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Continuer la lectureFibre optique : la lettre de Bruxelles qui va limiter la hausse des prix
Orange s’apprête à augmenter de 16 % le coût de location de ses équipements, qu’il refacture, notamment, à Bouygues Telecom, Free et SFR. Avec le risque que ces derniers le répercutent au client. La commission recommande d’étaler cette majoration.

L’Union européenne va-t-elle sauver le porte-monnaie de près de 20 millions de Français abonnés au très haut débit ? C’est tout le sens du courrier envoyé par la Direction générale des réseaux de communication (DG Connect) fin septembre à Laure de La Raudière, la présidente de l’Arcep. Dans cette missive, Bruxelles s’inquiète de la hausse d’environ 16 % des tarifs de gros d’Orange accordée par le gendarme des télécommunications dans l’Hexagone à l’opérateur historique à compter du 1er mars 2024. Augmentation que ses rivaux pourraient répercuter sur la facture du consommateur final. « La commission note l’augmentation significative attendue des tarifs pour 2024 (causée, entre autres, par l’augmentation d’environ +16 % des coûts d’infrastructure (...) et le fait que la première application devrait avoir lieu dans un court laps de temps », souligne la missive, dont l’Informé a pris connaissance.
De quoi s’agit-il ? Le régulateur encadre les tarifs d’accès au génie civil d’Orange. Ces équipements comprennent 15 millions de poteaux installés dans toute la France, et 734 000 kilomètres de fourreaux enfouis sous terre. Ce réseau, où passe la fibre optique, est un héritage de l’ancien monopole, France Télécom. Aujourd’hui, tous ses concurrents utilisent cette infrastructure afin de déployer leur propre réseau très haut débit. Pour emprunter ce chemin et arriver dans les foyers des particuliers ou dans les entreprises, ils s’acquittent d’un droit de passage variable en fonction des zones géographiques traversées (denses, moyennement dense…) ainsi que de la longueur et du diamètre de la ligne. La somme est versée chaque mois et pour chaque abonné. Le tarif est fixé par l’Arcep en fonction des coûts supportés par Orange (maintenance, réparation des poteaux…). « Tous les opérateurs concurrents savaient parfaitement qu’une hausse allait survenir et la question est de savoir s’ils l’ont déjà totalement intégré dans leur plan d’affaires - et donc dans leurs tarifs publics - ou pas », note un connaisseur du dossier.
Une inflation des abonnements à Internet très haut débit serait assez malvenue pour beaucoup de consommateurs déjà affectés par l’inflation alimentaire et de l’énergie. Ceux-ci ont en effet déjà augmenté de près de 4 % en moyenne sur un an à la fin mars 2023, pour s’établir à 34,50 euros par mois, selon l’Arcep. Sans compter que la fibre optique est devenue de loin le premier moyen d’accéder à Internet avec 19,8 millions de Français abonnés, contre 9,12 millions pour la technologie l’ADSL qui utilise le réseau en cuivre.

« La Commission suggère d’envisager la possibilité d’une introduction progressive des nouveaux tarifs [de gros] au cours des prochaines années, afin de donner à tous les acteurs du marché la possibilité d’actualiser leurs business plans et d’être préparés à la prochaine augmentation des prix », indique la missive. Bruxelles, dont les recommandations sont suivies, préconise donc de l’étaler sur au moins deux ans, voire trois comme l’espère un opérateur interrogé à ce sujet. Insuffisant pour l’association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l’audiovisuel (Avicca). « Pour nous, cette hausse est tout simplement injustifiée car on ne voit nulle part la couleur d’un investissement d’Orange depuis des années dans ce génie civil, notamment dans certaines zones rurales, estime Airel Turpin, délégué général de l’Avicca. Au contraire, il cherche même à se débarrasser de la gestion du dernier segment : celui qui dessert l’abonné depuis la dernière chambre ou le dernier poteau. Les prix devraient donc plutôt baisser. »
Les enjeux sont importants pour les finances d’Orange. Selon les Échos, cette activité lui rapporterait 1,2 milliard d’euros de chiffre d’affaires par an. L’Avicca, comme d’autres, militent pour une autre solution : confier la responsabilité de ces installations à une nouvelle société tierce placée, par exemple, sous l’égide de la Banque des Territoires. « Orange a hérité de cette infrastructure de l’époque France Télécom. Soit, il s’agit d’un fardeau pour lui et alors il doit la céder à une structure, soit c’est une affaire bien rentable auquel cas il la conserve, mais ne peut pas en faire une vache à lait » , ajoute Ariel Turpin.
Des élus réclament également que l’opérateur historique passe à la caisse lorsqu’il occupe le domaine public, alors qu’Orange a toujours estimé ne rien devoir du tout. Dans une question au gouvernement, le sénateur LR du Doubs, Jacques Grosperrin, s’interroge. Cette « occupation irrégulière est susceptible de procurer un avantage concurrentiel et peut constituer un acte de concurrence déloyale. Il est souhaitable d’obtenir des éclaircissements sur la prise en compte par l’Arcep de cette problématique déterminante pour l’attractivité numérique de nos territoires et les finances de nos collectivités. » Pour l’heure, cette question est restée sans réponse.
Interrogés, l’Arcep et Orange n’ont pas souhaité s’exprimer sur un dossier en cours d’examen. La décision finale du régulateur est attendue courant novembre, ou au plus tard d’ici à la fin de l’année.