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Continuer la lectureComparateurs de prix : Twenga réclame 666 millions d’euros à Google
Le Français estime avoir été victime de l’abus de position dominante de son concurrent américain. Il vient d’obtenir une première victoire : Google doit lui partager certaines données clés.

La décision avait fait grand bruit… et ce n’est pas fini. Le 27 juin 2017, la Commission européenne sanctionnait Google d’une amende de 2,4 milliards d’euros pour pratique anticoncurrentielle. Après plusieurs années d’enquêtes, motivées par les plaintes de l’américain TripAdvisor ou du comparateur de prix français Twenga, l’instance bruxelloise reprochait au géant de la tech un abus de position dominante sur le marché des moteurs de recherche : en substance, la firme californienne avait privilégié son propre service de comparaison de prix sur la page de résultats de son moteur de recherche, au détriment des services concurrents, et ce dans 13 pays de l’Espace économique européen (EEE), dont l’Allemagne, la France, l’Italie ou encore l’Espagne. Cette amende n’a pas été sans conséquence sur le marché. Depuis 2017, Google a ouvert bon gré mal gré ses annonces Shopping à ses adversaires.
Mais l’affaire a fait des petits. S’appuyant sur la décision de la Commission européenne Twenga, moteur de recherche dédié à la comparaison de produits dont le modèle économique repose sur la facturation du coût par clic des partenaires marchands, a assigné l’entreprise américaine pour obtenir réparation devant le tribunal de commerce de Paris. Et les sommes en jeu sont colossales. Sur le fondement d’un rapport commandé au cabinet Deloitte l’an dernier, le comparateur français et son actionnaire majoritaire Kwerian ont d’abord revendiqué un préjudice monstre de 960 millions à 1,351 milliard d’euros. Un montant contesté à la barre par la firme de Mountain View, armée d’une contre-étude dressée par son prestataire, le cabinet RBB. Après corrections, Twenga et son actionnaire ont revu leurs demandes à la baisse, mais la fourchette s’étend tout de même de 499 à 666 millions d’euros. Dans cette bataille de chiffres, Twenga vient d’obtenir une première victoire : comme il le demandait, la justice vient d’obliger l’américain à dévoiler une partie des données qu’il utilise dans ses analyses. De quoi en savoir un peu plus sur la mystérieuse machinerie Google.

Pourquoi réclamer ces éléments ? Deux raisons ont été exposées par les demandeurs : d’une part, « mieux comprendre les estimations faites par le cabinet RBB, conseil de Google » et d’autre part, affiner le calcul du préjudice allégué. Le 8 juillet dernier, le tribunal de commerce de Paris a ordonné à Google et Alphabet, sa maison mère, de communiquer dans les trois mois un ensemble d’informations. Elles visent notamment le nombre de clics enregistrés sur les encadrés publicitaires de Google (« Shopping Unit » et « Product Universal ») ou sur les sites comparateurs de produits dans les résultats génériques, et ce dans tous les pays concernés par l’abus, entre janvier 2008 et septembre 2017. Google s’est opposé à une telle démarche. D’abord, la multinationale a contesté la compétence des tribunaux français, mais cet argument n’a pas convaincu la justice. Le moteur a également brandi le secret des affaires. Selon nos informations, il considère que ces éléments ne sont pas nécessaires à Twenga pour assurer la démonstration de son préjudice, outre que ces données concurrentielles sont par définition sensibles. Pour répondre à cet enjeu, la juridiction a ordonné que l’accès à ces données soit restreint aux seuls experts économiques choisis par Twenga.
Ce dossier est dépendant de l’issu d’un autre recours, cette fois européen. Google et Alphabet ont contesté devant les juridictions de l’Union la décision de la Commission européenne. Pour l’instant, cela semble mal parti. Le 10 novembre 2021, le Tribunal de l’Union européenne a rejeté en grande partie cette action. Les deux sociétés ont bien fait appel devant la Cour de justice de l’Union européenne mais l’arrêt n’est pas attendu avant plusieurs mois. Surtout, le 11 janvier dernier, l’avocat général, chargé de proposer une solution juridique à la cour, sans l’engager, a déjà proposé de confirmer l’amende de 2,4 milliards d’euros.
Contacté, Google n’a pas fourni de commentaires officiels, le dossier étant toujours en cours. Tout comme Twenga.