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Continuer la lectureAldi sort l’artillerie pour lutter contre le vol
La chaîne discount déploie des portiques et portillons antivol dans ses plus de 1 300 magasins en France. La fauche lui coûterait au bas mot 75 millions d’euros par an.

Aldi a décidé de déclarer la guerre aux voleurs. Le discounter allemand, qui compte plus de 1 300 points de vente sur tout le territoire, n’était jusqu’ici pas vraiment armé pour lutter contre la fauche. Mais les choses sont en train de changer. Selon nos informations, un plan d’envergure doit permettre à tous ces magasins d’être équipés de portiques antivol dès l’entrée, un dispositif complété par des portillons en sortie de caisse. Ce projet, présenté en interne en mars 2024, doit en théorie être bouclé d’ici la fin de l’année. Objectif : limiter la perte de revenus. Et le discounter en a bien besoin.
Dans une des 16 centrales régionales d’Aldi un salarié nous indique que le taux de démarque atteint ainsi 5 % du chiffre d’affaires. Ce chiffre comprend à la fois la démarque connue (casse produit, références ayant dépassé leur date limite de vente, etc.) à hauteur de 3,5 % environ, et la démarque inconnue (marchandises volées par les clients et les employés). Celle-ci est de l’ordre de 1,5 %. Ce dernier chiffre est dans la moyenne généralement constatée par la profession, mais le vol peut même être deux ou trois fois plus important, dans des magasins mal tenus ou situés dans des zones difficiles.
Crédité d’un chiffre d’affaires de 5 milliards d’euros en 2022, selon les derniers comptes connus, et en tablant sur une hypothèse basse de 1,5 %, Aldi verrait donc s’évaporer un minimum de 75 millions d’euros de marchandises tous les ans en France. Mais le montant réel pourrait être largement supérieur, selon plusieurs personnes contactées par l’Informé. Le discounter, très présent dans les quartiers populaires, n’est pas le seul à être confronté à ce fléau. Des enseignes bio, pour lesquelles le vol n’a pendant longtemps pas été un problème, seraient également en train de s’équiper selon un expert du secteur.
Chez Aldi, où l’on traque la moindre économie, le système actuel atteint ses limites. Jusqu’ici, le seul dispositif existant consistait en un sas d’entrée avec des portes empêchant théoriquement de ressortir par l’entrée. Pas de quoi impressionner les candidats au larcin ayant un complice posté à l’extérieur et prêt à en déclencher l’ouverture. Plusieurs témoignages recueillis auprès de salariés traduisent les tensions liées au vol. Les agents de sécurité - quand il y en a, ce qui est rare - ne sont pas là pour traquer les aigrefins, mais pour assurer la sécurité du personnel et des clients. Les images des caméras de surveillance sont rarement exploitées. Et Aldi n’utilise quasiment jamais d’étiquettes ou de dispositifs antivol sur les produits. Car cela coûte de l’argent et nécessite de la manipulation pour les apposer ou les enlever. Mauvais pour la rentabilité chère à Aldi.
« Aldi pousse la productivité à l’extrême, avec des indicateurs comme la VHP (valeur horaire par personne), et des employés ultra-polyvalents et flexibles. Ce qui nous incite à quitter la zone de caisses s’il n’y a pas de clients », nous explique un employé. Pour limiter au maximum les frais de personnel, on dénombre en moyenne la présence simultanée de seulement deux salariés dans un magasin de 1 000 m2, généralement un pour tenir la caisse et un autre pour gérer les palettes, garnir les rayons, faire des contrôles sur le frais, etc. « On voit les voleurs mettre en place des stratégies, nous explique un deuxième employé. Si je suis loin de la caisse à m’affairer, ils remplissent les sacs et attendent que la voie soit libre pour passer sans payer. Mais ce n’est pas notre rôle d’arrêter les voleurs. Nous ne sommes pas là pour nous prendre des baffes ! ».
Un salarié d’une autre centrale régionale constate, lui, une hausse régulière du taux de démarque inconnue : « On sait que des gens volent. Mais quand les deux employés sont des petits jeunes de 20 ans, ils ne vont pas s’interposer. Et comme il y a peu de personnel visible, réparti entre le magasin et la réserve, c’est open bar pour les voleurs ». Avec l’installation des portiques en entrée de magasin, et d’un portillon en sortie de caisse, que le caissier doit déverrouiller en débloquant un loquet, « cela devrait limiter les dégâts », estime un caissier. Et renflouer les caisses d’Aldi, qui en a bien besoin. Sur la période août-septembre, sa part de marché a atteint 2,8 % (+0,1 point par rapport à il y a un an). Un niveau bien éloigné des ambitions affichées lors du rachat de Leader Price en 2020. Aldi France, qui pesait alors sensiblement le même poids qu’aujourd’hui, pensait monter à 4 % en absorbant les magasins de l’ex-chaîne de Casino. Elle espérait même atteindre 8 % à horizon 2025-2027. Interrogée sur sa stratégie de lutte contre le vol, Aldi n’a pas répondu à nos questions.