L'abonnement à l'Informé est à usage individuel
Un autre appareil utilise actuellement votre compte
Continuer la lectureL’intense pressing de Decathlon sur Intersport
L’enseigne de la famille Mulliez accuse son concurrent de violer la réglementation pour des opérations commerciales et des ouvertures de magasins le dimanche. Elle multiplie les procès… avec un succès mitigé.

La concurrence est plus vive que jamais dans la distribution d’articles de sport. Avec l’absorption récente de 68 magasins Go Sport, Intersport entend bien talonner le leader, Decathlon. L’enseigne coopérative vise 4 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2024, plus si loin des 4,75 milliards réalisés l’an dernier par le distributeur de la famille Mulliez.
De façon plus discrète, ce duel se retrouve aussi devant la justice. Et là, c’est Decathlon qui mène l’attaque. Depuis un an et demi, pas moins de quatorze procédures différentes ont donné lieu à des décisions de tribunaux de commerce ou de juridictions d’appel, selon le recensement de l’Informé. À chaque fois, l’enseigne nordiste reproche à son concurrent des pratiques commerciales illicites. Un activisme que les avocats d’Intersport ne se sont pas privés de tacler à plusieurs reprises. « La société Decathlon France perdant des parts de marché depuis 2018 a engagé une guerre judiciaire à l’encontre du réseau Intersport en multipliant les procédures », ont-ils affirmé aux juges. Comme sur le terrain commercial, le combat à la barre est serré. Pas de KO à l’horizon : le leader du secteur mène aux points, mais de peu.
Son principal cheval de bataille ? La contestation des ouvertures dominicales. Elles constituent l’essentiel des procédures recensées par l’Informé. Une petite dizaine de magasins Intersport de la moitié nord de la France, poursuivis chacun à titre individuel, sont concernés. Decathlon les accuse d’ouvrir le dimanche bien plus souvent que les arrêtés municipaux ne le permettent.
En première ligne, les points de vente de l’homme d’affaires picard Bernard Joannin, l’un des principaux acteurs du groupement coopératif Intersport, par ailleurs président du club de foot Amiens SC. Son magasin d’Amiens, justement, aurait ouvert « à au moins 38 reprises » en dehors des autorisations du maire entre 2019 et 2023. Celui de Saint-Martin-lès-Boulogne (Pas-de-Calais), dont il est aussi propriétaire, une cinquantaine de fois. Les avocats des points de vente ont tenté de défendre une lecture de la réglementation autorisant l’ouverture tous les dimanches. En vain.
Decathlon a notamment obtenu une série de quatre décisions favorables de la cour d’appel d’Amiens le 10 octobre et trois autres de la cour d’appel de Douai le 12 septembre. Les magasins visés sont soumis à des astreintes de 30 000 à 50 000 € pour chaque nouvelle ouverture illicite. Un pourvoi en cassation reste toutefois possible.
Autre front ouvert par Decathlon : la contestation des opérations du type vente en liquidation. La loi autorise ces dernières pour écouler des stocks dans des circonstances particulières (notamment à perte), comme avant un déménagement ou une fermeture pour travaux. L’enseigne nordiste suspecte certains Intersport d’en profiter pour écluser les marchandises d’autres points de vente de la région.
Pour le prouver, elle dépêche régulièrement des huissiers lors de ces opérations. Et les deux groupes s’écharpent ensuite au tribunal sur la validité des constats. Ces dernières semaines, ceux réalisés en 2020 dans le magasin Intersport de Fayet Saint-Quentin (Aisne) ont été définitivement annulés par la cour de cassation, tandis que d’autres diligentés en juin 2022 dans le point de vente de Saint-Dizier ont été validés par la cour d’appel de Dijon.
Cette année, la chaîne des Mulliez a aussi tenté un dernier type d’attaque… qui lui a valu un sévère désaveu de la part du tribunal de commerce d’Évry. Accusant son concurrent de mener des promotions trompeuses, Decathlon réclamait 900 000 euros de dommages et intérêts. Dans son viseur : des offres affichant des prix réduits, sur intersport.fr, pour des vélos électriques de la marque maison, Nakamura. Selon Decathlon, les promotions s’étaient enchaînées sans discontinuer pendant six mois fin 2021-début 2022, sans que jamais le prix indiqué comme prix de référence soit pratiqué. L’enseigne reprochait aussi l’emploi de mentions trompeuses comme « quantités limitées » ou « déstockage massif ». Mais le tribunal n’a pas suivi : il « ne décèle pas dans [ces] pratiques marketing une action suffisamment significative pour modifier sensiblement le comportement du consommateur en le trompant délibérément » sur la réalité de la promotion. Selon nos informations, Decathlon a fait appel.
Contactés, ni Intersport ni Decathon n’ont souhaité commenter nos informations.
