L'abonnement à l'Informé est à usage individuel
Un autre appareil utilise actuellement votre compte
Continuer la lectureCulottes menstruelles, cups… leur remboursement intégral se précise, et inquiète les complémentaires
On pensait la mesure oubliée. Mais un projet de décret consulté par l’Informé acte la prise en charge des protections périodiques réutilisables par la Sécu. Et par les mutuelles et assureurs qui craignent une inflation de leurs coûts.

La nouvelle ravira les concernées. Les moins de 26 ans et les bénéficiaires de la complémentaire santé solidaire (C2S), pourront, dès le 1er septembre 2025, se faire rembourser des culottes menstruelles et cups. Et ce, à raison de deux fois par an, comme l’indique un projet de décret de la Direction de la sécurité sociale (DSS), que l’Informé s’est procuré. Celui-ci est soumis à l’avis du conseil de la Caisse nationale de l’assurance-maladie (Cnam), de l’Union nationale des caisses d’assurance-maladie (Uncam), de l’Union nationale des organismes complémentaires d’assurance-maladie (Unocam), et de la Mutualité sociale agricole (MSA). Ces instances consultatives doivent se prononcer d’ici le 24 avril avant que le texte passe à la loupe du Conseil d’État.
Ce remboursement des protections périodiques réutilisables était prévu dès le budget de la Sécu pour 2024. Défendu par Élisabeth Borne, alors Première ministre, et Aurélien Rousseau, son ministre de la Santé, il prévoyait initialement une prise en charge facultative par les complémentaires santé. C’est un amendement du socialiste Jérôme Guedj qui, après l’avis favorable du gouvernement, l’avait rendu obligatoire. Avec le temps, les mutuelles et assurances espéraient que la mesure serait enterrée ou encore repoussée. Il n’en est donc rien.

Dans le détail, le gouvernement prévoit un remboursement entre 55 et 65 % par la Sécurité sociale, et donc entre 35 et 45 % par les complémentaires. C’est la CNAM qui fixera la répartition finale de la couverture, avec sans doute un partage 60-40 %. Assureurs et mutuelles devront intégrer ces 40 % dans leurs contrats étiquetés « responsables ». Parce qu’il offre de nombreux avantages fiscaux à l’employeur (dans le cas des mutuelles d’entreprises) ou aux particuliers qui y souscrivent directement, ce type de contrat couvre aujourd’hui 98 % de la population.
Nouveau coup dur pour les complémentaires santé
C’est là que le bât blesse. Dans un contexte de flambée des tarifs des mutuelles ces dernières années - + 6 % en moyenne en 2025 après une hausse d’environ 8 % en 2024 - les fédérations du secteur réclament une remise à plat de ce fameux contrat responsable. Son socle de garanties s’est en effet progressivement élargi, sous l’effet de la réforme du 100 % santé, promesse électorale d’Emmanuel Macron offrant des lunettes, prothèses dentaires et aides auditives sans aucun reste à charge et sans avance de frais aux patients. Les complémentaires ont aussi dû compenser la baisse de la prise en charge des soins dentaires par la Sécurité sociale, passée de 70 % à 60 % à l’automne 2023. Ce transfert est chiffré à un demi-milliard d’euros en année pleine. Enfin, les mutuelles et assurances santé ne digèrent pas la hausse de la taxe de solidarité additionnelle (TSA), toujours souhaitée par la ministre Catherine Vautrin pour récupérer un milliard d’euros.
« La lutte contre la précarité menstruelle est un enjeu majeur d’égalité et de santé publique, que nous soutenons sans réserve, explique auprès de l’Informé Séverine Salgado, directrice générale de la Fédération de la mutualité française (FNMF). Toutefois, l’intégration obligatoire dans les garanties des contrats responsables, sans véritable dialogue, des protections menstruelles réutilisables interroge. Elle dévoie la logique assurantielle, fondée sur l’aléa, et contribue à l’alourdissement d’un dispositif déjà sous tension. Nous plaidons pour des solutions structurelles, via des circuits de mise à disposition ou des mécanismes de mutualisation d’achats hors contrat santé. »
Auditionnée par la mission d’évaluation et de contrôle des lois de sécurité sociale (Mecss) à l’Assemblée nationale le 27 mars, la présidente de France Assureurs, Florence Lustman a défendu une refonte du contrat responsable, qui ne va pas dans le sens de l’élargissement aux culottes menstruelles et cups prévu par le projet de décret. « C’est un contrat dans lequel les pouvoirs publics ont ajouté, au fil de l’eau, toute une série de garanties [...] de façon un peu désordonnée », a-t-elle affirmé. Conséquence de cet alourdissement : les comptes des organismes ont plongé dans le rouge en 2023, à hauteur de 188 millions d’euros, pour la première fois depuis 2011. Pour se renflouer, les complémentaires augmentent le tarif du contrat responsable qui devient donc trop onéreux, notamment pour « les seniors qui veulent des garanties centrées sur l’hospitalisation », ajoute Florence Lustman. Des offres a priori plus adaptées à leurs besoins leur sont proposées mais, comme elles ne sont pas considérées comme « responsables », elles sont plus lourdement taxées. Même le directeur général de l’Assurance maladie, Thomas Fatôme, a considéré que le contrat responsable doit être « allégé », lors d’une audition au Palais Bourbon le même jour.
Qui plus est, la contrainte d’être couvert par un tel contrat, dont le prix ne cesse d’augmenter ces dernières années, semble contradictoire avec la lutte contre la précarité menstruelle des moins de 26 ans. « C’est intrigant quand même. Prenez les préservatifs gratuits pour les jeunes, c’est l’Assurance maladie qui les prend 100 % en charge », commente Denis Raynaud, directeur de l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé (Irdes). Le coût des protections périodiques réutilisables - en moyenne trente euros l’unité - a sans doute dissuadé le gouvernement d’en faire porter la charge intégrale à la Sécu. « Mais s’il s’agit de cibler les jeunes, notamment les étudiants précaires, pourquoi ne pas passer par les mutuelles étudiantes ? », s’interroge le directeur de l’Irdes.