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Continuer la lectureGlobalEye : ce que cache le choix des avions radars suédois par la France
Derrière le deal annoncé au Bourget, Paris attend des contreparties de la part de Stockholm, notamment via la vente de frégates.

Jusqu’à présent, GlobalEye, l’avion radar de Saab, n’avait été commandé que par la Suède et les Émirats arabes unis, deux pays disposant d’une flotte modeste. Mais au dernier salon du Bourget, en juin, l’avionneur de Linköping a bu du petit-lait en apprenant que la France avait « sélectionné » son appareil. Ce deal, s’il se concrétise, s’inscrit dans une roadmap de défense franco-suédoise dont les détails n’ont pas été révélés. Mais elle passerait notamment par la vente de frégates FDI produites par le français Naval Group à la Suède, qui ne possède que de modestes corvettes aux capacités sous-marines limitées. Cette piste a déjà été évoquée par le ministère des armées en juin. Mais selon nos informations, et même si cela ne sera jamais affiché comme tel car contraire au droit européen, il s’agit bien d’une compensation attendue fermement par la France en échange de l’achat des GlobalEye. À ce stade, aucun contrat en bonne et due forme n’a d’ailleurs été signé sur ces derniers, parce que la Suède n’a pas encore formellement annoncé sa préférence pour les frégates françaises.
Depuis que la France avait choisi de ne plus acheter de « solution américaine », Dassault Aviation lorgnait logiquement sur le marché français d’avion-radar, pour placer son futur Falcon 10X. En se tournant vers une « solution suédoise », la France a infligé un nouveau revers à Éric Trappier, le PDG de Dassault Aviation, dont l’appareil n’avait déjà pas été retenu comme futur avion de patrouille maritime. Et c’est d’autant plus décevant pour ce dernier que le GlobalEye suédois présentait deux handicaps. D’abord, il n’est pas forcément le plus compétitif financièrement : comme pour l’E-3F qu’il remplace, ses coûts de maintenance vont augmenter ces prochaines années car sa structure de base (la « cellule »), fabriquée par Bombardier, a volé pour la première fois en 1996… et un avion vole en général 30 à 40 ans (au moins) dans une force aérienne. Ensuite, son interopérabilité sera réduite avec les flottes de l’OTAN.
Mais la France a pourtant plusieurs bonnes raisons de ne pas avoir retenu son avionneur national. En choisissant un produit éprouvé, l’armée de l’air et de l’espace va pouvoir être livrée rapidement, sans dépendre des aléas d’un programme entièrement nouveau ni devoir supporter des coûts de développement.
Outre le probable contrat pour le GlobalEye, la France a commandé à la Suède un nouveau lot de roquettes AT4CS-NG pour son armée de terre. Airbus Helicopters est vorace des solutions de Saab (notamment pour l’autoprotection contre les missiles adverses), un des rares partenaires non français du programme d’hélicoptères H160. La marine française commence aussi à tester sur une période d’un an et demi les vedettes d’assaut CB90 de Saab. Dans l’autre sens, la Suède s’intéresse aux missiles de défense sol-air franco-italiens Aster. D’ores et déjà, au salon du Bourget, la Suède a passé une commande de missiles antichars Akeron de MBDA, une arme qu’avaient déjà utilisée ses forces spéciales.
Pour veiller au développement de ce nouvel eldorado potentiel, la France a nommé en avril dernier Thierry Carlier, ancien numéro 2 de la DGA, au poste d’ambassadeur de France en Suède.
Privilégier des solutions européennes pour se libérer des États-Unis
Avec l’arrêt anticipé de l’exploitation de ses quatre avions radars E-3F en 2030, la France ne dépendra plus des États-Unis (Boeing). C’est aussi déjà désormais le cas dans le domaine des avions ravitailleurs en vol, avec le départ le 16 juillet des deux derniers KC-135 (Boeing) en service depuis 61 ans, remplacés par des Phénix (Airbus). La marine française va aussi recevoir prochainement les bouées acoustiques Sonoflash de Thales servant à traquer les submersibles ennemis : jusqu’alors, elle utilisait des bouées anglo-saxonnes. Les produits américains s’effacent progressivement au profit de solutions européennes, voire uniquement françaises.
Contactés, ni Naval Group ni le ministère des armées n’avaient répondu à l’heure de notre publication.