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Continuer la lectureEn Guadeloupe, le Crédit agricole rattrapé par les affaires du passé
La banque a renouvelé le duo de direction de son antenne locale. Mais elle doit encore répondre devant la justice d’accusations de harcèlement et de discrimination.

Il y a un an, une valse de patrons se produisait au Crédit agricole de Guadeloupe. La banque, secouée depuis des mois par des plaintes de salariés pour harcèlement moral, misait sur le départ du duo de direction mis en cause pour tempérer la crise. Pour remplacer l’ex-directeur général Benoit Leduc et son adjoint, Laurent Noireau, officiellement partis à la retraite, deux dirigeants ont été envoyés depuis la métropole pour prendre les commandes de la société. Le nouveau DG Samuel Frugier et son bras droit Renaud Chaumier ont pris leurs fonctions le 1er octobre 2024. Un « signe de changements profonds », selon une source connaissant bien la banque, qui regrette quand même la tardiveté de ce renouvellement, après une décennie de malaise social.
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Mais la banque est rattrapée par son passé, poursuivie par les affaires portant sur des faits antérieurs à ce changement de cap. Selon nos informations, le conseil des prud’hommes de Pointe-à-Pitre doit étudier ce jeudi le dossier d’une ex-collaboratrice ayant passé plus de 35 ans dans les effectifs. Jeanine T. espère que la juridiction prononce la nullité de son licenciement pour inaptitude en 2022, sur fond de harcèlement discriminatoire. À quelques jours de l’audience, la Défenseure des droits Claire Hédon lui a apporté son appui dans un courrier où il est indiqué « qu’au regard des éléments apportés lors de l’instruction », il existe des « indices concordants » laissant « supposer une discrimination et un harcèlement discriminatoire fondés sur la maladie et le handicap » de l’ex-employée.

En effet, celle-ci souffre de la maladie de Basedow, une pathologie de la thyroïde, apparue après un choc émotionnel survenu sur son lieu de travail, et depuis reconnue comme d’origine professionnelle. En 2006, la collaboratrice a en outre inhalé du gaz dans les locaux de la banque, ce qui l’a rendue asthmatique. Malgré les contre-indications du médecin du travail, qui préconise de lui éviter de respirer de la poussière, le Crédit agricole l’a affectée au service des « archives ». La salariée a donc fait une alerte pour signaler le danger représenté par ces conditions de travail, et son sentiment de subir « un acte caractérisé de maltraitance au travail ». Un courriel resté sans réponse. Elle a fini par exercer son droit de retrait, avant d’être mise en arrêt maladie. À son retour, elle considère avoir subi une « placardisation ». « Je n’avais ni attribution, ni poste précis, raconte-t-elle à l’Informé. Ils ont fichu en l’air ma carrière, je suis toujours en dépression chronique ».
La Défenseure des droits Claire Hédon, saisie par la salariée, a déclenché une enquête et sollicité le Crédit agricole pour l’occasion. L’autorité administrative constate que, dans sa réponse, la nouvelle direction continue de contester les faits, jusqu’au caractère professionnel de la maladie de l’ex-employée, pourtant reconnu par la justice il y a huit ans. La Défenseure des droits relève aussi que la banque « omet de revenir sur le fait d’avoir tenté de la muter [la salariée] dans l’agence de Saint-Barthélemy, qui se trouve à plus de 200 kilomètres de la Guadeloupe ». Une annonce qui avait fait l’effet d’un choc pour cette dernière : « J’étais si mal, à ce moment-là j’avais des enfants en bas âge, et un traitement lourd à suivre ». L’autorité administrative indique ainsi que « la société n’a pas respecté son obligation de sécurité » envers sa collaboratrice. Un constat qui amène la Défenseure des droits à faire au Crédit agricole de Guadeloupe un rappel des lois en vigueur et des obligations de l’employeur envers ses salariés.
Par ailleurs, Jeanine T. fait partie des sept personnes qui ont porté plainte au pénal contre la banque pour harcèlement moral. N’ayant pas de nouvelles de la part du parquet, et face à des rumeurs de classement sans suite, les salariés ont déposé une plainte avec constitution de partie civile en février 2024 pour qu’un juge d’instruction soit saisi. Une enquête est donc en cours, selon leur avocat Gladys Democrite, bien que celle-ci regrette le manque de visibilité sur l’avancement du dossier.
La justice est également saisie d’une autre affaire, après la mort d’une salariée de longue date de la banque, qui souffrait d’une dépression sur fond de conflit professionnel. Le 12 mars 2024, elle avait fait un AVC dans les locaux de la banque, avant de mourir quelques jours plus tard au CHU de Pointe-à-Pitre. Un drame qui avait choqué dans les rangs de la banque, comme nous l’avons raconté dans un précédent article. En avril 2024, sa fille a déposé plainte pour harcèlement moral et homicide involontaire. Questionnés sur tous ces aspects, la direction du Crédit Agricole de Guadeloupe n’a pas souhaité faire de commentaires avant la publication.