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Continuer la lectureAccusé d’avoir vendu du faux miel, le fabricant de Lune de Miel jette l’éponge
Après plusieurs années de contestation, Famille Michaud Apiculteurs vient d’accepter un redressement des douanes, portant sur du miel frauduleux importé de Chine.

C’est un dossier que le leader du miel en France aimerait oublier. Alors que les fraudes sur les produits de la ruche sont récurrentes, Famille Michaud Apiculteurs a fait face à une accusation infamante : celle d’avoir importé - et vendu ! - du faux miel chinois. Selon nos informations, cette grosse PME installée près de Pau (Pyrénées-Atlantiques) vient de mettre un terme à un long conflit judiciaire avec la douane à ce sujet – un bras de fer qui ne s’était guère ébruité malgré le caractère très sérieux de ce dossier.
Proposant du miel français mais surtout de nombreux mélanges de miels d’importation, l’entreprise est connue du grand public via sa marque phare, Lune de miel, numéro un des ventes en supermarchés. Elle conditionne également de nombreux pots pour le compte de marques de distributeurs.
Dans cette affaire, tout commence en janvier 2014, lorsque les douaniers débarquent au siège de la société. Ils saisissent 26 échantillons correspondant à des lots importés de Chine les mois précédents : selon l’analyse en laboratoire, pas moins de 24 ont subi une adultération. Autrement dit, ils ont été trafiqués. Comment exactement ? Difficile à savoir, mais la réglementation est claire : le miel est la substance produite par les abeilles, sans aucun ajout ni transformation. Dans le secteur, les fraudes les plus courantes consistent à le mélanger avec des sirops de sucre très bon marché, fabriqués à base de riz, de blé ou de betterave.
Famille Michaud tente alors de contester la fiabilité des analyses commandées par la douane, reposant sur la technique de la résonance magnétique nucléaire (RMN). En mai 2021, elle perd la première manche devant le tribunal judiciaire de Créteil. Puis gagne la seconde devant la cour d’appel de Paris deux ans plus tard. Mais cette décision est cassée par la Cour de cassation en septembre 2024. Le 17 février dernier, l’entreprise a finalement renoncé à se battre, en se désistant. Elle devra donc passer à la caisse : n’étant pas du « vrai » miel, les produits auraient dû être davantage taxés. L’administration a établi un redressement de droits de douane de plus de 47 000 euros.
Interrogée par l’Informé, la PME explique son désistement par sa volonté « de se concentrer sur l’avenir ». Elle se dit toujours convaincue « de la conformité du miel concerné », sur la foi de ses propres analyses menée selon « les deux seules méthodes reconnues par les autorités européennes ». Elle estime que la méthode RMN, retenue par la douane, « était non-fiable à l’époque » et « de plus, non accréditée ».
Il est vrai que la détection des fraudes dans le miel est une affaire complexe, en raison de l’habileté des tricheurs et de l’absence de consensus international sur les méthodes d’analyse. « Idéalement, il faudrait combiner trois techniques d’analyse différentes sur un même échantillon », explique un expert indépendant.
Mais l’argument n’a pas convaincu les juges. Il faut dire que si Famille Michaud Apiculteurs contestait l’analyse RMN, le fabricant avait en réalité déjà commencé à l’utiliser, à l’époque, pour surveiller ses miels conditionnés pour le compte des supermarchés Leclerc.
Aujourd’hui, il assure, chiffres à l’appui, contrôler la totalité de sa production : il affirme avoir réalisé 32 000 analyses en 2024 et refusé 26 % des lots qui lui étaient proposés à l’achat en raison de non-conformités.
Mais cette affaire ne risque pas d’arranger l’image de l’entreprise auprès des apiculteurs français. Début 2024, lors des manifestations agricoles, certains s’en étaient pris à un camion de miel d’importation destiné à Famille Michaud. De façon générale, ils dénoncent le déferlement de faux miels, dissimulés derrière des importations à bas prix : « Les apiculteurs français sont victimes de la situation à double titre : d’abord parce que ces faux miels arrivent beaucoup moins cher sur le marché et parce que leur présence sème le doute dans l’esprit des consommateurs qui hésitent à acheter », commente Henri Clément, porte-parole de l’Union nationale de l’apiculture française (UNAF). Il estime que des prix trop faibles sont un indice de fraude.
Sur ce point, le jugement du tribunal judiciaire de Créteil, devenu définitif par le désistement de Famille Michaud et obtenu par l’Informé, apporte une précision éclairante : l’entreprise avait acheté les 24 échantillons frauduleux au même fournisseur pour 1,73 dollar le kilo (environ 1,5 euro), alors que les deux derniers lots, à l’authenticité validée, l’avaient été auprès d’un autre fournisseur chinois pour un tarif deux fois plus élevé (3,65 dollars, soit 3,30 euros). Selon l’UNAF, le miel français standard est aujourd’hui proposé aux conditionneurs entre 4,50 et 5,50 euros le kilo.
Ce n’est pas la première fois que le miel chinois est sur la sellette. En mars 2023, une enquête de la Commission européenne, portant sur l’analyse de 320 échantillons d’importation, estimait que 46 % étaient suspectés d’être frauduleux. Mais ce taux moyen, déjà élevé, grimpait à 74 % pour les lots originaires de Chine (et à 93 % pour ceux importés de Turquie !).