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Continuer la lectureFonds « détournés », achats de Mercedes… les étranges cagnottes humanitaires de Dylan Thiry
Le procès de l’influenceur controversé se tiendra le 20 octobre prochain. L’Informé dévoile les conclusions des enquêteurs sur cette affaire.

« Au calme, sans pression, tranquille. Je vais les voir tranquille. » En juillet 2023, l’influenceur Dylan Thiry s’exprimait ainsi au micro de BFM TV, alors que le journaliste lui demandait s’il accepterait de se rendre à d’éventuelles convocations de la justice. Le Luxembourgeois aux 2,3 millions de followers sur Instagram, qui s’est d’abord fait connaître en participant à l’émission Koh Lanta en 2017, est à l’époque sous le feu des projecteurs. Visé par des plaintes, il est alors soupçonné d’avoir détourné les fonds récoltés dans des cagnottes humanitaires. Comme l’avait révélé Le Parisien, à la suite de l’enquête de la Brigade de répression de la délinquance astucieuse (BRDA), l’ex-compagnon d’Ayem Nour a en effet été invité à comparaître le 20 octobre prochain devant le tribunal judiciaire de Paris pour des faits d’abus de confiance.
Moins d’un mois avant ce procès, l’Informé a pu prendre connaissance des conclusions de l’enquête. Et « tranquille », Dylan Thiry doit désormais l’être un peu moins… Et il en va de même pour son ex-agente, Sandra D., qui s’est retournée contre Thiry et a même porté plainte contre lui. Selon nos informations, elle est également invitée à comparaître le 20 octobre prochain pour les mêmes faits d’abus de confiance.
Mais pour tout comprendre, retour en décembre 2021. L’influenceur crée et devient président de l’association caritative « Pour nos enfants », Sandra D. est nommée à la fois vice-présidente et trésorière. Objectif : organiser des voyages humanitaires à Madagascar. Pour financer leurs opérations humanitaires ils organisent trois appels aux dons, et récoltent 255 021 euros. Au cours de l’année 2022, Dylan Thiry se rend deux fois à Madagascar, en janvier puis en juillet.
« Je suis pas inquiet parce que c’est facile pour moi »
Mais très vite, de lourds soupçons pèsent sur les réelles intentions de l’influenceur : dès l’été 2022, le collectif Aide aux victimes d’influenceurs (AVI) alerte les possibles contributeurs, estimant que les montants collectés ne sont « pas cohérents avec les déclarations et les images rapportées par Dylan Thiry ». L’association « Pour nos enfants » est finalement dissoute fin 2022, sans avoir établi de bilan financier. Le collectif accompagne alors des donateurs qui déposent plainte pour abus de confiance auprès du parquet de Paris en janvier 2023. C’est dans ce contexte que la BRDA se penche alors sur les activités du jeune homme.
Le rapport de la brigade relate une situation ubuesque, dans laquelle la destination de Madagascar a été choisie « à la hâte, sans avoir réalisé de travaux d’études préparatoires ou sans concertation préalable avec les autorités malgaches ». Pire encore, l’association « Pour nos enfants » n’a jamais disposé de comptes bancaires en propre. Et ce, alors que Sandra D. avait été mandatée pour s’en occuper. La raison, selon l’ex-vice-présidente et trésorière ? Le refus des banques en ligne d’ouvrir un compte à l’association, en raison de la domiciliation de Dylan Thiry à Dubaï et de sa nationalité luxembourgeoise. L’argent récolté a donc été transféré directement sur le compte personnel de l’ex-candidat de l’émission de télé-réalité Les Princes et princesses de l’amour. Ce dernier explique avoir largement dépensé l’argent à Madagascar, en liquide, et en avoir les preuves : « C’est pour ça que je suis pas inquiet parce que c’est facile pour moi, c’est trop facile. […] Ils vont voir, j’ai tout », affirme-t-il au micro de BFM TV. Dans la même interview, il explique avoir « passé trois mois dans le quatrième pays le plus pauvre du monde à construire des maisons, à acheter des terrains, à faire des puits, à nourrir 1 500 enfants par jour ». Le bilan qu’il présente aux enquêteurs est un peu moins glamour : il indique avoir dépensé 68 884,06 euros à titre humanitaire, dans l’alimentaire notamment, et avoir « financé la construction d’une maison, d’un ou plusieurs puits, et avoir acquis un terrain ».
« Il y a des lois, il y a des règles. »
Les agents de la BRDA ont notamment épluché le compte bancaire Revolut de Thiry ouvert en 2020, sur lequel ont atterri les fonds récoltés. Ils y notent une forte érosion des recettes perçues entre 2021 et 2023 : près de 343 000 euros la première année, 128 000 la deuxième et 25 000 la troisième. Les limiers constatent pourtant un « volume de dépenses élevé »… et mettent notamment le doigt sur l’achat de deux voitures de luxe par l’ex-candidat de téléréalité. Ainsi, en juin 2022, entre ses deux séjours à Madagascar, et « alors que son compte courant était principalement alimenté par les cagnottes », Dylan Thiry s’offre une Mercedes AMG à plus de 81 000 euros. Il a alors expliqué avoir acheté le véhicule « pour son plaisir et son image, avec ses fonds propres ». Les enquêteurs, eux, notent qu’il semble « ne pas tenir compte que l’apport des dons venait compenser cet achat onéreux et inopportun alors qu’il avait pleinement conscience de la chute de son chiffre d’affaires ».

