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Continuer la lectureAltitude intéressé par la fibre optique de SFR sur fonds de bataille juridique
L’opérateur télécoms indépendant lorgne plusieurs actifs du groupe de Patrick Drahi avec lequel il est en conflit depuis 2023. Il lui réclame plusieurs centaines de millions d’euros.

Altitude passe à l’offensive sur le dossier SFR. Cet opérateur télécoms, très présent dans les réseaux Internet très haut débit dans les campagnes (avec les collectivités locales dans des réseaux d’initiatives publiques) lorgne les infrastructures de fibre optique du groupe de Patrick Drahi. Il s’agit à la fois des réseaux dans les grandes villes mais aussi ceux dans les zones moins denses, détenus par une filiale détenue à 50,01 % baptisée XpFibre (le solde a déjà été cédé à trois fonds). L’activité entreprise, SFR Business, suscite également son intérêt. Une branche très convoitée par de nombreux prétendants car les marges y sont plus élevées que sur le marché grand public.
En difficultés financières, la société au carré rouge, lourdement endettée, doit boucler le 1er octobre prochain un accord avec ses créanciers, qui prendront 45 % du capital contre une réduction de la dette de 8,6 milliards d’euros. Et ces nouveaux actionnaires poussent à une vente à la découpe la plus rapide possible pour récupérer leurs mises. Or, un éventuel partage entre Orange, Free et Bouygues Telecom tarde à se concrétiser, comme l’a dévoilé BFM Business. Et, même dans ce cas, l’antitrust pourrait imposer au trio des cessions d’actifs afin de maintenir une concurrence et de protéger les consommateurs de hausses de prix. Une opportunité pour Altitude. Afin de rentrer dans le jeu, il cherche à lever de l’argent auprès de fonds, a appris l’Informé. Car les actifs mis en vente coûtent cher. Le seul XpFibre a vu son capital valorisé 3,8 milliards d’euros lors de l’entrée des fonds en 2018, auquel il faut ajouter le rachat de son concurrent Covage l’année suivante pour un milliard d’euros.
En face, Altitude, groupe familial possédé par la famille Rivière fondé en 1990 et numéro 3 de la fibre optique en France, a dégagé l’an dernier un bénéfice net de près de 3 millions d’euros (en forte baisse) pour un chiffre d’affaires consolidé de 817 millions d’euros en hausse de 13 %. Les dettes financières brutes s’élevaient à 3,26 milliards d’euros. L’opérateur revendique 13 millions de foyers raccordables en fibre optique et 1,6 million d’entreprises clientes.
Jean-Paul Rivière, âgé de 73 ans, a passé les commandes d’Altitude à sa fille Dorothée Lebarbier, devenue PDG en 2023. Ce dirigeant connaît aussi très bien Patrick Drahi. Par le passé, il a conclu des affaires avec lui, la plus importante étant d’ailleurs au cœur d’un différend juridique, a appris l’Informé. Cette procédure pourrait être utilisée comme levier lors d’éventuelles tractations à venir. Si une décision du tribunal des activités économiques n’est pas attendue avant l’automne 2026, elle fait peser un risque sur XpFibre et son éventuel repreneur. « Ce genre de procédé est souvent utilisé lors de discussions comme arme de négociation », confirme un connaisseur du secteur.
Le conflit remonte à 2019. Lors du rachat de Covage par SFR pour un milliard d’euros, la Commission européenne avait donné son feu vert. Mais sous conditions, car elle craignait de voir, à la suite de cette opération, se renforcer un duopole dans l’accès Internet aux entreprises entre Orange et SFR. Ce dernier avait donc vendu pour 459 millions d’euros 26 réseaux à Altitude qui en avait profité pour étendre sa présence sur le territoire à la fin 2021. Cette année-là, pour sécuriser ce rachat, Altitude avait tout d’abord levé 350 millions d’euros auprès de Swiss Life Asset Managers. Puis 500 millions d’euros l’année suivante via, notamment, la division Actifs réels et marchés privés d’UBS Asset Management.
Mais, en 2023, le groupe avait assigné SFR en justice pour manquements contractuels et défaut d’information, lui réclamant la somme de 336 millions d’euros. Altitude accusait le vendeur de lui avoir caché des éléments lors des discussions. Par exemple, en Haute-Savoie, les déploiements de la fibre optique auraient été « suspendus durant toute l’année 2021 », engendrant des retards. Et dans le Calvados et l’Essonne, d’autres problèmes (pertes à terminaison) auraient été repérés, tandis que des sujets de refinancement auraient été découverts sur la Côte Fleurie. Altitude a également mis en cause l’auditeur Deloitte sur la certification des comptes de l’époque. Des critiques rejetées en bloc par SFR, qui souligne que le processus de cession a été encadré et supervisé par la direction de la concurrence européenne. « Ces tentatives d’actions contentieuses sont totalement infondées, souvent farfelues et manifestement irrecevables, indique un porte-parole de XpFibre. Nous ne faisons pas d’autres commentaires sur une procédure en cours reflétant les difficultés d’un concurrent qui essaye notamment de renégocier le prix à postériori. »
De son côté, Altitude n’a pas souhaité faire de commentaire.