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Continuer la lectureAir France concède une nouvelle rallonge de plusieurs dizaines de millions d’euros à ses pilotes
Ulcéré par le non-respect d’un accord interne, le syndicat de pilotes SNPL a agité la menace d’une grève pour obtenir une compensation financière. Pourtant conséquente, l’enveloppe proposée par le directeur général d’Air France-KLM, Ben Smith, ne suffit pas encore à tout le monde.

La paix sociale va encore coûter cher à Air France-KLM. Depuis quelques mois, le mécontentement gronde chez les pilotes de la compagnie : alors qu’un accord d’août 2020 leur garantit 249 000 heures de vol sur le réseau moyen-courrier au départ de Roissy, ils ont découvert, en juin, qu’il manquait plus de 20 000 heures au compteur de la saison 2023-2024 achevée fin mars. Une information que la direction n’avait pas partagée… « Cette découverte a eu l’effet d’une bombe, confie un pilote de ligne à l’Informé. Cela représente 60 embauches de pilotes ou 6 avions supplémentaires… et un manque à gagner non négligeable sur notre fiche de paie ! » Car les commandants de bord et copilotes sont rémunérés sous forme d’un salaire minimum garanti auquel s’ajoute une part variable en fonction des heures de vol effectuées. Cette dernière partie pouvant, souvent, représenter plus de 50 % du revenu garanti.
Pour expliquer le non-respect de l’engagement, la direction d’Air France-KLM invoque, dès juillet, l’impact, en 2023, de l’immobilisation d’Airbus A220 et de tensions sur les effectifs moyen-courrier du fait d’une priorité donnée au long courrier. Mais le SNPL, principal syndicat des 5 200 pilotes d’Air France, s’inquiète « vivement d’une telle dérive », d’autant qu’il vient de signer avec un accord similaire sur les vols domestiques avec 261 000 heures de vol garanties à l’horizon 2026. Dans un courrier adressé le 12 juillet à Ben Smith, le directeur général du groupe, et à Anne Rigail, la directrice générale d’Air France, il juge que « la violation manifeste des termes de l’accord » est « inacceptable ». Menaçant « d’appeler les pilotes à se mobiliser dans les prochaines semaines pour défendre leurs intérêts », les représentants du personnel navigant exigent un plan de retour à la normale de l’activité moyen-courrier ainsi que des mesures compensatrices.
Face à la fronde, le DRH en chef du groupe Air France-KLM, Oltion Carkaxhija, un proche de Ben Smith issu lui aussi d’Air Canada et plus habitué à tailler dans les coûts de structure, ne peut que s’exécuter. « Une journée de grève de pilotes en plein été, c’est tout de suite des dizaines de millions d’euros de manque à gagner pour la compagnie », rappelle un proche du groupe. « La menace de dépôt d’un préavis a permis d’engager un dialogue social de qualité », se félicitait un tract syndical. Et c’est vrai que la direction s’engage, fin juillet, sur un rattrapage des heures de vols dès la prochaine année, avec la création d’un comité de suivi régulier.
Surtout, elle lâche sur la revendication de compensations pour les pilotes, qui se chiffrent à pas moins de 59 millions d’euros selon une évaluation interne au SNPL. Selon la proposition de la direction, les commandants de bord et copilotes gagnent en effet 6 jours supplémentaires de congé cette année, pouvant être monétisés dans leur « compte épargne temps ». Cela correspond environ à la valeur des heures de vol manquantes, soit environ 25 millions d’euros selon les calculs du syndicat. À plus long terme, les pilotes engrangent également une augmentation de 1,9 % de leur prime de vol (pour 25 millions d’euros par an) ainsi que des aménagements dans les plannings leur accordant plus de liberté dans la définition de leurs jours de repos (des contraintes qui sont valorisées à hauteur de 9 millions par an au total). « Ben Smith a reconnu une faute dans le management des pilotes, il ne pouvait qu’acheter la paix sociale… même très cher », remarque un délégué syndical SNPL.

Sauf que patatras, le conseil du syndicat rejette l’accord le 5 septembre dernier ! Parmi les pilotes, certains veulent plus. « Le Bureau Air France du SNPL, l’organe exécutif du syndicat, a été mis en minorité au conseil, avec 31 votes contre et seulement 15 votes pour », s’étonne encore un élu. « Le conseil a donné un mandat au Bureau pour améliorer le package, explique un autre. Certains réclament déjà de passer de 6 à 10 jours de repos supplémentaires… Mais cette surenchère est surtout significative d’une perte de confiance dans la direction d’Air France. » Le constat des dégâts produits par la découverte en catimini du trou important dans les heures de vol garanties est partagé par chacun. D’autant que les pilotes ont déjà subi plusieurs rebuffades cette année, comme la méthode de calcul de l’intéressement-participation en faveur des personnels non-navigants ou la prime JO uniforme quel que soit le niveau de salaire. « Le conseil a mis cinq mois à adopter le projet de transfert des vols domestiques d’Air France d’Orly vers Roissy », rappelle aussi un pilote.
Les négociations restent en cours aujourd’hui. Un nouveau projet d’accord sera mis sur la table de la prochaine réunion de son conseil, fixée à début octobre.