En septembre 2023, alors que l’association est dissoute depuis près d’un an et qu’il détient encore une bonne partie de l’argent des dons sur son compte, Thiry décide de troquer sa Mercedes AMG pour une Classe G du même constructeur. Opération pour laquelle il doit débourser 28 000 euros de plus. Ironie du sort, en mars 2022, interrogé dans Starmag sur des accusations de détournement de fonds, l’influenceur s’était exprimé en ces termes : « Je ne prends pas la carte de l’association pour m’acheter une Mercedes avec. Elle est basée en France, il y a des lois, il y a des règles. »
Les enquêteurs précisent qu’au 31 décembre 2023, sur les quelque 386 000 euros du compte Revolut de Dylan Thiry, 185 920,85 euros proviennent des dons : soit 48 % de l’argent présent sur le compte et 73 % du total récolté. Pourtant, au micro de BFM TV, le 25 juillet 2023, il déclarait alors : « Il me reste à peu près 10 000 euros sur la totalité de toutes les cagnottes, pour faire des puits. Dix puits exactement. » Et d’ajouter, plus tard au cours de l’entretien : « Le sourire d’un de ces enfants vaut toutes ces critiques qu’ils peuvent dire sur moi. Je suis fier de ce que j’ai accompli. Je ne regrette absolument pas, rien du tout. »
Agissements « au mépris des donateurs »
Finalement, les enquêteurs de la BRDA estiment que les dons ont été confiés à une personne qui s’est « montrée dispendieuse » et « privilégiait davantage son image d’influenceur à la cause humanitaire ». Mais ils ne le considèrent pas comme seul responsable. Sandra D. est dépeinte comme un « coauteur ayant permis la levée et l’évasion des dons provenant de la générosité publique », notamment en « procédant régulièrement aux transferts des fonds vers le compte courant Revolt de Dylan Thiry sans obtenir en retour de justificatifs quant au bon emploi des dons et sans tenir de comptabilité », malgré son rôle de trésorière. Si Sandra D., dans sa plainte déposée contre Thiry, évoque un « manque de transparence sur l’emploi des fonds », les enquêteurs relèvent pour leur part sa « mauvaise foi ». Et précisent qu’elle a été destinataire de plusieurs virements pour un montant total de 8 430 euros. Selon eux, elle serait « incontestablement le stratège » de l’affaire. Pour sa défense, Sandra D. a expliqué aux enquêteurs avoir proposé la création d’une nouvelle structure pour conserver les dons restants, ce à quoi Dylan Thiry aurait opposé un « refus catégorique ». Reste que pour la BRDA, le duo a agi « au mépris des donateurs, à l’improviste, en profitant de la générosité publique pour mener, avec un minimum de rigueur, des actions humanitaires, sous couvert d’une association qui ne pouvait être opérationnelle après l’avoir privée délibérément de compte bancaire ». Présumés innocents, les deux ennemis nient avoir agi avec une intention frauduleuse.
Interrogés, Me Raphaël Molina et Me Lucas Vincent, avocats des donateurs, indiquent qu’après avoir pris connaissance du dossier, leurs « clients ont été consternés de constater que leurs dons avaient atterri sur le compte bancaire personnel de Dylan Thiry, lui permettant de compenser la chute drastique de ses revenus entre 2021 et 2023, et de maintenir ainsi un train de vie dispendieux, notamment en acquérant deux véhicules de luxe ». Par ailleurs, les deux conseils indiquent à l’Informé inviter « tous les autres donateurs à se rapprocher [d’eux] afin de faire valoir leurs droits dans le cadre de cette procédure ».
Ce n’est hélas pas la première fois que l’influenceur fait parler de lui. Fin 2022, Dylan Thiry avait provoqué un tollé après avoir fait la promotion sur Snapchat de gélules censées guérir le cancer. Aussi, dans des messages vocaux révélés par Booba en avril 2023, l’ex-aventurier de Koh Lanta évoquait des projets d’adoption illégale à Madagascar grâce auxquels il espérait empocher de l’argent. Il y abordait aussi un projet, de gérer les comptes de jeunes filles présentes sur la plateforme de contenus majoritairement érotiques voire pornographiques payants Mym (Meet Your Model) tout en gardant 80 % de leurs revenus. Il avait par la suite assumé ses propos, tout en assurant qu’aucun de ces projets n’avait été mis à exécution et qu’il s’agissait seulement de paroles et non d’actes.
Contactés, Dylan Thiry et le conseil de Sandra D. n’ont pas souhaité répondre à nos sollicitations. Le conseil de Dylan Thiry n’a pas souhaité commenter l’affaire.