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Continuer la lectureDecathlon - Intersport : bataille acharnée autour du masque Easybreath
Le masque aquatique du distributeur nordiste a fait des envieux chez les concurrents. Poussant l’enseigne de la famille Mulliez à en attaquer plusieurs en justice.

Alors que l’été pointe enfin son nez, le voilà de retour sur les plages : le masque de plongée Easybreath. Avec son tuba intégré, le fameux modèle de Décathlon s’est imposé chez les amateurs de snorkeling depuis son lancement en 2014. Déjà vendu à plusieurs millions d’exemplaires, il est devenu un best seller… que le distributeur nordiste défend bec et ongles. Selon nos informations, le commerçant vient de boucler plusieurs affaires contre des entreprises qui se seraient, selon lui, un peu trop inspirées de sa trouvaille.
L’une d’entre elles concerne son concurrent Intersport France. Dès 2017, Décathlon a fait procéder à des opérations de saisie au siège de son rival. Au cœur du délit ? Le masque de snorkeling Technopro d’Intersport, qui ressemblait fortement au Easybreath. L’enseigne liée à l’Association Familiale Mulliez demandait, rien de moins, de considérer ce produit comme une contrefaçon - pour en interdire la commercialisation - et réclamait des indemnités pour concurrence déloyale et parasitisme. Après avoir comparé les différents modèles, les juges n’ont pas retenu la contrefaçon. D’abord parce que plusieurs caractéristiques similaires sont imposées par la fonction technique du produit (la forme générale, le tuba placé en hauteur). Ensuite parce que des différences - subtiles mais notables - existent entre les masques concernés, de l’aspect du tuba à la forme de la vitre.
En revanche, les accusations de concurrence déloyale et parasitisme ont elles été considérées comme recevables. Selon les éléments relevés par les juges, Decathlon a déboursé 350 000 euros pour concevoir et développer son modèle, puis 3 millions d’euros pour le promouvoir. Avec à la clé, un succès immédiat : entre mai 2014 et novembre 2018, le chiffre d’affaires de cette référence a atteint 73 millions d’euros. Selon les magistrats, ce masque constituait donc « une valeur économique identifiée et individualisée » pour le nordiste, tandis qu’Intersport et son fournisseur allemand Phoenix n’ont justifié « d’aucun travail de mise au point ni de coûts exposés relatifs à leur propre produit ». Ces derniers ont donc indûment profité de la notoriété et du succès d’Easybreath et se sont vus condamnés pour cela à 100 000 euros d’indemnités. Une décision confirmée en appel, puis en cassation il y a quelques jours.
Dans le même temps, et malgré le grand-angle de vue de son masque, Decathlon n’a pas vu arriver un autre coup. Il est venu cette fois d’un ex-partenaire, le fabricant Italien Mestel Safety. Cette entreprise, spécialisée dans les équipements de protection et masques à gaz, avait participé, fin 2011, à la phase de conception de l’Easybreath conjointement avec Decathlon. Selon leurs engagements contractuels, le Transalpin devait s’abstenir de commercialiser à son propre compte deux modèles très similaires (sous les marques Aria et Sea Vu Dry) pendant une durée déterminée. Mais le groupe a semble-t-il passé outre. Résultat, Decathlon lui a réclamé 6,6 millions d’euros à titre de provision du préjudice commercial et 100 000 euros de plus pour atteinte à l’image. Le tout en demandant la nomination d’un expert pour déterminer le nombre de masques commercialisés en violation des accords pris entre les deux groupes, afin d’estimer exactement la somme qui lui était due.
Les esprits se sont finalement calmés et un protocole d’accord confidentiel a été signé fin 2023, selon nos informations. Joint par l’Informé, Ocean Reef Group, la maison mère de Mestel Safety, nous a confirmé l’existence de cette entente, dont les termes, notamment financiers, n’ont pas été dévoilés. Ce rabibochage explique la discrète parution en janvier d’une déclaration sibylline sur le site de l’entreprise italienne. Les deux ennemis d’hier se lançaient des fleurs au sujet de leur « étroite et indispensable » collaboration au sujet d’Easybreath, sans qui « une telle success story » n’eut été possible. Leurs équipes se déclaraient « heureuses d’avoir vécu cette expérience commune et sont honorées d’avoir eu un tel impact dans le milieu des sports subaquatiques à travers le monde ». Depuis cette prise de parole toute en rondeur, les deux sociétés se sont désistées de toutes leurs procédures judiciaires en cours. Contactés, Décathlon et Intersport n’ont pas souhaité commenter.