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Continuer la lectureLa Poste : Nathalie Collin se positionne pour succéder à Philippe Wahl
C’est en fin d’année que se décidera la succession du PDG du groupe, en poste depuis onze ans. La Caisse des dépôts, nouvel actionnaire majoritaire, entend peser sur le choix du nouveau patron.

Ce n’est pas encore une candidature officielle mais personne au sein du groupe La Poste ne doute qu’elle le deviendra le moment venu. La directrice générale adjointe chargée du Grand public et du numérique, Nathalie Collin, a lancé depuis quelques mois une campagne en interne pour faire savoir qu’elle se positionnait pour succéder, l’année prochaine, comme PDG à Philippe Wahl, atteint par la limite d’âge. « C’est la principale candidate », juge un bon connaisseur du groupe. « Tout le monde sait et tout le monde dit que Nathalie a fait acte de candidature », confirme un de ses proches. « Elle ne s’en cache plus, observe un dirigeant au siège parisien du groupe. Plus qu’aucun autre membre du comité exécutif à l’exception du PDG, elle multiplie les contacts avec les élus locaux, elle met en avant, sur les réseaux internes de l’entreprise comme sur les réseaux sociaux, une image de transformatrice du réseau de bureaux de poste, de proximité avec les postiers et de leader sur les projets d’avenir pour le groupe, comme le numérique. »
Dernièrement, un signe a convaincu chacun en interne que le moment approchait. La directrice générale adjointe a envoyé (par courrier postal, évidemment) en tout début d’année un message de vœux aux salariés... sans attendre la cérémonie de vœux du PDG, fin janvier. « Une erreur tactique dans ce long processus de succession, qui montre une certaine impatience à faire valoir ses qualités », sourit un cadre. Il est encore un peu tôt pour confirmer une telle ambition : le choix du prochain patron de ce mastodonte de 230 000 salariés ne devrait se cristalliser qu’en fin d’année. « Je n’ai pas de déclaration à faire, ni d’intention à cette date », nous répond d’ailleurs Nathalie Collin.
« Il ne faut pas se leurrer : le sujet ne se décidera pas à La Poste mais à la Caisse des dépôts et consignations et, surtout, à l’Élysée », rappelle un administrateur. Les deux actionnaires de La Poste accorderont leurs violons début 2025, au moment du renouvellement de leurs représentants au conseil d’administration. Selon les statuts, Philippe Wahl sera atteint en mars prochain par la limite d’âge de 68 ans, mais il ne passera effectivement la main qu’en mai 2025, lors de l’assemblée générale des actionnaires qui validera les comptes de l’exercice 2024. C’est lui qui a recruté Nathalie Collin en avril 2014 comme directrice de la communication et qui l’a promue l’année suivante à la tête de la branche numérique. Avec le pôle financier constitué par La Banque postale et CNP assurances, il s’agit d’un des premiers relais de croissance du groupe, confronté à la baisse continue du courrier : entre 2013 et 2022, le nombre de plis distribués est tombé de 14 à 6,7 milliards. Quand Philippe Wahl décide de fusionner le réseau et ses 17 000 points de contact (dont 7 000 bureaux de poste) avec le numérique, c’est encore Nathalie Collin qu’il promeut pour chapeauter la nouvelle entité, en tant que directrice générale adjointe en charge de la branche Grand Public et Numérique.
À la tête de 50 000 salariés, « Nathalie est une boule d’énergie, elle a su positionner La Poste sur les nouveaux services numériques, où Docaposte est devenu leader de la sécurisation des données et de l’identité numérique, témoigne un manager du groupe. Elle s’est entourée de managers opérationnels très efficaces sur ces nouveaux métiers. » Il y a encore beaucoup de marchés à capter, que ce soit sur la gestion des données de santé ou sur le permis de conduire numérique.
C’est une nécessité car La Poste, même si elle continue de dégager des bénéfices, doit faire face à une forte concurrence sur la livraison de colis de la part des plateformes d’e-commerce comme Amazon. Le groupe s’impatiente d’ailleurs de boucler le projet de reprise de l’Imprimerie nationale (IN Groupe), l’opérateur public des cartes d’identité et titres sécurisés. « Ça frotte entre l’État, qui amènerait l’actif dans le giron de La Poste, et la Caisse des dépôts qui doit apporter des capitaux pour équilibrer sa position », précise un proche du dossier.
Fille de postier, diplômée de l’Essec, Nathalie Collin est passée par la direction de journaux classés à gauche, Libération et L’Obs. « Cela colore son profil d’une fibre sociale, utile à La Poste, même si on lui connaît un caractère plutôt tranché, contrairement à Philippe Wahl qui, passé par le cabinet de Michel Rocard, est expert à arrondir les angles tout en obtenant ce qu’il veut », observe un élu du comité d’entreprise. Elle sait toutefois entendre les demandes des représentants politiques. Inquiète du recul des services publics en zone rurale, l’influente Association des maires de France avait réclamé l’ouverture des bureaux de postes le samedi, jour habituel du marché dans les villages. La directrice générale Grand public et numérique leur a alors promis, en juin, « l’ouverture de 1 000 bureaux en zone rurale le samedi dans les 18 prochains mois », avec un plan d’investissement de 800 millions d’euros sur quatre ans pour moderniser l’informatique aux guichets.
Philippe Wahl peut avoir comme ambition de mettre sur orbite une première femme à la tête de La Poste, mais la décision reviendra à Emmanuel Macron, avec le feu vert de la Caisse des dépôts, premier actionnaire du groupe postal. Le directeur général de la CDC, Eric Lombard, a déjà « réussi à imposer son candidat, Stéphane Dedeyan, à la présidence de la Banque Postale, contre celui poussé par Philippe Wahl. C’est certain qu’il voudra à la suite peser de tout son poids sur le choix du futur PDG de La Poste », prévoit un conseiller du groupe. Après avoir lâché le contrôle de CNP Assurances à la Banque postale en échange de 66 % du capital de La Poste en mars 2020, la Caisse des dépôts peut même exiger, pour inaugurer cette nouvelle ère, de placer un manager issu de ses rangs. Le nom d’Olivier Sichel, le patron de la filiale Banque des territoires passé par Orange où il a dirigé les activités Fixes et Internet pour l’Europe, est le plus cité.
« Nathalie coche beaucoup de cases, affirme un bon connaisseur du groupe. Mais le sujet aujourd’hui, c’est le projet pour La Poste et le pouvoir actionnarial : il faut que le nouveau patron ait la confiance d’Eric Lombard. » Neuf ans après son entrée au sein du groupe, celle qui a échoué à prendre la présidence de France Télévisions en 2015 devra convaincre qu’elle peut s’imposer, même si elle n’est pas issue d’un grand corps, dans une entreprise très liée à la sphère politique. « La fonction générera beaucoup d’envies à l’extérieur, prévoit un conseiller du groupe. Après les européennes et les Jeux olympiques, l’échiquier politique va énormément bouger en prévision de 2027. Il y aura alors pléthore de hauts fonctionnaires sur le marché, et donc beaucoup qui seront intéressés par La Poste. »
