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Continuer la lectureLe rappeur Danyl se fâche avec Universal
L’artiste a mis fin à son contrat avec la major, qui l’attaque en justice.

Le 14 novembre dernier, ils étaient des centaines à se presser à l’entrée de la Cigale. Devant une salle pleine à craquer, l’artiste Danyl se produisait ce jour-là pour la première fois sur une grande scène parisienne. Malgré seulement une petite quinzaine de titres déjà sortis, le concert affichait complet et les fans reprenaient en chœur les paroles des morceaux aux sonorités raï Mazel, Billie Eilish ou encore L’amour c’est pour les autres. De quoi offrir un joli tour de chauffe au rappeur avant de monter sur les planches de l’Olympia, le 30 avril prochain. Mais si, sur scène, tout semble sourire à Danyl, côté coulisses, c’est une autre histoire… Loin des projecteurs, le Franco-algérien se retrouve empêtré dans un combat compliqué avec un géant de la musique : Universal.
Entre l’artiste et la maison de disques, les débuts étaient pourtant prometteurs. En 2020, Universal Music, séduit par le profil du chanteur, lance autour de lui un dispositif pensé pour accompagner les jeunes talents, le Spinnup Lab. L’incubateur s’adresse alors aux artistes émergents, en demande de professionnalisation. Mais très vite, Universal décide finalement de signer Danyl via un label plus classique du groupe, Romance. Né de la fusion d’Initial Artist Services et de Barclay, celui-ci compte alors dans ses rangs nombre de stars de la variété française comme Eddy de Pretto, Angèle ou encore Clara Luciani.
Danyl, déjà à la tête de son propre label Aliwa, signe en janvier 2021 un contrat avec Universal prévoyant la réalisation d’un album et d’un spectacle (assortis de deux autres albums et deux autres spectacles optionnels). En même temps, le géant du secteur et Aliwa concluent un contrat de coproduction des enregistrements du rappeur, en confiant la production exécutive à Universal. « Dans le milieu de la musique, de plus en plus d’artistes créent d’abord leur structure, s’autoéditent et s’autoproduisent puis signent avec un label ou une maison de disques pour avoir un renfort financier qui leur permet d’engager plus d’argent dans leur promotion, par exemple », explique Vinciane Jacquet, avocate spécialisée dans le droit de l’art et du spectacle. « La spécificité du rap est d’avoir ramené cette culture d’indépendance économique et de l’avoir rendue non seulement très répandue mais très valorisée en France », abonde Lola Levent, manager experte du rap et directrice artistique fondatrice de diva404, un projet dédié aux artistes qui s’identifient comme femmes ou non-binaires dans l’industrie musicale.
Mais deux ans plus tard, les choses se corsent. En janvier 2023, le chanteur notifie à Universal la rupture des contrats qui les lient, et fixe leur terme à janvier 2022, soit un an avant. Le procédé n’est pas du goût de la maison de disques, qui conteste sa décision et martèle dès février 2023 que les contrats sont toujours en vigueur. Malgré cela, Danyl change de boutique et signe avec un nouveau label : Structure. Créée en 2022, la société appartient à des anciens d’Universal, et plus précisément… de Romance, l’entité qui avait fait confiance à Danyl en 2021. Ses cofondateurs Yann Dernaucourt et Pierre Cornet ont quitté le géant de la musique pour fonder leur propre boîte, suivis par de nombreux collaborateurs.
« Après leur départ de Romance, certains artistes se posaient des questions, et comme l’équipe historique n’était plus là, ils se sentaient coincés », raconte une proche du dossier à l’Informé. Parmi eux, Danyl donc. Avec sa nouvelle maison, il annonce en juin 2023, sur son compte Instagram la sortie des titres Galbi et Billie Eilish ainsi que la tenue d’un spectacle en octobre suivant à la Maroquinerie. Universal ne digère pas le départ de son poulain à la concurrence, et met alors en demeure Structure et Believe, la société en charge de la distribution des morceaux du rappeur, de ne pas exploiter les enregistrements de l’artiste. Peine perdue : la mise en demeure reste sans réponse. En juillet, le groupe assigne finalement Structure, Believe et Aliwa au tribunal judiciaire pour violation des contrats les liant à Danyl et contrefaçon de ses droits sur l’un des titres sortis par le chanteur. Entre juillet 2023 et mars 2024, l’artiste est particulièrement prolifique, sortant trois EP : Khedma 1, 2 et 3.
Fin 2024, le tribunal s’est penché sur l’affaire, pour finalement prononcer un sursis à statuer le 4 décembre. Pour justifier sa décision, la juridiction a repris les arguments des avocats de Believe, Structure et Aliwa : pour juger l’affaire, il faut d’abord déterminer si, au moment des faits reprochés, Danyl était encore engagé envers Universal. Une décision qui relève non pas du tribunal judiciaire, mais du Conseil des prud’hommes, vers qui la juridiction renvoie les parties. « Le seul motif qui peut justifier la terminaison anticipée d’un contrat serait une faute grave, explique Vinciane Jacquet. Le fait de ne pas respecter les termes du contrat ou de ne pas s’occuper du développement de l’artiste par exemple… » Le désaccord entre un artiste et une major peut aussi être inverse, indique Lola Levent : « la maison de disques a un pouvoir de suggestion plus ou moins prononcé, selon le contrat, sur le marketing, la communication… Des artistes croient qu’ils garderont toutes leurs marges de manœuvre et se rendent compte que ce n’est pas toujours le cas. Mais il est dans tous les cas compliqué de casser un contrat avec une major », précise la manager. Le tribunal judiciaire a ordonné que les parties rencontrent un médiateur avant le 15 janvier.