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Continuer la lectureGoogle déclare deux fois plus de revenus en France… sans payer beaucoup plus d’impôts
Sous pression de Bercy, la société américaine a accepté de facturer ses gros annonceurs au sein de sa filiale française plutôt qu’à Dublin. Mais elle a dans le même temps fait bondir les charges de cette structure pour éviter d’alourdir sa note fiscale.

C’est une petite révolution lourde de conséquences pour Google. Plus de quatre ans après Facebook, le moteur de recherche a, lui aussi, discrètement modifié les liens entre sa filiale tricolore et sa maison mère européenne, basée en Irlande. Jusqu’ici les grands annonceurs français, lorsqu’ils s’offraient de la publicité sur Google, étaient facturés depuis Dublin même s’ils interagissaient avec les équipes de Paris. Désormais, la filiale hexagonale, considérée comme un revendeur, facture directement ces gros clients. Résultat ? Le chiffre d’affaires publicitaire déclaré par le groupe américain en France a plus que doublé en 2023 a appris l’Informé, bondissant de 724 millions d’euros à 1,7 milliard d’euros. S’il reste inférieur à celui de TF1, il dépasse maintenant celui du groupe M6 (chaînes de télévision et radios RTL, RTL 2... incluses).
Et encore, ce chiffre ne correspond toujours pas à la réalité, notamment parce que les bataillons de petits clients, eux, ne sont pas concernés par ce transfert de Dublin à Paris. Selon le Baromètre unifié du marché publicitaire (BUMP), la publicité sur les moteurs de recherche (appelée liens sponsorisés), largement dominée par Google avec plus de 90 % du marché, a atteint près de 4,1 milliards d’euros l’an dernier… L’Américain devrait donc déclarer plus de 3,7 milliards d’euros.
Autre problème : malgré la croissance spectaculaire de ses revenus, son impôt sur les sociétés (IS) a seulement progressé de 3,5 % à 22,6 millions d’euros. La raison ? Les charges et achats versés par la filiale à sa maison mère pour accéder à la technologie (les algorithmes) et à divers services ont littéralement explosé dans le même temps, multipliés par 3,7 pour atteindre 1,2 milliard d’euros en 2023. Grâce à ces montages, Alphabet (maison mère de Google) a payé un IS mondial de 13,9 % l’an dernier dont 0,3 % en moyenne hors États-uniens…
Interrogé, à ce sujet, un porte-parole du groupe indique : « Nous payons toujours tous les impôts que nous devons en France. Comme dans d’autres pays, nos obligations fiscales en France portent sur les investissements et les fonctions exercées par l’équipe locale. »
Pourquoi avoir relocalisé une partie de l’activité à Paris ? Déjà, Google, comme Facebook, Apple, Amazon ou encore Microsoft ont tous été visés par le fisc pour leurs techniques d’optimisation fiscale agressive. Le moteur de recherche a même subi une perquisition de ses locaux en 2016 puis un redressement de plus d’un milliard d’euros. Mais le changement de ses pratiques ne serait pas lié à ces événements selon un proche du dossier puisque l’entreprise a contesté l’affaire en justice avant de transiger avec Bercy en 2019. La raison tient peut-être aussi à l’image écornée des Gafam auprès du grand public et des hommes politiques comme l’expliquait au micro de France Inter, Laurent Solly, le dirigeant de Facebook : « C’est un changement que l’on fait, parce qu’on écoute la société. »

En déclarant davantage de chiffre d’affaires dans l’Hexagone, ces acteurs paient aussi plus de TVA et d’autres dîmes comme la taxe sur les services numériques (TSN) créée en 2019 par le gouvernement. Ce dispositif permet de lutter contre les schémas d’optimisation fiscale agressifs grâce à un prélèvement de 3 % du chiffre d’affaires des sociétés qui vivent de la publicité ciblée (basée sur la collecte de données personnelles) ou de commissions prélevées lors de transactions entre particuliers sur les places de marché (App Store, Play Store, Amazon Marketplace…). « C’est pas formidable de taxer comme ça le chiffre d’affaires, a indiqué le ministre de l’économie Bruno Le Maire au micro de l’émission Quotidien. Mais c’est la seule manière que nous avons trouvée de taxer avec efficacité tous les géants du numérique qui travaillent en France. Google, comme ça, paie ses impôts en France. »
De fait, si l’impôt sur les sociétés de Google France progresse à peine, ses autres prélèvements augmentent de manières plus conséquentes. En additionnant la TSN, les cotisations sur la valeur ajoutée des entreprises et la contribution sociale de solidarité, ils ont atteint 53,8 millions d’euros en 2023 contre 17,6 millions d’euros en 2022. Et ce n’est pas tout. En 2024, la taxe de 1,2 % destinée à financer le Centre national de la musique (CNM) viendra s’ajouter à ces contributions. Seulement sur le périmètre de YouTube toutefois.
