L'abonnement à l'Informé est à usage individuel
Un autre appareil utilise actuellement votre compte
Continuer la lectureLa taxe copie privée a encore rapporté un pactole au monde de la culture en 2022
L’Informé a pris connaissance du montant collecté par les ayants droit grâce à la redevance prélevée notamment sur les smartphones et les tablettes.

Chaque année, c’est un trésor que scrutent avec gourmandise les dirigeants de la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SACEM), de la société civile pour l’administration des droits des artistes et musiciens interprètes (Adami) ou encore de la société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD). Quel sera le montant capté par Copie France, la société chargée de collecter la redevance de la copie privée ? L’Informé est en mesure de révéler qu’il a atteint 285 millions d’euros en 2022. C’est le troisième total le plus élevé de l’histoire, guère loin du record de 2021 avec 298 millions d’euros et des 292 millions encaissés en 2018. Pour rappel, la taxe copie privée est juridiquement une indemnisation perçue par les ayants droit pour compenser le manque à gagner théorique né des copies de films ou de musiques que les consommateurs réaliseraient sur des appareils électroniques.
Pour être exact, Copie France a collecté 305 millions d’euros l’an passé. Mais une partie du magot, lié à des retards de paiement ou des contentieux, a été ventilée comptablement à de précédents exercices. Encore une fois, les smartphones représentent la plus grosse part du gâteau de la taxe copie privée : 76 %. Logique, puisque 14 euros HT sont prélevés pour chaque appareil offrant plus de 64 Go de stockage et qu’il s’en est vendu 15,2 millions. iPad et autres tablettes ont constitué de leur côté 11 % des recettes perçues. Les autres supports plus anciens, comme les CD ou DVD vierges, les cartes mémoires, les baladeurs MP3 ou les autoradios n’occupent que des places résiduelles dans le classement.
Des pros encore peu remboursés
La taxe copie privée est prélevée non pas par le vendeur auprès du client final, mais chez l’importateur du smartphone ou de la tablette qui répercute ensuite son montant. Sauf qu’à cette étape, impossible de déterminer si les appareils assujettis termineront entre les mains d’un particulier ou d’un professionnel, comme un avocat, un artisan ou un médecin. Résultat, tout le monde contribue, alors que ces pros ne sont pas vraiment censés faire des copies d’œuvres. Initiée par la jurisprudence européenne et le Conseil d’État, une loi a prévu en 2011 que les sociétés pourraient enfin se faire rembourser ce qu’elles n’avaient pas à payer, mais à la condition de respecter un certain formalisme détaillé par un arrêté du ministère de la Culture, comme la production d’une facture mentionnant le poids de la redevance. Cette procédure est encore bien méconnue comme en témoignent les derniers chiffres de 2022. L’an passé, seuls 4,69 millions d’euros ont été remboursés aux pros, après 3,42 millions en 2021, 3,13 en 2020 et 2,10 en 2019. Des sommes très en dessous de ce qu’elles devraient être puisqu’une étude d’impact de 2011 soutenait que le marché professionnel représentait entre 20 et 30 % du total. Les sommes non réclamées, et donc non remboursées, sont conservées par les industries culturelles.
Quelle a été la destination de ce butin ? Un peu plus de 212 millions ont été redistribués aux auteurs, artistes et producteurs. 70,7 autres millions ont financé entre autres des festivals, ou ont été redistribués au prorata des ventes d‘albums. Pas encore connu, le détail de cette ventilation apparaîtra sous peu sur la plateforme officielle de Copie France puisque la Commission d’accès aux documents administratifs lui avait imposé la transparence suite à un long processus entamé par une procédure lancée par l’auteur de ces lignes en 2013. À titre d’exemple, en 2021, 271 250 euros avaient été versés à Universal Music France par la Société Civile des producteurs de phonogrammes (SCPP) pour un album de Florent Pagny. Enfin, 2,4 millions d’euros sont conservés par Copie France, le collecteur, pour couvrir ses frais de fonctionnement.
Près de 7 millions d’euros sur les produits reconditionnés
Depuis 2021, les entreprises spécialisées dans le secteur du recyclage sont aussi tenues de payer la redevance. Selon nos informations, entre le 1er juillet 2021 et le 31 mars 2023, Copie France a déjà collecté 6,73 millions d’euros sur les mobiles reconditionnés mais seulement 180 000 euros sur les tablettes. Le marché devrait croître année après année. Ces segments représentaient 2,6 millions de produits en 2020 et même 3 millions en 2022. Parmi les plus gros contributeurs, citons Cordon Electronics, Dignitas, DPA Europe, Itancia pour les téléphones et Amazon, AS 24, DPA Europe ou encore Extenso Tel pour les tablettes. Si de nombreux reconditionneurs payent, d’autres ont aussi engagé un bras de fer avec les ayants droit en refusant de régler la douloureuse. Près de 40 ont déjà été assignés en justice : 7 vendeurs français et 32 vendeurs étrangers. Et cette guerre judiciaire n’est pas près de s’arrêter puisque Copie France prépare 12 nouvelles assignations.
Encore un nouveau pas vers la taxation des PC
« Sauvegardez-vous certains contenus de votre micro-ordinateur dans un service informatique en nuage (Cloud), comme iCloud, OneDrive, Dropbox ? », « Si oui, quels types de contenus ? Musique, vidéo, texte, images fixes, livre audio ? ». Voilà quelques-uns des questions que les ayants droit, qui occupent la moitié des sièges au sein de la commission administrative chargée de voter le niveau de taxe suivant les appareils, envisagent d’intégrer aux études d’usages. Des questionnaires adressés à un panel de consommateurs dont les réponses, si elles témoignent de la présence de copies de musiques ou de films sur l’unité de stockage, leur permettront dans un second temps de justifier la taxation des ordinateurs. C’est l’un des derniers îlots encore exemptés de prélèvement.