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Continuer la lectureAir France, Ryanair, Volotea… les compagnies aériennes rattrapées sur les remboursements Covid
Au moins neuf compagnies ont écopé d’une amende administrative pour leur résistance à dédommager les passagers des vols annulés lors de la pandémie. Et 14 d’entre elles doivent comparaître dans un procès intenté par l’UFC Que Choisir. Voici lesquelles.

Il y a quatre ans presque jour pour jour, le confinement était ordonné, obligeant les compagnies aériennes à clouer leurs avions au sol. Elles s’apprêtaient alors à devoir rembourser des millions de passagers n’ayant pas pu voyager. Le temps a passé mais les comptes ne sont toujours pas totalement soldés. Plusieurs sont poursuivies pour avoir imposé des avoirs aux voyageurs, en lieu et place du remboursement en bonne et due forme prévu par la réglementation européenne.
Ainsi la low cost espagnole Volotea s’apprête à payer une amende administrative de 140 000 euros infligée par les autorités françaises. La sanction, jamais rendue publique à ce jour, a été décidée suite à la plainte de trente-cinq passagers auprès de la direction générale de l’aviation civile (DGAC). Volotea la contestait, mais la société a été déboutée par le tribunal administratif de Paris en novembre 2023. Contactée, elle indique qu’elle s’acquittera de l’amende « dans les délais prévus ». Situation proche pour Air Algérie : une amende de 22 500 euros, restée confidentielle là aussi, et une défaite devant le tribunal administratif en novembre. Mais son avocat indique à L’Informé avoir fait appel.

Ces deux compagnies s’ajoutent à sept autres dont les amendes sont, elles, bien définitives : 45 000 euros pour Vueling, 45 000 euros pour EasyJet, 80 000 euros pour le portugais TAP…. Les montants incluent le plus souvent deux sanctions différentes : l’une pour le retard de remboursement alors que le règlement européen impose un « remboursement en numéraire sous 7 jours », l’autre pour le défaut d’information des passagers sur ce droit. Au total, selon le décompte de L’Informé incluant les cas de Volotea et Air Algérie, le ministère de la transition écologique (en charge des Transports donc de la DGAC) a prononcé 473 500 euros d’amendes suite à la pandémie.
Chargée de faire respecter les droits des passagers, la DGAC avait été critiquée pour son attentisme après la pandémie. Si elle a fini par distribuer des amendes l’organisme tricolore a toutefois eu la main moins lourde que certains de ses homologues : en juin 2023, le département des transports des États-Unis a infligé une amende de 1,1 million de dollars à British Airways. En revanche, au Royaume-Uni, les autorités avaient laissé tomber les poursuites contre plusieurs sociétés fin 2021, estimant la loi « insuffisamment claire ».
Un procès pour pratiques trompeuses à venir
En France, les compagnies aériennes n’ont pas seulement maille à partir avec leur autorité de tutelle. Selon nos informations, quatorze d’entre elles seront jugées prochainement dans l’action engagée par l’association de consommateurs UFC-Que Choisir. Tout le gratin du secteur aérien, ou presque, devra comparaître : des grands acteurs nationaux comme Air France, Émirats ou Lufthansa aussi bien que des low cost comme Ryanair, Transavia, Volotea ou Vueling (voir liste complète en fin d’article*).
L’association les avait assignés dès mai 2020. Quelques mois plus tard, son président de l’époque Alain Bazot avait fustigé des « violations massives et sans précédent des droits des passagers aériens pendant la pandémie ». Mais l’action judiciaire a traîné en longueur. « Les compagnies ont multiplié les incidents de procédures pour éviter le procès », explique à L’Informé Magali Buttard, responsable du service juridique de l’UFC-Que Choisir. Elles ont notamment tenté de contester la compétence du tribunal judiciaire de Paris ou le droit de l’association de les poursuivre. En vain. Le 24 octobre 2023, le tribunal a validé les poursuites sur deux des trois motifs avancés par l’UFC-Que Choisir : pratiques commerciales trompeuses et clauses abusives.
« Nous sommes satisfaits que le tribunal puisse désormais trancher le caractère illicite de leurs pratiques, ajoute Magali Buttard. Elles ont imposé des avoirs sans le consentement préalable des passagers. Certains consommateurs n’ont même rien reçu, pas même un avoir, pendant deux ou trois ans. » Si les parties doivent remettre leurs conclusions au tribunal avant fin mars 2024, le procès n’aura pas lieu avant plusieurs mois.
Du côté des professionnels de l’aérien, on invoque la situation absolument hors-norme qu’a constitué la pandémie. Et on entend contester l’application des règles juridiques habituelles dans ces circonstances. « La question du remboursement n’a jamais été remise en cause par les compagnies aériennes. Ce sont les conditions dans lesquelles il doit être effectué qui le sont, explique maître Fabrice Pradon, avocat de plusieurs d’entre elles. Nous estimons que le règlement européen qui impose un remboursement sous sept jours ne peut pas s’appliquer à la période du Covid. » Mais l’affaire laissera des traces. Dans un rapport publié en juin 2021, la Cour des comptes européenne déplorait que les États n’aient pas conditionné le versement des aides consenties aux compagnies au remboursement des voyageurs.
* Air France, Transavia, Air Corsica, Air Caraïbes, Ryanair, Vueling, Volotea, Air Europa, Lufthansa, KLM, Norwegian, Air Algérie, Tunis Air, Emirates.
Article et graphique mis à jour le 19/03/2024 : les montants de certaines amendes publiés initialement, bien que fournis par la direction générale de l’aviation civile, étaient erronés. Ils ont été mis à jour, ainsi que le total, après correction par l’administration).