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Continuer la lectureIA : Bercy autorise le rachat d’une start-up prometteuse par l’américain Qualcomm
Placée en redressement judiciaire, Upmem était aussi convoitée par un groupe taïwanais et chinois. Partenaire de Mistral AI, elle a développé une technologie dans un secteur stratégique pour la France.

L’affaire est passée totalement inaperçue ce printemps. Une start-up grenobloise prometteuse de l’intelligence artificielle et du big data, Upmem, est passée sous pavillon américain. Et, ce, grâce à l’aval du bureau du contrôle des investissements en France, service du Trésor rattaché à Bercy. Une décision étonnante. Car la jeune pousse, placée en redressement judiciaire fin 2024, évoluait dans un secteur stratégique pour l’État français et pour Bruxelles, celui des puces informatiques. « Nous ne commentons pas les cas individuels », a indiqué le Trésor interrogé à ce sujet.
Il faut dire qu’aucun grand groupe français ne s’est positionné pour reprendre Upmem à la barre du tribunal. Seules des sociétés étrangères se sont signalées : l’américain Qualcomm, le taïwanais AP Memory (Yamaichi Holdings) et le chinois Transcputing Tech. C’est finalement le géant de la Silicon Valley, spécialisé notamment dans les technologies pour la 5G et le WiFi, qui a remporté la mise en proposant 2,1 millions d’euros et la reprise de la quasi-totalité des équipes. Surtout, Qualcomm était le seul prétendant à avoir obtenu le feu vert de Bercy sur cette opération réalisée dans un secteur stratégique requérant le feu vert des autorités.
Créée en 2015 par Gilles Hamou, Fabrice Devaux et Jean-Louis Roy, Upmem a développé sa puce PIM (Processing In-Memory) en insérant des processeurs basés sur une architecture propriétaire dans la mémoire vive (Dram) qui fonctionne avec le processeur principal (CPU ou GPU). Protégée par six brevets, cette innovation permet d’accélérer le traitement des données dans les serveurs installés dans les grands data centers comme ceux d’Amazon, de Microsoft ou encore de Google. La start-up revendique sur sa page YouTube augmenter la vitesse de traitement « jusqu’à 20 fois pour les applications Big Data (...) à un coût et une consommation énergétique marginaux » de sept à huit fois moindres. Elle s’adressait à des secteurs comme « la génomique, l’intelligence artificielle, l’analyse et la recherche » et avait noué un contrat de coopération avec Mistral IA.
« Actuellement, 80 % de l’énergie est utilisée non pas pour les calculs, mais pour déplacer les données, indiquait Gilles Hamou aux Échos en octobre 2023. L’empreinte de nos circuits actuels est 50 % plus grande mais ils vont 10 à 15 fois plus vite et permettent de remplacer dix serveurs. » Le dirigeant n’hésitait pas alors à parler de révolution. À ses débuts, Upmem a été soutenu par des fonds privés (Partech Ventures, Supernova Invest, Crédit Agricole et Western Digital Capital) mais a aussi reçu de l’aide publique avec 2,5 millions de subventions du fonds du Conseil européen de l’innovation (EIC) destiné aux projets à haut potentiel. Certes, la société ne disposait pas d’usines. Mais il n’empêche. Ce sujet est pris très au sérieux pour l’autonomie et la souveraineté du Vieux continent. Bruxelles s’est fixé comme objectif de produire 30 % de puces sur son territoire d’ici à 2030 afin de réduire sa dépendance à Taïwan, à la Corée du Sud et aux États-Unis qui, tous, accélèrent dans ce domaine. Mais la cour des comptes européenne a publié un rapport indiquant qu’au vu du « niveau d’investissement actuel dans la capacité de production, il est hautement improbable que cette stratégie permette à l’UE d’atteindre, d’ici à 2030, l’objectif très ambitieux fixé ». Dans le même temps, les Américains avancent.
D’ailleurs, ce n’est pas la première fois que Qualcomm met la main sur une start-up tricolore. L’an dernier, le groupe valorisé 182 milliards de dollars au Nasdaq, a racheté le grenoblois Tiempo Secure spécialisé dans le design de cartes électroniques mais aussi la branche 4G pour l’Internet des objets de Sequans. Et, en 2021, l’entreprise de San Diego (Californie) avait acquis Clay Air et sa technologie de reconnaissance des gestes, élément central pour les solutions de réalité augmentée comme les lunettes connectées.
Contactés, Qualcomm et Gilles Hamou, désormais directeur technologie chez Qualcomm France, n’ont pas répondu à nos sollicitations.