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Continuer la lectureThomas Sotto et Mayada Boulos font condamner l’hebdomadaire Public
Le magazine a été condamné à payer 17.000 euros au présentateur de Télématin et à la communicante pour avoir attenté à leur vie privée et leur droit à l’image.

L’existence d’une love story entre un journaliste télé et une collaboratrice du premier ministre est-elle une information d’intérêt public ? L’affaire opposant le magazine Public à Thomas Sotto, présentateur de Télématin sur France 2, et Mayada Boulos, directrice de la communication de Jean Castex, aura au moins permis de répondre à cette épineuse question. Alors que l’hebdomadaire people a consacré fin 2021 un article à leur relation naissante, le couple a saisi la justice et celle-ci vient de trancher. Si la révélation de leur liaison était bien d’intérêt général, en dévoiler les détails attentait à la vie privée. Elle a donc accordé à Thomas Sotto et Mayada Boulos 14.000 euros en première instance, plus 3.000 euros en appel.
Mais reprenons l’histoire dans l’ordre. Mi-octobre 2021, alors que les deux amants font tout pour garder leur romance secrète, le Figaro a vent de cette idylle et interroge France Télévisions sur le sujet. Alerté, le présentateur recrute alors Axelle Schmitz, une avocate spécialisée dans la défense des people (Jean-Marc Morandini, Arthur, Patrick Sébastien, David Guetta, Jenifer…). Selon nos informations, celle-ci met en demeure le journal de ne rien publier concernant la vie privée de l’animateur. Mais, rien n’y fait, le quotidien sort son scoop le 7 novembre 2021, en expliquant bien le problème : « À quelques mois du scrutin [présidentiel], la proximité de Thomas Sotto, incarnation du grand rendez-vous politique de France 2, avec cette conseillère de premier plan à Matignon, fait un peu désordre. Elle pose clairement la question du conflit d’intérêts ».
Dès cette révélation, Thomas Sotto est immédiatement contraint de renoncer à la présentation de Elysée 2022, la grande émission politique de la Deux, et à l’interview politique de Télématin. Il s’en justifie au cours d’un entretien accordé au Parisien : sans citer le nom de Mayada Boulos, il évoque « un événement personnel que je ne souhaite pas développer car cela concerne ma vie privée ». Ajoutant tout de même : « Ma seule consolation, c’est d’être le premier homme à s’effacer pour une femme, alors que jusqu’à présent c’était toujours elles qui étaient priées de rester à la maison ».
Mises en demeure préventives
Deux jours après, Thomas Sotto et Mayada Boulos envoient (chacun de leur côté) des mises en demeure préventives à toute une série de journaux leur interdisant de publier tout article portant atteinte à leur vie privée et à leur droit à l’image.
Mais Public passe outre, et propose le 12 novembre 2021 un papier d’une page intitulé « Un coup de foudre ravageur ». Le texte révèle quelques détails sur la vie familiale des deux tourtereaux, leurs domiciles et la chronologie de leur relation. Il est illustré par deux photos volées du couple sur un scooter dans la rue. Le sujet fait aussi l’objet d’un appel en une journal, illustrée d’une autre paparazzade, sous le titre : « Thomas Sotto : il plaque tout pour Mayada ».
Finalement, le power couple n’attaque pas le Figaro, mais porte plainte en référé contre Public, réclamant chacun 23.000 euros, plus l’insertion d’un communiqué en une du magazine. Pour justifier le montant des dommages demandés, tous deux communiquent volontairement à la justice des attestations détaillant par le menu l’impact de cet article sur sa vie privée. Le présentateur vedette prétend ainsi avoir « très mal vécu d’avoir été pris en photo avec Mayada Boulos à son insu », et « avoir été effondré lorsque Public a publié le reportage ». Il ajoute que sa famille ne connaissait pas l’identité de sa partenaire avant la révélation de Public, et qu’il a dû « gérer le mal-être de son fils aîné et de son ex-compagne ». Pareillement, la communicante assure avoir été « sonnée », « abattue » et « affectée » après cette parution, craignant « que son fils puisse voir les photos d’elle et Thomas Sotto sans avoir été préparé », puis avoir été confrontée à une réaction vive de ses enfants.

