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Continuer la lectureADSL : SFR, Bouygues Telecom et Free vont en justice contre la hausse des tarifs d’Orange
Les trois opérateurs contestent l’augmentation des prix de location du réseau cuivre de l’ancien France Télécom. Une inflation qui pourrait être répercutée sur la facture de plus de 8 millions d’abonnés.

La facture salée ne passe pas. Depuis le 1er janvier 2024, les tarifs de location du réseau téléphonique d’Orange, indispensable aux offres Internet haut débit ADSL, ont augmenté de plus de 12 %. SFR, Bouygues Telecom ou encore Free doivent désormais s’acquitter d’un droit de passage de 11,27 euros par ligne et par mois contre 10,04 euros précédemment, tout du moins dans certaines zones géographiques définies par le gendarme des télécoms (l’Arcep).
Les zones concernées couvrent potentiellement 8,6 millions de Français, des particuliers mais aussi des entreprises encore abonnés à l’ADSL selon le dernier observatoire du haut débit publié par le régulateur. Ce dernier encadre les prix proposés par Orange à ses concurrents pour leur permettre d’accéder à la célèbre prise murale en forme de T installée dans les foyers, une infrastructure héritée de l’ancien monopole France Télécom. Ces tarifs doivent correspondre aux coûts supportés par l’opérateur historique pour entretenir ce réseau. Mais la dernière augmentation autorisée par l’Arcep depuis janvier ne passe pas. Elle est contestée en justice par SFR, Bouygues Telecom et Free. Selon nos informations, le trio a saisi le Conseil d’État pour excès de pouvoir. Interrogée, aucune des trois entreprises n’a souhaité faire de commentaire tout comme l’Arcep.
Côté Orange, pour justifier cette envolée, on avance les investissements nécessaires au maintien de la qualité du fil de cuivre vieillissant. Malgré le nombre de clients qui ne cesse de chuter, les Français migrant vers un accès Internet à très haut débit (la fibre optique), cette infrastructure doit continuer de fonctionner jusqu’à son extinction d’ici à 2030. Cette maintenance coûte cher à l’entreprise dirigée par Christel Heydemann, 500 millions d’euros par an, selon ses calculs. Dans le même temps, ses revenus issus de la location de ce réseau sont, eux, en déclin. Ce montant n’est pas divulgué mais il aurait dépassé le milliard d’euros par an avant 2019 et serait désormais bien en deçà.
De leur côté, SFR, Bouygues Telecom et Free ne comptent pas se laisser faire et s’appuient sur deux éléments pour contester les nouveaux prix. Le premier concerne l’avis de l’Autorité de la concurrence rendu à ce sujet en octobre dernier. Les Sages de la rue de l’Échelle notaient que « l’allègement de l’encadrement tarifaire (...) inquiète fortement les acteurs du secteur » et ils invitaient l’Arcep « à rester vigilante à propos de ces allègements, afin qu’ils ne créent pas de déséquilibres sur le marché ».
D’autre part, le trio veut aussi exploiter l’avis consultatif de Bruxelles paru fin novembre. La Commission européenne s’est inquiétée des zones dans lesquelles les tarifs de l’ADSL n’étaient plus encadrés par le régulateur en raison d’une concurrence entre les opérateurs fibre jugée suffisante. L’Europe invitait alors « instamment l’Arcep à évaluer (...) et à étayer ses arguments ». Surtout, elle proposait de réduire la durée durant laquelle les prix sont libres à « une période de 2 à 3 ans avant la fermeture du réseau cuivre » plutôt que 6 ans. Car, si l’extinction du cuivre prenait un retard injustifié, alors le groupe « bénéficierait d’une rente, en particulier si un nombre important de clients finals sont réticents à migrer (vers la fibre) avant les tout derniers jours ». Un point également soulevé par l’Autorité de la concurrence : « le risque de constitution de rente financière pour Orange, semble se confirmer. »
Le spectre d’un retard sur l’arrêt de l’ADSL se dessine. Les déploiements du très haut débit sur le territoire ralentissent ces derniers mois. Au troisième trimestre 2023, la couverture nationale en fibre optique n’a progressé que de 1 point pour atteindre 84 %. Et l’annonce, ce jeudi, du gouvernement de réduire le budget du plan France Très Haut Débit (116 millions d’euros de crédits de paiement annulés notamment) dans le cadre de son programme d’économies de 10 milliards d’euros ne va pas aider.
De quoi multiplier encore un peu plus les sujets de tensions entre Orange et ses concurrents. En dehors de la hausse des prix de l’ADSL, le gendarme des télécoms a aussi autorisé Orange à muscler celle de la location de ses fourreaux (dans lesquels transite la fibre optique) et de ses pylônes. Cette décision a également été contestée par plusieurs opérateurs alternatifs comme l’avait révélé l’Informé. L’Arcep fait donc actuellement face à au moins 5 à 6 recours à son encontre depuis le début de l’année. Autant de mécontents contre les récentes décisions du régulateur et de sa présidente Laure de La Raudière.