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Continuer la lectureRéside Etudes Seniors : Crédit Agricole, LCL, CIC et la Banque postale sous la menace d’une action collective
L’Association de consommateurs France Conso Banque étudie les dossiers des bailleurs de l’ex Groupe Réside Etudes Seniors en vue d’une procédure conjointe à l’encontre de leurs conseillers en gestion du patrimoine.

La liquidation de Réside Études Seniors (RES) n’a pas fini de faire des vagues. En proie à de graves difficultés financières, ce groupe de 72 résidences pour personnes âgées a dû être placé en redressement judiciaire en juin dernier avant d’être repris, dans la douleur, par les sociétés Stella et Zenitude en fin d’année. Un scénario qui a valu bien des sueurs froides aux résidents, inquiets de se voir mis à la porte, mais aussi beaucoup de déboires aux bailleurs qui avaient investi dans ces résidences en y achetant des appartements, censés être reloués ensuite. Et beaucoup ne comptent pas en rester là.
Selon nos informations, l’association France Conso Banque est actuellement en train de fédérer plusieurs milliers de bailleurs victimes de cette déroute : ensemble, dans une action collective conjointe, une procédure civile, ils souhaitent se retourner contre les banques qui leur ont vendu les produits de location mobilière immobilière, autrement dit ces appartements. Dans leur collimateur, quatre établissements : Crédit agricole, LCL, le CIC et la Banque postale, qui pourraient être mis en cause pour défaut de conseil et d’information à leurs clients acquéreurs.
L’action vise l’annulation des contrats de ventes de bailleurs, tout en obtenant rapidement des délais de paiements pour les bailleurs en difficulté qui ont contracté des prêts bancaires et ne parviennent plus à les rembourser, faute de loyers. Si le quart du parc de RES, soit 1 500 lots, est porté par des investisseurs institutionnels, les 4 500 bailleurs restants sont des particuliers. Parmi eux, se trouvent des propriétaires dont la résidence n’a pas été livrée et qui doivent néanmoins rembourser des prêts immobiliers. La quasi-illiquidité de ces actifs complique la situation. L’association entend œuvrer pour « obtenir le dédommagement des pertes, y compris la perte de ne pas pouvoir revendre le bien », indique Michel Guillaud, président de l’Association France Conso Banque.
Le chemin pourrait cependant s’avérer semé d’embûches. Parallèlement à l’initiative de France Conso Banque, au moins trois cabinets d’avocats représentent les intérêts des propriétaires lésés et se trouvent actuellement engagés dans un bras de fer avec le repreneur le plus important, Zenitude, qui leur demande des baisses de loyer (contrairement au groupe Stella, repreneur de 22 résidences sur 72). Pour Maître Nathalie Hamet dont le cabinet Hamet et Lorgeoux représente un millier de bailleurs, la diversité des profils des propriétaires et de leurs conseillers de gestion de patrimoine ne va pas faciliter une action collective conjointe : « les demandes indemnitaires que peuvent faire les propriétaires seront principalement basées sur le défaut de conseil d’information des vendeurs de ces produits de défiscalisation. Il n’y a pas d’action collective possible, si ce n’est en fait un patchwork d’actions avec leur logique propre, selon ce qu’a fait ou pas fait chaque conseiller de gestion de patrimoine. » Une question cruciale puisqu’un conseiller de gestion du patrimoine rémunéré a une obligation d’information et de conseil et qu’il doit apporter la preuve qu’ils ont bien été délivrés. Il s’agit donc d’évaluer les informations dont disposaient réellement les banques au sujet des résultats financiers de RES.
Les difficultés du groupe ont filtré à partir de 2018 et ses bilans font apparaître des pertes dès 2020, avec un résultat négatif de 33,9 millions d’euros. Un établissement mis en cause, le Crédit Agricole, est l’un des créanciers du groupe Réside Etudes. Or, les conseillers financiers de trois banques ont continué à promouvoir des produits proposés par RES, malgré ses pertes structurelles. Seule la Banque Postale affirme avoir « arrêté de commercialiser les offres du groupe Reside Etudes en 2020 ». Il y a encore un an, les conseillers d’Angle Neuf, la filiale de LCL, se rendaient à Rouen aux portes ouvertes de la Résidence « Les Girandières », en promouvant cette visite sur les réseaux sociaux [(19) Publier | LinkedIn]. « La commercialisation de biens dans des résidences séniors fait partie des solutions d’investissement qui peuvent être proposées aux clients en fonction de leurs besoins et leur appétence au risque, indique LCL à l’Informé. Toutes les mesures ont été prises pour accompagner nos clients dans le cadre de la liquidation de Réside Etudes Séniors et de la reprise des résidences. » « Cette entreprise, 2e acteur du secteur, était solide et ne présentait aucun signe de difficulté au moment de la commercialisation, mais tout investissement présente par nature un risque, se défend de son côté le Crédit Agricole. L’activité de Réside Etudes Séniors a progressé sur l’année 2022, après avoir subi de plein fouet la crise du Covid. Les résultats étaient positifs pour Apparthotel et la branche étudiants (ndlr : les autres activités du groupe Réside Etudes). La branche séniors a vu sa marge s’améliorer et poursuivait sa croissance. » Également contacté, le CIC n’avait pas réagi au moment de la publication de cet article.
Pour autant, l’action collective est jugée prématurée par certains des protagonistes du dossier. François Morabito, avocat chez Gobert Associés qui représente 500 lots estime que l’évaluation du préjudice sera compliquée : « la baisse des loyers constitue un préjudice. Je suis pour l’instant entièrement investi dans la négociation par rapport au nouvel exploitant. L’action pour demander des dommages et intérêts au conseiller en patrimoine qui a vendu le produit, demander la nullité de la vente, c’est pour moi une phase postérieure. Il y a un délai de 5 ans pour agir à partir du jugement du 4 décembre 2023 » qui a marqué l’ouverture de la procédure de sauvegarde. Pour l’instant, le seul préjudice clairement identifiable apparaît être la perte des loyers avant la sauvegarde ainsi qu’entre octobre et novembre 2024, soit environ trois mois et demi de revenus.
France Conso Banque entend donc plutôt pointer la responsabilité des établissements financiers dans la perte de capital que subissent les adhérents : « le ticket d’entrée à RES était d’au moins 150 000 euros. Les sondages que nous avons faits sur le marché secondaire du LMP pointent une perte de 80 % de l’investissement initial : quelqu’un qui aurait investi 150 000 €, le ticket minimum, aurait perdu entre 110 et 120 000 € », souligne Michel Guillaud. Depuis quelques jours, l’association commence à recenser tous les cas de figure des investissements RES de ses adhérents, dans la perspective de parvenir à un premier bilan mi-février. D’ores et déjà, explique Michel Guillaud, il apparaît que « c’est une action collective qui pourra prendre des formes d’actions de défense individuelle parce que les avocats ne pourront pas assigner une seule banque. Ils vont être obligés de découper leur action collective en autant de parties prenantes qu’il y en aura dans cette affaire ».
En attendant, les bailleurs du groupe RES ne sont pas près de voir le bout du tunnel. En décembre, le groupe repreneur majoritaire Zenitude ne leur a tout simplement pas versé les loyers attendus, « des difficultés, dès la première échéance de loyers, note Maître Nathalie Hamet, qui nous font nourrir les plus vives inquiétudes à l’égard de cet exploitant ». Contacté, le groupe Zenitude n’a pas donné suite à une demande d’interview.