Pour se défendre, le magazine appartenant à Daniel Kretinsky avance trois arguments : son article est paru six jours après la révélation de la liaison par le Figaro ; la vedette télé a ensuite lui-même confirmé sa romance dans le Parisien ; et chacun des deux protagonistes avait précédemment évoqué sa famille dans plusieurs articles de presse.
Verdict ? En février 2022, le tribunal judiciaire de Paris donne partiellement raison aux plaignants. Il accorde 6.500 euros à Thomas Sotto et 7.500 euros à Mayada Boulos, estimant que Public avait bien porté atteinte à leur vie privée et leur droit à l’image. Certes, les juges admettent que « l’existence d’une relation sentimentale entre Thomas Sotto, journaliste intervenant dans des émissions politiques, et Mayada Boulos, conseillère en communication du Premier ministre, est une information relevant de la légitime information du public, susceptible d’alimenter un débat d’intérêt général relatif à l’indépendance et la neutralité des médias, pouvant justifier une atteinte au droit à la vie privée ». Mais ils ajoutent que Public est allé au-delà en diffusant des détails qui « relèvent, à l’évidence, de l’intimité de leur vie privée », et qui « ne participent aucunement d’un débat sur l’indépendance ou la neutralité de la presse ».
Public ne lâche pas l’affaire
Sans surprise, l’hebdomadaire ne lâche pas l’affaire, et conteste sa condamnation. Devant la cour d’appel, il enfonce le clou et dit trouver « pour le moins surprenant de prétendre que l’ex-compagne et les parents de M. Sotto ne connaissaient pas l’identité de Mme Boulos, ou ne savaient pas qu’il avait retrouvé une compagne, alors même que la presse nationale avait divulgué le nom et la photographie de Mme Boulos » six jours auparavant, lors de l’annonce du retrait de l’animateur.
En face, le journaliste réplique n’avoir jamais révélé l’identité de sa compagne, ni confirmé la moindre rumeur à ce sujet, souhaitant conserver le secret de cette information. L’arrêt d’appel, obtenu par l’Informé, indique : « M. Sotto soutient qu’il a très mal vécu l’exposition médiatique de son couple, alors qu’il s’est récemment séparé de la mère de ses fils, que son ex compagne, ses parents et ses fils n’étaient pas au courant que leur père avait une femme et qui était Mme Boulos. Mme Boulos soutient qu’elle a très mal vécu cette exposition médiatique brutale de son couple, alors qu’elle n’est pas une personnalité publique, récemment divorcée du père de ses enfants en bas âge, auxquels elle a dû annoncer sa nouvelle relation ».
Un plaidoyer payant : la cour d’appel de Paris vient de confirmer le jugement de première instance, en ajoutant à la facture 3.000 euros de frais de justice. Elle admet que ce n’est pas Public qui a révélé la liaison, et que « M. Sotto avait déjà choisi de s’exprimer sur le sujet ». Mais l’hebdomadaire people a ajouté plusieurs informations qui « portent à l’évidence atteinte au droit au respect à la vie privée, sans que l’on puisse retenir qu’elles contribuent à un débat d’intérêt général. L’article détaille la nouvelle vie du couple, sans aucun lien avec le débat sur le possible conflit d’intérêt entre un journaliste politique et une conseillère du premier ministre, alors que seule cette dernière information pouvant contribuer à un débat d’intérêt général ».
Le jugement ajoute que les deux tourtereaux, « s’ils exercent des fonctions susceptibles de les exposer médiatiquement et ont pu communiquer [dans des articles précédents] sur certains éléments de leur vie privée, n’apparaissent pas pour autant avoir exposé de manière régulière leur intimité par le passé, et que les articles précédents n’évoquent que succinctement leurs situations familiales respectives. »
Entretemps, Jean Castex a quitté Matignon, et Mayada Boulos aussi. Elle a immédiatement été réembauchée chez Havas, où elle avait déjà travaillé de 2016 à 2020. L’agence de publicité lui a même accordé une promotion : elle est désormais co-présidente exécutive d’Havas Paris. La Haute autorité pour la transparence de la vie publique lui a simplement interdit durant trois ans « toute démarche » envers le service d’information du gouvernement et ses anciens collègues du cabinet Castex. Quant à Thomas Sotto, il continue à présenter Télématin…
Contacté, l’avocat de Public, Patrick Sergeant, dit « regretter cette décision sévère ». Tandis que les avocats du couple, Axelle Schmitz et Marie-Catherine Vignes, n’ont pas répondu.
