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Continuer la lectureParrot perd près d’un tiers de ses effectifs en France mais mise sur l’Ukraine
Le spécialiste des drones paye sa difficile bascule d’une clientèle grand public vers les marchés professionnels, et notamment militaires.

La transformation du fabricant de drones Parrot se fait dans la douleur. La société d’Henri Seydoux, dont la réputation s’est bâtie sur le succès d’engins volants vendus au grand public, se concentre désormais sur les clients professionnels. Avant même le retour des guerres (Ukraine, Gaza, Haut-Karabakh...) et l’utilisation massive de ces appareils, Parrot s’était déjà tourné vers le monde de la Défense et de la sécurité (police, pompiers…) avec ses microdrones de surveillance et d’inspection. Mais cette transition ne se fait pas sans heurt car « les cycles de ventes aux institutions et aux gouvernements sont longs et la visibilité (...) reste malheureusement réduite ». C’est ce que précise l’accord de rupture conventionnelle collective (RCC) conclu avec les élus dont l’Informé a pris connaissance. Un document qui révèle que les effectifs français ont été particulièrement touchés par la cure d’amaigrissement annoncée par le groupe en 2023.
Dans le détail, Parrot souhaitait se séparer au maximum de 55 postes en France sur 155. Au final, 45 salariés sont partis soit près de 30 % des effectifs, un ratio bien supérieur aux 20 % communiqués l’an dernier sur le plan mondial - Parrot employait au total 542 salariés fin 2022. La rupture conventionnelle collective s’est conclue fin janvier. Les candidats ont touché trois quarts de mois de salaire par année d’ancienneté jusqu’à 5 ans dans l’entreprise et un mois au-delà. Les sommes versées étaient plafonnées entre 100 000 et 120 000 euros brut en fonction des tranches d’âge.
Cette décision fait suite à une année 2023 compliquée. Le dernier produit phare, l’Anafi Ai, premier drone 4G utilisant de l’intelligence artificielle n’a pas eu le succès escompté. Mais les ennuis ont débuté bien avant. Entamée en 2018, l’évolution du modèle économique basée sur une baisse des volumes compensée par une hausse des prix s’est soldée par un échec puisque le chiffre d’affaires a plongé à 65 millions d’euros en 2023, contre 109 millions d’euros en 2018. Et sur la seule année dernière, les ventes ont reculé de 10 % avec une perte de 33 millions d’euros. Du coup, Parrot a adopté un « dimensionnement plus restreint de sa roadmap technique » et a réduit en conséquence les fonctions supports.

Reste un espoir. Déjà fournisseur de nombreuses armées étrangères (États-Unis, Japon, Suède, Finlande…), Parrot a signé un contrat-cadre avec la Direction générale de l’armement (DGA) pour fournir des minidrones à l’armée de terre française. Au total, 845 systèmes de ce type doivent être livrés durant la loi de programmation militaire (LPM) allant de 2019 à 2025. Si les volumes restent encore faibles, les tensions internationales croissantes ont toutefois entraîné une hausse des budgets militaires partout dans le monde. Et les drones sont de plus en plus recherchés. « Si je vais pas en Ukraine, c’est fini, je vendrai plus de drones, a expliqué Henri Seydoux récemment au Forum innovation Défense. Les Ukrainiens et les Russes utilisent au moins 200 000 drones par an alors que la loi de programmation militaire jusqu’en 2030 en prévoit 9 000. »
Sur les terrains de guerre, Parrot met en avant ses technologies de pointe. Notamment face au brouillage du GPS ou au spoofing (envoi de fausses coordonnées) qui peuvent rendre les appareils inopérants. Le groupe exploite des algorithmes et l’intelligence artificielle afin qu’ils deviennent autonomes dans leurs déplacements. Autre avantage pour le frenchy, les Ukrainiens ne peuvent s’équiper auprès de la Chine, proche de la Russie dans le conflit actuel. « Le contexte géopolitique et les questions de souveraineté technologique peuvent constituer un tournant pour nous », confirme un porte-parole de la société.
Ce mouvement ne touche pas seulement l’Ukraine. Outre-Atlantique, les élus travaillent à un projet de loi (Countering CCP Drones Act) destiné à interdire les drones de marque chinoise DJI qui utilisent les infrastructures de communication américaines. L’entreprise a riposté début mars en qualifiant ces « déclarations inexactes et non fondées » et qui « ont amplifié les récits xénophobes dans le but d’aider les fabricants de drones américains en éliminant la concurrence sur le marché. »