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Continuer la lectureFree et SFR condamnés à verser un gros chèque au cinéma français
La justice rattrape les deux opérateurs télécoms qui avaient tenté de diminuer leurs versements au Centre national du cinéma, calculés sur les forfaits triple play. Orange est aussi dans le collimateur.

La présentation touche à sa fin. Ce mardi 30 janvier, Xavier Niel, chemise blanche et jean délavé, termine son show sur scène par la présentation de sa nouvelle Freebox. Petite nouveauté, elle inclut, notamment, l’accès à Canal+ « un partenaire qui fait que l’exception culturelle marche dans ce pays », lance-t-il. Sans surprise, le dirigeant fondateur de Free (actionnaire à titre personnel de l’Informé) n’a pas jugé utile de mentionner que, six jours plus tôt, il a perdu son bras de fer contre le Centre national du cinéma (CNC), l’argentier du 7e art, garant de cette exception culturelle.
La raison ? Tous les fournisseurs d’accès à Internet, en tant que distributeurs des chaînes de télévision, doivent s’acquitter d’une taxe de 3,5 % sur les abonnements triple play, appelée TST-D. La somme est encaissée par le CNC afin de financer la création tricolore et n’a cessé de grossir depuis son instauration en 2008 grâce à la croissance du nombre d’internautes. Selon le projet de loi de finances 2024, la TST-D est devenue la deuxième source de recette de l’établissement public avec plus de 27 % de son budget total (attendu à 746,3 millions d’euros cette année), derrière la contribution des chaînes de télévision (34,6 %), mais loin devant la dîme prélevée sur les billets de cinéma (20,5 %). Et ce n’est pas fini. Car les forfaits ont connu une augmentation de leurs prix l’an dernier de 1,20 euro en moyenne, du jamais vu depuis dix ans selon le gendarme des télécoms.
Problème, Free, tout comme SFR, ont tenté de minorer leurs versements sur plusieurs années. Avec la même tactique : ils ont prétendu que la taxe ne devait pas s’appliquer à certains éléments de leur offre triple play, réduisant ainsi la douloureuse versée au CNC. Tous deux ont été contrôlés, puis redressés par l’institution. Mais hors de question de se laisser faire. Chacun de leur côté, ils ont contesté en justice le mode de calcul de ce prélèvement.
Dans le détail, le groupe de Xavier Niel affirmait ne pas devoir comptabiliser la location du réseau en cuivre d’Orange. Dans les offres d’entrée de gamme Freebox Revolution et Alicebox Initial, elle était facturée à l’abonné 6 à 10 euros par mois en sus du forfait triple play. Il s’agit du paiement de la ligne téléphonique nécessaire au fonctionnement de l’ADSL. Une analyse refusée par l’argentier du cinéma qui lui a infligé un redressement de 5,46 millions d’euros sur les années 2015 et 2016.
De son côté, SFR a fait un autre calcul. Selon lui, l’assiette de la taxe devait exclure le coût de location de la box (facturée à part) et le bouquet de journaux en ligne (offerts aux abonnés depuis 2016). Mais là encore, le CNC n’a rien voulu entendre, et a notifié à l’opérateur détenu par Patrick Drahi un redressement sur les années 2015 à 2017 de 31,5 millions d’euros.
Dans les deux affaires, le juge d’appel a estimé fin janvier que « les sommes acquittées (...) dans le cadre d’un abonnement internet permettant de recevoir la télévision font partie de l’assiette de la taxe, y compris lorsque ces services ou options ne permettent pas, à eux seuls, d’accéder à la télévision. » En clair, le montant de la dîme s’applique bien sur l’intégralité de la facture des abonnés. Un revers de taille. Le duo avait déjà perdu son combat en première instance devant le tribunal administratif en 2022. Les deux acteurs des télécoms peuvent désormais se tourner vers le Conseil d’État. Interrogés à ce sujet, ni SFR, ni Free n’ont souhaité faire de commentaire.
Ce n’est pas la première fois que les opérateurs tentent de se soustraire à leurs obligations vis-à-vis du cinéma français. Free avait trouvé une autre astuce pour diminuer la douloureuse y compris sur le paiement de la TVA. Il a décidé en 2011 de séparer son offre télévision dans ses offres triple play, en la faisant apparaître sur la facture des abonnés comme une option à 1,99 euro. « On a dit des idées originales, pas de la fraude » s’était défendu en amont Xavier Niel. Le tour de passe-passe, peu apprécié du gouvernement de l’époque, a nécessité le dépôt d’un amendement à la loi de finances 2012 stipulant que la taxe s’applique bien à tout le forfait, sifflant ainsi la fin de la récréation. C’est sur ce texte que s’est appuyée la Cour administrative d’appel fin janvier pour débouter les plaignants de leurs demandes.
De son côté, en 2013, SFR avait déjà argué que la TST-D n’avait pas correctement été notifiée à Bruxelles par le gouvernement, et demandait à être remboursée de 197 millions d’euros pour les années 2009 à 2012. Mais l’opérateur au carré rouge avait été débouté par la justice administrative. Pour le même motif, Canal+ avait réclamé le remboursement de 15 millions au titre des années 2010 et 2011. En vain.
Le CNC réclame aussi 30 millions d’euros à Orange
Durant des années, Orange, dont l’État est actionnaire et lui-même producteur de films, avait été exemplaire : il avait payé rubis sur l’ongle son dû au Centre national du cinéma (CNC), tandis que ses rivaux inventaient des stratagèmes pour y échapper. Mais c’est fini. Orange ne veut plus être la bonne poire. Il conteste, lui aussi, le mode de calcul de la taxe (TST-D) destinée à financer le 7e Art. Selon nos informations, l’établissement public lui réclame plus de 30 millions d’euros d’arriérés, et s’est lancé dans un contrôle de ses calculs. Un montant qui prend en compte plusieurs années durant lesquelles Orange aurait minoré sa facture. Interrogés à ce sujet, ni la société ni le CNC n’ont souhaité faire de commentaires. Là encore, l’affaire porte sur la part de l’abonnement à Internet fixe qui doit être soumis à la taxe de 3,5 %. Ces dernières années, les opérateurs ont offert de plus en plus de nouveaux services dans leurs box (domotique, télésurveillance, services de musique ou de presse en ligne…) intégrés dans le prix des abonnements. Ils estiment donc ne pas devoir payer la TST-D sur des usages nouveaux qui n’ont rien à voir avec la télévision.