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Continuer la lectureL’état-major de Suez suspendu au plan stratégique de Xavier Girre
En attendant la feuille de route du nouveau patron du groupe, centrée sur l’international et l’amélioration de la rentabilité, le management retient son souffle.

À quelques semaines de l’annonce du prochain plan stratégique concocté par le nouveau PDG de Suez, Xavier Girre, l’entreprise retient son souffle. Après quatre ans de pilotage incertain, les 40 000 salariés du groupe spécialisé dans l’eau et les déchets attendent beaucoup de la feuille de route censée remettre Suez sur la route de la croissance. Car, côté finances, la maison est sous tension. Les résultats du premier semestre 2025 restent fragiles : le chiffre d’affaires (4,6 milliards d’euros) et l’Ebitda (730 millions d’euros) ont stagné. Et côté management, Suez peine à se remettre des changements qui se sont succédé depuis près d’un an.
Aux manettes depuis juillet, l’ancien directeur financier d’EDF propulsé à la tête de Suez reprend le manche après une séquence compliquée. En janvier, l’ex-patronne Sabrina Soussan a été évincée et remplacée pendant six mois par un tandem provisoire de directeurs généraux par intérim, composé d’Yves Rannou et de Pierre Pauliac. À peine arrivé, le nouveau patron a dû acter le départ de trois directeurs historiques, décidé par ses prédécesseurs. « Ces annonces ont secoué en interne, explique une source. Or, pour remettre l’entreprise en marche, il faut que Xavier Girre puisse formater son projet et l’équipe qui va le déployer ». Résultat, les rumeurs qui courent en interne sur la réorganisation du top management vont bon train.
Le sort des deux ex-directeurs généraux par intérim fait ainsi l’objet de toutes les supputations. Yves Rannou, qui pilote la division recyclage et valorisation depuis 2023, devrait quitter l’entreprise (voir notre article). Quant à Pierre Pauliac, à la tête de la division eau du groupe, il pourrait changer de périmètre. « On évoque la direction internationale », avance un collaborateur. À la tête de ces deux activités en France, où le groupe réalise 60 % de ses revenus, David Lamy (déchets) et Arnaud Bazire (eau) paraissent en revanche promis à un bel avenir. Le premier, fils de l’ancien directeur général de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) Pascal Lamy, est en poste depuis trois ans. Le second depuis 2021. « Ils font l’unanimité en interne », assure un proche du dossier.
Le nom de Xavier Matharan a été pressenti avant l’été pour rejoindre les rangs du groupe. À la tête de Parme avocats, cet avocat est un proche de Thierry Déau, à la fois fondateur de la société d’investissement Meridiam et président de Suez. Son cabinet a déjà travaillé pour ces deux acteurs. Spécialiste des relations entre acteurs publics et entreprises privées, ce juriste peut se prévaloir d’une bonne connaissance du secteur et du monde politique : il a été conseiller de Dominique Voynet et de Ségolène Royal au ministère de l’écologie et premier adjoint de l’ancien maire d’Évry, Manuel Valls. Un profil potentiellement compatible avec un poste de secrétaire général, actuellement occupé par Anne-Sophie Le Lay. Pour autant, l’hypothèse semble avoir été remisée. Quant à l’intéressé, il dément à l’Informé toute volonté de quitter la robe noire.
Chose sûre, la réorganisation du top management devra traduire les nouveaux mantras portés par Xavier Girre. Selon nos informations, le groupe devrait notamment pousser les feux sur le développement international, notamment au Moyen-Orient où les appels d’offres sont nombreux et les besoins en infrastructures colossaux. Le renforcement de la R&D et de la formation interne figureront aussi parmi ses priorités.
Réduction des frais de structure
Le groupe va aussi devoir réajuster ses offres commerciales. « Si Suez est reconnu pour sa bonne capacité d’exécution, ses prix sont très souvent plus élevés que ceux de ses concurrents », avance une source. L’entreprise a certes remporté fin 2024 le giga contrat de la gestion des déchets de Toulouse, mais a enchaîné les déconvenues cet été, perdant coup sur coup la concession de l’agglomération de Béziers face à Veolia et le renouvellement de la délégation de service public (DSP) sur l’incinération des déchets de la métropole de Montpellier face à Urbaser. Selon nos informations, le groupe s’est vu aussi éconduire en septembre sur la DSP du syndicat Hydreaulis (Yvelines et Hauts-de-Seine) sur le traitement, la collecte et le transport des eaux usées au profit de la Saur. Et il serait en mauvaise posture sur le contrat de l’usine d’incinération de Lagny-sur-Marne (Seine-et-Marne) face à Paprec. Pour gagner en compétitivité, la réduction des frais de structure et la réorganisation du management sera inévitable pour coller aux nouveaux objectifs. « Sabrina Soussan a maintenu une logique de groupe. Résultat : l’entreprise réalise maintenant moins de 10 milliards d’euros d’activité mais elle est quasiment restée staffée comme quand elle pesait le double ! », souligne un spécialiste du secteur.
La question de l’équilibre actionnarial pourrait enfin revenir sur le haut de la pile. Suez est détenu à 39 % par Meridiam, à 39 % par l’américain GIP (repris en 2024 par le gestionnaire d’actifs BlackRock) et à 19 % par la Caisse des dépôts et CNP Assurances. « Depuis quatre ans, les désaccords persistants sur la stratégie et les calendriers divergents des actionnaires finissent par rendre la situation malsaine, estime un fin connaisseur du secteur. Beaucoup commencent à se dire que cet attelage devient critique pour une entreprise comptant plusieurs milliers de contrats publics en France dans des secteurs aussi cruciaux que l’eau et les déchets ». Sans compter que les élections municipales approchent et qu’il vaut mieux éviter une nouvelle crise autour de Suez.
« La Caisse des dépôts pourrait revenir dans le jeu », pronostique une source. « Xavier Girre a une carte à jouer, analyse une autre. L’ancien directeur financier d’EDF est bien plus dans les allées du pouvoir que ne l’était Sabrina Soussan. Il a travaillé dans des entreprises très ancrées dans les territoires. Ça peut fluidifier les choses notamment avec la Caisse des dépôts ». Meridiam, qui ambitionne toujours d’avoir les coudées franches à la tête de Suez, a cependant un problème de taille : à quel prix le fonds américain GIP acceptera-t-il de sortir ? Des candidats, comme l’allemand Rethmann qui opère dans le même secteur que Suez, restent en embuscade. Le groupe, qui avait déjà manifesté son intérêt pour entrer au tour de table lors de l’OPA de Veolia sur Suez, ne cache d’ailleurs pas son intérêt. Actionnaire majoritaire de Transdev dont il a racheté 32 % du capital à la Caisse des dépôts depuis juillet, il a aussi repris au printemps la société alsacienne de déchets Schroll, ainsi que l’avait annoncé l’Informé.