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Continuer la lectureScaleway, filiale cloud d’Iliad, s’enfonce dans le rouge
L’activité cloud du groupe Iliad a multiplié par dix ses pertes en un an malgré une hausse de son chiffre d’affaires, pour la première fois au-dessus de 100 millions d’euros. En cause, sa politique d’investissement.

Difficile de se faire une place entre Amazon, Microsoft et Google sur le marché de l’informatique en nuage (cloud). Le français Scaleway n’hésite pourtant pas à y mettre les moyens quitte à perdre de l’argent. La preuve : la filiale d’Iliad (maison mère de Free) a multiplié par dix ses pertes en un an, passant de 860 000 à 8,83 millions d’euros en 2022 a constaté l’Informé.
Pourtant, son chiffre d’affaires a connu une forte progression, de 9,6% à 103,2 millions d’euros. Si la société s’est enfoncée dans le rouge, c’est notamment en raison de sa politique de recrutement - les effectifs sont passés de 414 à 544 salariés - et d’investissements importants dans le matériel pour équiper ces data center. « Scaleway est actuellement en plein développement, avec des perspectives très prometteuses sur ses différents métiers, précise un porte-parole d’Iliad. Les pertes évoquées sont en réalité de l’investissement et elles restent modestes au regard de la taille du groupe ».
Le rythme des nouvelles embauches va toutefois ralentir cette année. L’entreprise a aussi beaucoup dépensé dans de puissants serveurs équipés de processeurs graphiques, des GPU Nvidia (DGX et H100), très coûteux et très demandés. Elon Musk, propriétaire de Twitter et de Tesla, s’en est même amusé estimant qu’il était « plus difficile d’en obtenir que de la drogue ». La raison est simple. Ce type de processeur est le plus adapté pour l’intelligence artificielle très en vogue depuis l’explosion de ChatGPT et malgré son prix souvent supérieur à 30 000 euros l’unité, tout le monde cherche à en avoir. « Nos clients pourront ainsi entraîner leurs IA dans le cloud », explique une porte-parole de Scaleway.

La société s’est réorganisée depuis l’année dernière en raison d’un changement de stratégie. Après le départ surprise de son directeur général, Yann Lechelle, remercié par le propriétaire d’Iliad Xavier Niel (actionnaire de l’Informé à titre personnel) quelques jours avant Noël, d’autres cadres sont également partis comme Tristan Nitot ou plus récemment Jean-Louis Bergamo. Six mois plus tard, les activités de centre de données (les bâtiments dans lesquels sont installés les serveurs) ont été logées dans une nouvelle entreprise, Opcore, placée sous la direction d’Arnaud de Bermingham. Les autres activités d’hébergement et de services dans le cloud, continuent d’être commercialisées sous le nom de Scaleway. Cette entité est dirigée depuis le mois de mai par Damien Lucas en provenance d’Ateme, un spécialiste de la compression vidéo et une personnalité très connue du milieu de la French Tech pour son implication dans le célèbre logiciel de lecture vidéo VLC Media Player.
Le nouveau DG va devoir batailler dur contre les géants américains disposant d’énormes ressources financières. Certes, ce secteur devrait connaître une croissance annuelle d’environ 14% par an pour atteindre 27 milliards d’euros en 2025 selon l’Autorité de la concurrence (AdlC). Mais les places sont chères à prendre. L’Autorité a rendu un avis sur le fonctionnement de ce marché dominé par Amazon (AWS), Microsoft (Azur) et Google (Google Cloud). Le premier contrôlait 46% du chiffre d’affaires français du cloud en 2021, le deuxième 17% et le troisième 8%. Le trio aurait aussi capté 80% des investissements des entreprises en infrastructures et applications cloud. Du coup, leurs comportements interrogent le gendarme. Ventes liées, rabais importants pour attirer de nouveaux clients et frais de sortie non moins importants pour dissuader les anciens clients de les quitter… l’Autorité décrit des abus pouvant déboucher sur des sanctions. « La probabilité qu’un nouvel acteur soit en mesure de gagner rapidement des parts de marché apparaît limitée en dehors d’acteurs d’ores et déjà puissants sur d’autres marchés, s’inquiète l’Autorité. Cette probabilité pourrait encore diminuer à mesure que les entreprises réalisent leur migration vers le cloud et choisissent un écosystème. »