L'abonnement à l'Informé est à usage individuel
Un autre appareil utilise actuellement votre compte
Continuer la lectureBetclic, Unibet, Winamax… les sites de paris sportifs doivent bien payer la TVA
Saisie par Unibet, la justice a tranché le cas épineux des paris à cote, dans le sens de ce que souhaitait Bercy.

Victoire de l’OM par plus deux buts d’écart, doublé de Mbappé, nombre de jeux dans le prochain match de Novak Djokovic… la moindre rencontre sportive fait aujourd’hui l’objet de multiples paris sur des plateformes bien connues comme Betclic, Winamax, Parions Sport ou Unibet. Le principe est le suivant : avant chaque rencontre, le site attribue une cote à chaque équipe. Moins l’équipe est favorite, plus sa cote est élevée. Mais si l’équipe déjoue les attentes et gagne, alors c’est le jackpot pour celui qui a eu le nez de miser sur elle, et qui empoche un gain proportionnel à la cote. Mais une mauvaise nouvelle est tombée pour ces sites : la justice considère que la TVA s’applique bien sur ces paris. Depuis plusieurs années, un bras de fer sur le sujet oppose le fisc et les opérateurs. Ces derniers s’appuient sur un article du code des impôts, qui dispense de taxe la plupart des jeux : « Sont exonérés de la TVA (…) le produit de l’exploitation de la loterie nationale, du loto national, des paris mutuels hippiques, des paris sur des compétitions sportives et des jeux de cercle en ligne, à l’exception des rémunérations perçues par les organisateurs de ces jeux et paris ». En gros, et c’est logique, l’administration n’exige la TVA que sur le profit (sa rémunération dans les faits) que l’opérateur engrange, pas sur les gains qu’il reverse aux joueurs.
La question était donc de savoir si l’opérateur empoche ou non une « rémunération » dans le cas spécifique des paris à cote. Les sites affirmaient que non, assurant ne facturer ni frais ni commission, et ajoutant qu’ils peuvent même perdre de l’argent dans ce type de paris, dans le cas où ils se trompent grossièrement dans les côtes proposées aux joueurs, c’est-à-dire en évaluant mal les chances des équipes en lice.

Mais Bercy, puis le tribunal administratif de Montreuil, les ont renvoyés dans leurs buts. « Les opérateurs de paris à cote procèdent de telle manière qu’en moyenne leurs gains suffisent pour leur assurer un bénéfice raisonnablement prévisible et déterminable, indique le jugement, obtenu par l’Informé. Ils intègrent dans le calcul des cotes leur marge ». Dès lors, les sites empochent bien une rémunération, et sont donc soumis à une TVA de 20 %. Une position que Bercy avait fixée en 2019 dans un rescrit.
Suite à cela, des redressements fiscaux ont été notifiés à la plupart des acteurs du secteur. Betclic s’est vu réclamer 63 millions d’euros pour les années 2018 à 2020. ZeTurf a reçu une facture de 20 millions d’euros pour les années 2019 à 2022, qui ont été provisionnés l’an dernier. Unibet s’est vu demander 13,3 millions d’euros pour la période 2015-18. Quant à Winamax, il n’a pas voulu répondre à nos questions, mais il a passé l’an dernier une provision pour litiges de 10 millions d’euros qui pourrait correspondre à ce rappel à l’ordre de Bercy.
Selon nos informations, Unibet (qui ne nous a pas répondu) a contesté la douloureuse devant le tribunal administratif de Montreuil, arguant notamment que cette taxation est contraire aux directives européennes. Mais les juges administratifs lui ont donc donné tort : « il ne résulte pas de dispositions du code des impôts, éclairés par les travaux préparatoires à la loi de 2010 ouvrant les jeux en ligne à la concurrence, que le législateur aurait entendu exonérer totalement de la TVA les opérateurs de paris à cote ». Toutefois, la filiale du groupe Kindred ne lâche pas l’affaire, et a décidé de faire appel.
Le lobby regroupant les opérateurs privés français de jeux en ligne (Afjel) a aussi tenté un recours contre le rescrit de Bercy auprès de la Commission européenne, qui l’a rejeté en mai 2022.

À noter que ZeTurf vient d’être racheté par la Française des jeux, détenue à 20 % par l’État et qui, elle, joue les bons élèves. « Nous ne contestons pas l’obligation de payer la TVA française sur l’ensemble du produit net des jeux des paris sportifs, indique un porte-parole à l’Informé. Cette règle existe déjà depuis de nombreuses années. Elle a été confirmée dans son interprétation par la jurisprudence de la Cour de justice européenne à l’occasion de divers contentieux de TVA dans certains pays de l’Union Européenne ».
