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Continuer la lectureLa Fnac veut que la Sfam (Indexia) cesse d’abuser ses clients
De 2017 à 2019, l’enseigne a gagné beaucoup d’argent en vendant les contrats du sulfureux assureur. Face à la grogne de ses propres clients, elle se retourne aujourd’hui contre lui.

La Fnac va-t-elle traîner comme un boulet ses relations passées avec l’assureur Sfam ? Entre 2017 et 2019, l’enseigne a commercialisé les assurances de ce partenaire, en complément des ventes de smartphones et d’ordinateurs. Rapidement, des milliers de clients se sont plaints de prélèvements abusifs : ils se sont vus imposer de nouveaux contrats par la Sfam ou d’autres sociétés du groupe Indexia sans leur accord. Depuis avril dernier, le petit empire du milliardaire Sadri Fegaier a interdiction de vendre des assurances. Aujourd’hui, il est à la fois au bord de la faillite et cerné par les poursuites judiciaires.
Selon nos informations, l’accumulation des plaintes a poussé l’enseigne culturelle à traîner, elle aussi, en justice son ancien partenaire commercial… qui était aussi, jusqu’à octobre dernier, l’un de ses principaux actionnaires ! La procédure a été initiée, en toute discrétion, début 2023 devant le tribunal de commerce de Paris. Elle a donné lieu à plusieurs convocations des deux parties devant le juge chargé d’instruire le dossier ces dernières semaines.
La Fnac exige que la Sfam arrête de modifier les contrats et les montants des prélèvements des clients ayant souscrit en magasin, et qu’elle traite enfin toutes les réclamations. Il faut dire que certaines victimes, ayant perdu plusieurs milliers d’euros qu’ils ne parviennent pas à se faire rembourser par l’assureur, s’en prennent à la Fnac.
Dans son assignation, le commerçant signale des cas d’agressions verbales voire physiques d’employés de magasin. Il mentionne également un acte de vandalisme, avec une inscription « arnaque assurance » retrouvée dans l’un de ses points de vente. La Fnac demande au tribunal de soumettre la Sfam à une astreinte de 1 000 euros par jour de retard pour toute réclamation non traitée sous 48 heures. Si elle estime subir un préjudice d’image, elle ne réclame, curieusement, qu’une somme symbolique de 1 euro, pour l’instant...
La procédure prend une importance particulière alors que les rangs des victimes d’Indexia et de sa filiale grossissent encore. Comme l’Informé l’a révélé, des clients ayant résilié leur contrat depuis plusieurs années ont vu les prélèvements reprendre en mars 2024. Ce redémarrage soudain coïncide avec la demande de liquidation judiciaire faite par l’Urssaf en raison d’une dette de plus de 11 millions d’euros – une décision est attendue fin avril. « Les clients reviennent se plaindre en magasin », confirme Marie-Hélène Thomet, déléguée syndicale CGT-Fnac. « Des salariés de la Fnac, qui avaient eux-mêmes souscrit un contrat Sfam à l’époque avant de résilier, ont aussi subi une reprise intempestive des prélèvements ces derniers jours. »
Contacté, l’assureur n’avait pas répondu au moment de la publication de cet article. « L’assignation est une action destinée à pousser Sfam à honorer ses engagements auprès des clients communs issus du partenariat terminé en 2019 », commente pour sa part le groupe Fnac Darty auprès de l’Informé. Le distributeur indique aussi avoir « alerté fortement » l’entreprise sur la nécessité de répondre rapidement aux clients, dont elle transmet les réclamations. Devant le tribunal de commerce, la Fnac a mentionné plusieurs mises en demeure infructueuses adressées à la Sfam ces dernières années.
Mais dans l’affaire des abus de Sfam/Indexia, l’agitateur de curiosité est loin d’être simple spectateur. La procédure devant le tribunal de commerce présente aussi l’intérêt, pour l’enseigne, de tenter de se protéger contre d’éventuels recours judiciaires la visant. Car les méthodes de vente de ces contrats à la Fnac, avant 2019, étaient très décriées : explications sommaires sur le contenu des assurances, pressions des vendeurs sur les clients et même dans certains cas, falsification de leur signature. « Les vendeurs eux-mêmes subissaient une forte pression managériale pour placer ces contrats, avec des objectifs journaliers et une rémunération à l’acte », souligne Marie-Hélène Thomet, qui déplore que le réseau ait abîmé son lien de confiance avec les clients dans ce partenariat.
Il s’est en tout cas révélé lucratif pour la chaîne. En mars 2019, alors que les plaintes commençaient à se multiplier, elle a arrêté de vendre les contrats Sfam. Mais elle a continué à toucher des commissions pour les contrats déjà placés et toujours en vigueur. Une des filiales de l’enseigne, regroupant plusieurs dizaines de magasins, a encore perçu 6,5 millions d’euros de la Sfam pour l’année 2022, selon un document interne consulté par l’Informé. Aujourd’hui, la Sfam a arrêté de payer ces commissions, indique la Fnac à l’Informé.
Un autre procès en vue face à MMA
Indexia est décidément en conflit avec nombre de ses anciens partenaires. Un litige oppose le groupe à l’assureur MMA, qui garantissait une partie des contrats vendus sous la marque Sfam jusqu’à la fin (forcée) de ses activités dans l’assurance. Mais cette fois, c’est Indexia qui est à l’initiative des poursuites. Il réclame à la filiale du groupe Covea le paiement d’une facture de deux millions d’euros. MMA n’a pas souhaité commenter la procédure en cours.