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Continuer la lectureRenault envisage de supprimer 3 000 postes, Boulogne-Billancourt touché
François Provost, le nouveau directeur général du constructeur automobile, veut réduire les coûts fixes. Un plan drastique est sur le point d’être finalisé pour alléger les fonctions supports.

Le ton était donné en juillet quand Renault a consenti un avertissement sur ses résultats. Le constructeur automobile va « renforcer son plan de réduction des coûts court-terme et accélère ses initiatives sur des leviers plus structurants : baisse des frais généraux et administratifs et des coûts de production et R&D. » À peine installé dans le fauteuil de CEO le 30 juillet, François Provost s’est attelé à la tâche. Les équipes passent aujourd’hui à la paille de fer toutes les dépenses et les achats, mais des suppressions de postes sont aussi en préparation, selon nos informations. Baptisé « Arrow » (flèche en anglais), ce plan global devrait aboutir à réduire de 15 % le nombre de salariés dans les services supports, c’est-à-dire les ressources humaines, la finance, le marketing… Il devrait aboutir à la suppression d’environ 3 000 postes au siège de Boulogne-Billancourt et dans les autres entités du groupe dans le monde (usines, filiales commerciales…), sur un total de près de 100 000 salariés. Le principe retenu serait un plan de départs volontaires. « Le projet est en réflexion aujourd’hui, indique une source au fait du dossier. L’arbitrage final qui placera le curseur devrait intervenir en fin d’année ».
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Contactée, la direction de Renault n’a pas souhaité commenter. « C’est quand les choses vont plutôt bien qu’il faut se préparer à la tempête », justifie pourtant une source proche. Le nouveau directeur général François Provost n’entend pas se bercer d’illusions avec la bonne résistance des ventes en Europe depuis le début de l’année : le groupe a enregistré une hausse de 5,9 % sur les huit premiers mois alors que le marché est à + 0,4 % et son premier concurrent en France, Stellantis, à - 8,9 %, selon les données de l’Association des constructeurs européens. « Le pire est à venir, craint notre source. Le marché européen est le seul à ne pas être revenu aux chiffres d’avant le Covid, la transition vers l’électrique est beaucoup plus lente que prévu et les nouveaux constructeurs chinois n’ont pas encore pleinement lancé leur offensive commerciale en Europe. »
Le serrage de vis a déjà commencé au sein du groupe. Fin juillet, la direction a envoyé un message aux managers pour leur annoncer qu’un « gel des embauches sera mis en œuvre jusqu’au 31 décembre 2025 », avait révélé Libération. D’ici là, « les recrutements seront autorisés uniquement à titre exceptionnel (…) en alignement avec les priorités les plus stratégiques de l’entreprise ». En fait, la directive concerne les cols blancs uniquement et certaines usines renforcent déjà leurs équipes.
À Sandouville (Seine-Maritime), 50 CDI seront recrutés d’ici la fin de l’année pour accompagner la production de l’utilitaire électrique Flexevan, qui débute en octobre. Un plan de recrutement de 500 CDI d’ici 2027 vient d’être décidé pour les usines Electricity dans le Nord. Et, à partir d’octobre, une demi-équipe de nuit sera mise en place à Douai, occasionnant l’embauche de 550 intérimaires.
Mais, en dehors des usines, le cap est nettement sur la réduction de voilure et la recherche d’une « plus grande agilité ». Selon plusieurs sources internes, de nombreux cadres et employés dans les fonctions support ont vu leurs périodes d’essai non renouvelées.
À l’ingénierie, un accord a été signé avec les organisations syndicales pour ouvrir des départs négociés : un maximum de 60 via des ruptures conventionnelles collectives et jusqu’à 350 pour les salariés à moins de 3 ans de la retraite (dispense d’activité). La direction s’est engagée à compenser les départs par des arrivées. Elle assure à l’Informé que « la moitié [d’entre elles] sera réalisée d’ici la fin de l’année, malgré le gel des embauches ». Des groupes de travail ont été mis en place en septembre autour de l’amélioration de la performance. « L’objectif est de se réinventer, rapporte un cadre. On nous demande de simplifier les processus pour réduire les temps de développement des prochains véhicules. »
Pour la direction, la future Twingo électrique est l’exemple à suivre. Conçue en France, elle a été développée en Chine au Advanced China Development Center (ACDC) de Renault, en seulement 24 mois, contre 3 ans pour la Renault 5 et 4 ans pour la Mégane. « Ce devrait être même inférieur à 24 mois au final, prévoit un dirigeant. L’objectif est que la France se rapproche de tels délais de développement et pas seulement pour les modèles électriques : pour les motorisations thermiques et hybrides également. C’est pour cette raison que Philippe Brunet [précédemment directeur de l’ingénierie d’Ampere, la filiale dédiée à la propulsion électrique et au software, ndlr] prend la tête de l’ingénierie pour tout le groupe. » Les équipes en France rassemblent près de 6 000 salariés.
Pendant cinq ans, la priorité a été de lancer de nouveaux modèles, avec la nouvelle R5, la R4 et le ‘dream garage’ d’Alpine, sous l’impulsion de Luca de Meo. À l’inverse, « quand il lui a succédé, François Provost a tout de suite pensé que la première action à entreprendre serait de réduire les coûts fixes, observe un bon connaisseur du groupe. Alors que Luca de Meo ne regardait que les grandes masses, François Provost va, lui, serrer les boulons en rentrant dans les moindres détails, en challengeant le management sur chaque poste de dépense. Il va contraindre le groupe à être plus frugal. »

Les nouvelles orientations stratégiques attendront la remise à plat de la structure de coûts. Pour l’instant, le nouveau directeur général s’inscrit dans les lignes tracées par le plan « Renaulution » de son prédécesseur, auquel il a largement contribué. « L’accent restera maintenu sur la poursuite du plan produits et sur l’innovation technologique, assure un proche des réflexions en cours. Cela reste le cœur de la stratégie, il n’y aura pas de rupture. » Seule modification : par souci de simplification, Ampere, séparée pour permettre son entrée en Bourse, devrait être réintégrée au sein du groupe, comme l’avait révélé l’Informé. La nouvelle organisation, comprenant les usines d’Electricity d’un côté et l’ingénierie réunifiée, sera définie à la fin de l’année. Et le groupe devrait aussi consentir plus d’efforts sur la zone Amérique latine, fortement attaquée par les constructeurs chinois.
Les premières indications sur la future stratégie devaient être dévoilées en novembre lors d’un « Capital market day ». Mais le rendez-vous a été décalé à mars 2026. « François Provost a besoin de plus de temps pour refaire le plan à sa manière, indique un proche. Il est présent deux jours par semaine au Technocentre : il repasse dans le détail toutes les gammes de produits. » Il faudra attendre pour connaître le plan stratégique qui succédera à « Renaulution », qui ne s’intitulera peut-être pas « Futurama » comme l’avait baptisé Luca de Meo. Certains jugent même que rien ne sera arrêté avant au moins un an.