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Continuer la lecture« L’immigration tue »… le Conseil d’État en passe de confirmer trois sanctions contre CNews
La chaîne conteste des décisions de l’Arcom épinglant des propos polémiques tenus en plateau. Le rapporteur public a demandé à la juridiction administrative de rejeter ces requêtes.

Encore une fois, il est question de CNews au Conseil d’État. Et plus précisément des propos de ses chroniqueurs, sanctionnés par l’Arcom pour leur caractère discriminatoire ou climatosceptique. Ce lundi, la chaîne de Vincent Bolloré a envoyé ses avocats ferrailler contre trois sanctions de l’Arcom pour des « manquements » à ses obligations, notamment d’honnêteté de l’information, de pluralisme ou de maîtrise de l’antenne. En jeu, un total de 130 000 euros d’amende, mais surtout un débat sur la frontière entre la liberté d’expression et les devoirs des chaînes. Si le conseil de CNews a revendiqué une « large marge de manœuvre » pour les journalistes et le droit à « une certaine dose d’exagération, de provocation ou de polémique », le rapporteur public, généralement suivi, a demandé à la plus haute juridiction administrative de confirmer les décisions de l’Arcom.
Pour l’une de ces sanctions, il s’agissait d’une première : l’Arcom avait épinglé la chaîne pour climatoscepticisme. Un des invités de l’émission « Punchline Été » avait en effet contesté avec véhémence l’influence des activités humaines sur le réchauffement climatique, dans une séquence portant sur le fait que le mois de juillet 2023 était le plus chaud jamais enregistré. L’économiste Philippe Herlin avait ainsi déclaré, sans contradiction, que « le réchauffement climatique anthropique (causé par l’Homme ndlr) est un mensonge, une escroquerie ». « À un moment il va falloir poser les choses scientifiquement », ajoutait-il, allant jusqu’à dénoncer un « complot ».

Dans sa décision, l’Arcom avait donc considéré que le chroniqueur avait pu exprimer « une thèse controversée et non vérifiée par les données acquises de la science sans que la position qu’il défendait ne soit mise en perspective », ou contredite. Une inertie qui va à l’encontre de l’obligation de la chaîne de garantir une présentation honnête des questions faisant l’objet de débats, notamment en assurant l’expression de points de vue différents. L’association QuotaClimat, qui avait saisi l’Arcom en 2023 après cette séquence, avait salué une « victoire historique » après la décision de l’autorité, qui condamnait CNews à une amende de 20 000 euros.
Si l’avocat de CNews a fait valoir dans sa plaidoirie que l’économiste a évoqué « une opinion personnelle, qui n’était partagée par aucun des autres participants au débat », le rapporteur public regrette que ceux-ci n’aient pas réfuté directement ces propos, sans compter qu’une climatologue présente avait « curieusement » affirmé être « totalement d’accord » avec Philippe Herlin. « Une contradiction ferme et explicite aurait dû être apportée par un des participants, si ce n’est par l’animateur lui-même, qui s’est montré effacé, voire dépassé », considère le rapporteur. D’autant que la chaîne aurait dû selon lui être consciente du « risque de dérapage », l’invité ayant déjà tenu des propos complotistes sur le réchauffement climatique par le passé.
Le rapporteur public rappelle aussi que la chaîne aurait dû faire preuve d’une « vigilance toute particulière » concernant les deux autres séquences, compte tenu du fait qu’elles viennent s’ajouter à une longue liste de sanctions infligées à CNews pour des propos portant sur l’immigration. D’abord ceux de Geoffroy Lejeune, directeur du JDD, également détenu indirectement par Vincent Bolloré, qui intervient régulièrement dans l’émission « L’Heure des pros 2 ». Le 28 septembre 2023, il avait commenté un sondage sur l’antisémitisme dans les universités françaises, en déclarant : « C’est une des conséquences de l’immigration arabo-musulmane. C’est une des conséquences, comme une partie du trafic de drogue, comme la surpopulation carcérale, comme l’abaya, comme tout ça ». Un passage qui, selon l’Arcom, véhicule « plusieurs stéréotypes négatifs », susceptibles d’« encourager à des comportements discriminatoires ». L’organe avait donc infligé à la chaîne une amende de 50 000 euros.
Le rapporteur public a demandé au Conseil d’État de confirmer cette sanction vu le « caractère très lapidaire et réducteur » de ces propos « stigmatisants ». « Le débat n’en avait que l’apparence », a-t-il ajouté, soulignant le fait que tous les intervenants de l’émission ont affiché des « opinions convergentes ». De même, le rapporteur a considéré comme « très violent et stigmatisant » le passage télévisuel ayant mené à la troisième sanction au cœur des débats du Conseil d’État. Il s’agit d’une émission de « La matinale week-end » en décembre 2023, où le projet de loi « immigration » avait été abordé. À cette occasion, deux invités, Arthur de Watrigant, directeur de la rédaction de l’Incorrect et le journaliste Vincent Roy, avaient déclaré que « l’immigration tue », sans que l’animateur ne réagisse, ni aucune des personnes présentes en plateau.
« Une telle stigmatisation, qui réduit les immigrés au rang de personnes dangereuses (…), est susceptible d’inciter à la haine à leur égard en raison de leur race, leur nationalité ou leur origine ethnique », avait considéré l’Arcom, avant de prononcer une amende de 60 000 euros. Si l’avocat de CNews a argué qu’il fallait « non pas isoler les propos mais les prendre dans leur contexte », c’est-à-dire celui d’« une critique de la politique migratoire de la France », le rapporteur public a considéré que la répétition à trois reprises de ce « slogan de l’extrême droite identitaire » était « une ligne rouge franchie ». Le Conseil d’État devrait rendre sa décision prochainement.