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Continuer la lectureSteam vs Que Choisir : la Cour de cassation interdit la revente des jeux vidéo dématérialisés
L’association de consommateurs estimait que les gamers pouvaient céder leur jeu même s’il n’était pas contenu dans un support physique.

C’est une décision qui va doucher les espoirs de nombreux « gamers », ceux qui souhaitent revendre leurs jeux dématérialisés achetés sur la plateforme Steam comme d’autres cèdent leurs cartouches ou CD-Rom. Mécontent d’une clause de l’accord de souscription interdisant ce marché de l’occasion, l’UFC-Que Chosir avait assigné Valve Sarl et Valve Corporation le 28 décembre 2015. Les suites judiciaires ont été dignes d’une douche écossaise. Le 17 décembre 2019, le tribunal de grande instance de Paris a donné raison à l’association de consommateurs, estimant que le distributeur « ne peut plus s’opposer à la revente de cette copie (ou exemplaire) même si l’achat initial est réalisé par voie de téléchargement ». La joie de l’UFC ne fut que temporaire : le 12 octobre 2022, saisie par Valve, la cour d’appel de Paris a renversé cette réponse. L’UFC a formé un pourvoi en cassation, mais la haute juridiction vient tout juste de confirmer cette impossibilité, a appris l’Informé.
Dans l’arrêt rendu ce 23 octobre (téléchargeable ci-dessous), les magistrats confirment que la règle dite de « l’épuisement des droits » ne s’applique pas aux jeux vidéo dématérialisés. Dans le jargon juridique, ce dispositif permet à un distributeur de contrôler la première mise sur le marché d’un bien, et elle seule. L’acquéreur d’un bouquin, d’un CD audio ou d’un film sur DVD peut donc céder librement ce bien tangible dans un vide-grenier ou sur Leboncoin. Quid du jeu vidéo ? L’UFC avait placé ses espoirs en particulier dans la directive de 2009 sur la protection juridique des programmes d’ordinateur, laquelle autorise les reventes de logiciels (qu’ils soient matériels ou immatériels). Seulement, la Cour de cassation a refusé cette assimilation : « un jeu vidéo n’est pas un programme informatique à part entière, mais une œuvre complexe en ce qu’il comprend des composantes logicielles ainsi que de nombreux autres éléments tels des graphismes, de la musique, des éléments sonores, un scénario et des personnages ». Pire pour l’UFC et les joueurs, elle considère que cette œuvre hybride ne relève que d’un seul texte : la directive de 2001 sur le droit d’auteur, là où la règle de l’épuisement vaut pour les biens matériels, mais ne se pose pas « lorsqu’il s’agit de services en ligne ». En l’absence de doute dans l’interprétation des dispositions en cause, la Cour de cassation considère même inutile de saisir la Cour de justice de l’Union européenne, comme l’avait pourtant réclamé l’UFC Que Choisir. Au passage, les magistrats se sont laissé aller à quelques arguments péremptoires pour clore le sujet, validant la grille de lecture de la cour d’appel de Paris : « à la différence d’un programme d’ordinateur destiné à être utilisé jusqu’à son obsolescence, le jeu vidéo se retrouve rapidement sur le marché une fois la partie terminée et peut, contrairement au logiciel, être encore utilisé par de nouveaux joueurs plusieurs années après sa création ». En clair, l’avènement d’un marché des copies immatérielles de jeux aurait affecté bien plus fortement les intérêts des éditeurs que celui des logiciels.