se penche sur le sujet pour diagnostiquer précisément les raisons du nouveau retard, soupire un proche du dossier. La question qui se pose est désormais de mettre en œuvre un plan de redressement pour stabiliser le calendrier et rattraper ce qui est rattrapable… »
Les causes du nouveau report sont essentiellement industrielles : les bogies (les chariots sur lesquels sont fixés les essieux du MI20) ne seront pas livrés à temps par l’espagnol CAF ; les délais présentés par Alstom pour réaliser les premiers trains d’essai et la chaudronnerie des caisses MI20 ont été sous-estimés d’au moins un an. Le rapport pointe aussi les délais irréalistes qui avaient été promis au départ pour cette commande. À la suite de ce constat, des réunions se sont tenues tout l’été pour tenter de trouver des solutions pour réduire les délais. Une nouvelle échéance officielle doit être fixée dans les prochains jours, en amont d’un conseil d’administration d’Île-de-France Mobilités (IDFM) prévu lundi 22 septembre, au cours duquel le directeur général d’Alstom, Henri Poupart-Lafarge, est convoqué.
La présidente de région, Valérie Pécresse, a mis la pression sur l’industriel car les 146 nouvelles voitures à deux étages MI20 doivent enfin améliorer la régularité du trafic. Les actuelles MI79 et MI84 font en effet du RER B une des lignes les moins ponctuelles du réseau francilien. Empruntée quotidiennement par 1 million de voyageurs, la liaison nord-sud de l’Île-de-France affichait seulement 85,1 % de trains à l’heure entre janvier et mai 2023. Une plus grande disponibilité des rames et la numérisation du pilotage ont permis un redressement à 88 % en 2024 et même de dépasser, sur janvier-mai 2025, l’objectif de 89 % fixé dans le contrat entre IDFM, la RATP et la SNCF qui co-exploitent la ligne. Toutefois, l’axe Nord reste toujours en souffrance, avec les liaisons Aulnay - Roissy et Aulnay - Mitry-Claye affichant une ponctualité inférieure à 85 %.
« Dès le départ, le contrat du RER B s’est judiciarisé et, quand Alstom l’a récupéré, les décideurs ont traîné des pieds pour l’exécuter car il n’était pas suffisamment rentable à leurs yeux, observe un expert du secteur ferroviaire. Ils n’ont ni investi suffisamment, ni affecté les effectifs nécessaires pour que le calendrier de livraison soit exécuté en temps et en heure ». Les décalages se sont en effet succédé depuis le lancement de l’appel d’offres en 2016. C’est le consortium mené par le canadien Bombardier allié à CAF qui avait remporté ce contrat de 2,5 milliards d’euros pour les nouvelles rames Ming (pour « matériel interconnecté de nouvelle génération »). Il faisait pourtant face à une offre moins disante financièrement d’Alstom qui, furieux, a multiplié les recours et retardé la signature du contrat, officialisée en 2020.
Quand le constructeur tricolore a acquis Bombardier Transport en janvier 2021, il est allé à l’affrontement en retirant l’offre de Bombardier-CAF, ce qui a provoqué la fureur d’IDFM. Dénonçant un contrat « mal ficelé », Alstom mettait en avant des délais trop courts et surtout un cadre financier qui lui ferait « perdre beaucoup d’argent ». Un accord a finalement été trouvé en avril 2021 avec la région Île-de-France. Mais la livraison des 146 rames, prévue en 2025, a été une première fois décalée. Depuis, l’échéance a sans cesse été repoussée : d’abord à 2026, puis à janvier 2027 puis, dernièrement, à juin 2027.
Pour les experts du ferroviaire, le dernier retard de deux ans est perçu comme le résultat d’un double défaut de pilotage : entre la SNCF et la RATP d’une part, qui ont chacune des demandes particulières sur les caractéristiques des trains qui circuleront sur le RER B ; mais surtout entre Alstom et CAF d’autre part, sur la répartition des responsabilités industrielles et technologiques de ce méga-projet. D’ailleurs, le RER B n’est pas le seul contrat où Alstom accumule les retards de production. La commande de 115 rames TGV-M par SNCF Voyageurs pour un montant de 3,5 milliards d’euros est elle aussi encalminée : les premiers exemplaires devaient rouler fin 2023 mais ils sont désormais attendus début 2026…
Le sujet des délais de production est devenu tellement épineux pour l’industriel qu’il a coûté sa place à Henri Poupart-Lafarge, dont le mandat ne sera pas renouvelé en 2027. La colère des clients, des collectivités locales comme de la SNCF et de Transdev, est remontée aux oreilles du gouvernement qui a fait pression pour trouver un nouveau capitaine capable de redresser la barre au niveau industriel. Philippe Petitcolin, président du conseil d’administration d’Alstom, a officialisé en mai le lancement d’une chasse de têtes.

Interrogés, IDFM, RATP, SNCF Voyageurs et Alstom n’ont pas souhaité commenter nos informations.