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Continuer la lectureLe contrôle parental en bonne voie pour être préinstallé sur tous les appareils connectés
Le syndicat des éditeurs de logiciels de loisir, qui représente Sony, Microsoft et Nintendo, bataille au Conseil d’État pour éviter l’instauration de ce dispositif voulu par le gouvernement. Un combat loin d’être gagné.

À compter du 13 juillet prochain, les écrans connectés (smartphone, tablettes, ordinateurs, consoles de jeu, téléviseurs, etc.) vendus en France devront impérativement installer un logiciel de contrôle parental. Son activation sera obligatoirement proposée aux utilisateurs dès le premier allumage. Issu de la loi du 2 mars 2022, portée par le député LREM Bruno Studer, le dispositif a été programmé pour éviter que les mineurs accèdent notamment à des contenus pornographiques en ligne. Le texte a été complété et détaillé par un décret du 11 juillet 2023, publié par le gouvernement Borne, qui entrera en application dans quelques jours. C’est l’Agence nationale des fréquences (ANFR) qui a été désignée comme autorité chargée de contrôler le respect de ces nouvelles exigences, avec des sanctions à la clef très lourdes, pouvant aller jusqu’au retrait de marché d’un produit défaillant. Ce décret a été attaqué fin 2023 par le Syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs (SELL), dans une procédure à laquelle s’est jointe l’Afnum, l’Alliance française des industries du numérique qui représente des géants comme Google, Apple ou Microsoft. Aujourd’hui, la rapporteure publique au Conseil d’État, magistrat indépendant chargé de donner son opinion sur ce dossier, a rendu ses conclusions. Elles ne sont pas favorables aux grands noms de la tech.
L’application imminente de ces nouvelles obligations arrivera-t-elle à son terme ? Le Conseil d’État rendra son arrêt dans quelques semaines, mais il suit généralement le sens de ces conclusions. Dans le détail, la rapporteure a recommandé au Conseil d’État de rejeter la requête principale déposée par le SELL et l’intervention volontaire de l’Afnum. Les éditeurs de logiciels et les fabricants de smartphones se plaignaient par exemple que la version finale du décret aurait dû être notifiée à la Commission européenne, comme ce fut le cas pour le projet de ce texte, mais la magistrate considère qu’une telle procédure n’a pas à être dédoublée en l’absence de modification significative entre le projet et le décret publié au Journal officiel.

Éditeurs et fabricants ont estimé en outre que le décret ne respecte pas la directive sur le commerce électronique puisque ce cadre, unique en Europe, va s’appliquer même à des acteurs installés dans d’autres États membres, ce que prohibe l’Union européenne. La rapporteure a considéré cette fois que cette directive ne s’applique pas puisque son champ de compétence se limite aux « services de la société de l’information », donc à des services en ligne. Or, les fonctionnalités du contrôle parental doivent être mises en œuvre localement sur l’appareil concerné.
Autre reproche, le cadre français instaurerait des barrières commerciales prohibées en Europe, contraire au principe de liberté de circulation des marchandises. Les conclusions de la rapporteure ont admis la réalité de ces restrictions, mais elle les a justifiées par des intérêts supérieurs (la protection de l’enfance et le respect du règlement sur la protection des données à caractère personnel).
En dernière ligne droite au Conseil d’État, Me Cédric Uzan Sarano, avocat du SELL, a répété que de l’avis des professionnels, le décret manquait de précision et générait des difficultés interprétatives. Ainsi, le législateur interdit aux fabricants d’exploiter à des fins commerciales les données des mineurs utilisées à l’occasion de l’activation du contrôle parental, mais le gouvernement est allé bien plus loin : il impose en plus de ne traiter ces données que « localement », sur l’appareil. Plutôt qu’une réinterprétation du décret attaqué pour le sauver, il réclame encore et toujours du Conseil d’État son annulation pure et simple, rappelant qu’éditeurs et fabricants proposent de longue date des solutions de contrôle parental sur leurs produits et logiciels.