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Continuer la lectureVinci remis en jeu à l’aéroport de Rennes
En lice pour un renouvellement à Nantes Atlantique, le groupe de BTP et de concessions devra aussi batailler pour conserver sa délégation de service public sur l’aéroport breton, qui peine à redécoller depuis le Covid. L’occasion de mieux coordonner les deux plateformes distantes de 100 km ?

2025 sera une année de turbulences pour Vinci Airports sur ses plateformes de l’Ouest. Tandis que l’appel d’offres lancé par l’État pour l’aéroport de Nantes Atlantique bat son plein, la région Bretagne vient de lancer le sien pour celui de Rennes Saint-Jacques, selon nos informations. Le géant du BTP, qui opère 72 aéroports dans le monde, est le titulaire de la délégation de service public aux côtés de la CCI Ille-et-Vilaine depuis 2010. Celle-ci devait s’interrompre avec la création de Notre-Dame-des-Landes mais l’abandon du projet en 2018 puis l’épidémie de Covid a retardé l’ouverture du marché. Finalement, l’appel d’offres doit se jouer cette année : son attribution est prévue début 2026 pour une mise en œuvre au 1er janvier 2027.
D’une durée étendue à 20 ans, la valeur de la délégation à Rennes - Saint Jacques est estimée à 700 millions d’euros sur l’ensemble de la période. Mais rien n’est acquis. Si les aéroports français ont enregistré globalement une augmentation de 3,6 % de leur trafic en 2024, la plateforme bretonne de Vinci a accueilli l’année dernière 80 000 passagers en moins qu’en 2023 avec 512 000 visiteurs (-14 %). Par rapport à 2019, c’est toujours 40 % de passagers en moins qui sont passés par l’aéroport. « Rennes ne s’est jamais remis du Covid, indique une source proche du dossier. Plusieurs compagnies ont annulé leur desserte et ne sont jamais revenues. »
Vinci, dont l’activité de concessions autoroutières et aéroportuaires est dirigée par Nicolas Notebaert, n’a pas réussi à retenir Lufthansa qui assurait des liaisons avec l’Allemagne. Rome, Barcelone ou Madrid ont aussi disparu du tableau d’affichage de Saint-Jacques-de-la-Lande. Onze destinations ont toutefois été conservées dont une liaison Air France avec le hub international de Paris-Roissy. Easyjet fait toujours décoller ses avions vers Londres, et désormais vers Dublin et bientôt Manchester, tandis que Volotea vient d’annoncer l’ouverture d’une ligne vers Toulouse, en plus de Marseille et Montpellier.
« L’objectif pour l’aéroport de Rennes aujourd’hui est de se rapprocher de Nantes, indique une source proche du dossier en Bretagne. Il y a une solution à trouver qui permettrait d’équilibrer les deux modèles. » De fait, l’aérogare situé sur la commune de Bouguenais, à quelques kilomètres du Château des ducs de Bretagne, a vu son trafic exploser en 2024 (7 millions de passagers + 7,3 % sur un an) mais provoque de fortes nuisances pour 120 000 habitants de la métropole nantaise, selon l’association locale Coceta. Celle-ci réclame une extension des horaires du couvre-feu nocturne et un plafonnement du nombre de vols.
« Un rapprochement permettrait d’éviter des investissements pharaoniques à Nantes pour accueillir la progression du trafic, laquelle pourrait être absorbée à Rennes », indique notre source. C’est en substance la position de longue date de la région Bretagne. « Nous pouvons aller loin dans la synergie entre les deux grands aéroports de l’est breton, déclarait en 2023 son président Loïg Chesnais-Girard lors d’une session du conseil régional, cité par Ouest France. Nous sommes prêts à tout et nous l’avons dit au ministre des transports. »
Si l’État, via la Direction générale de l’aviation civile, a relancé son appel d’offres à Nantes, la concomitance de l’attribution de l’aéroport de Rennes pourrait être l’occasion de relancer une telle coordination. D’ailleurs, Vinci s’intéresse aux deux marchés. À Nantes, il a soumis une marque d’intérêt alors que, selon nos informations, son concurrent Eiffage ne souhaite pas revenir dans le jeu après son retrait d’un premier appel d’offres, annulé en 2023. Vinci devrait en revanche affronter la concurrence du groupe NGE, autre acteur français du BTP, qui a fait des concessions d’infrastructures de transports une de ses priorités (autoroutes A88 et A150 en Normandie, projet d’A69 entre Castres et Toulouse qui a été arrêté en février par le tribunal administratif de Toulouse). Avec le spécialiste du transport public Transdev, NGE a remporté l’année dernière la réouverture de la ligne de chemin de fer Nancy-Contrexéville. Et les deux groupes avaient aussi concouru, dans un consortium avec la Chambre de commerce et d’industrie de l’Oise, pour l’exploitation de l’aéroport de Paris-Beauvais, finalement gagné en avril 2024 par l’attelage Bouygues-Egis.
Aéroports de Paris a aussi marqué son intérêt pour l’aéroport nantais. Mais l’opérateur francilien, présidé depuis quelques mois par Philippe Pascal, compte rester concentré sur les investissements à réaliser à Roissy et Orly. Le dépôt d’une offre ferme n’est pas encore acquis. Selon nos informations, un acteur étranger se serait également positionné : le conglomérat turc Limak. Fondé en 1976 par Nihat Özdemir, le groupe de BTP et de tourisme s’est fait connaître en France en 2016 avec une candidature au rachat des participations de l’État dans les aéroports de Lyon et de Nice. Mais une levée de boucliers d’élus locaux comme Laurent Wauquiez (Auvergne-Rhône-Alpes) et Christian Estrosi (Nice) avait, à l’époque, entravé son projet. Le groupe est par ailleurs associé avec l’Aéroport de Lyon, dont Vinci est mandataire avec 31 % du capital, pour exploiter l’aéroport international de Pristina au Kosovo.