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Continuer la lectureLa taxe copie privée reste taxée à la taxe sur la valeur ajoutée
Bercy confirme à l’Informé que la redevance frappant les smartphones et tablettes en faveur des ayants droit de la culture entre toujours dans le champ de la TVA.

Les consommateurs devront encore et toujours s’y faire. Lorsqu’ils achètent un iPhone ou un Samsung offrant plus de 64 Go d’espace de stockage, ils doivent déjà supporter une taxe de 14 euros perçue par les industries culturelles, mais en plus, ces montants sont majorés de 20 % pour tenir compte de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Pour rappel, cette redevance pour copie privée (RCP) est destinée à compenser la liberté offerte à chacun de réaliser des copies de fichiers protégés, comme des films ou des musiques, sans l’autorisation préalable des ayants droit. Rien qu’en 2023, la manne a rapporté à la filière près de 240 millions d’euros. Et encore, l’année a été terne, loin du faste des années précédentes où les prélèvements ont frôlé les 290 millions d’euros. Sur ce butin, l’État a aussi un intérêt direct. Certes, entre ayants droit, les flux sont désormais répartis sans TVA, mais la redevance copie privée reste toujours incluse dans cette assiette s’agissant des supports et appareils vendus aux acheteurs finaux. C’est ce que nous confirme Bercy, suite à la publication le 9 octobre dernier d’un commentaire administratif au bulletin officiel des finances publiques (BOFIP).
Les fonctionnaires de la direction générale des finances publiques (DGFIP) du ministère ont pris leur temps puisque leur note revient sur l’arrêt dit « SAWP » rendu par la Cour de justice de l’Union européenne le 18 janvier… 2017. Le dossier concernait la fiscalité de la copie privée en Pologne, mais le contexte est similaire à celui de la France, où les opérations de collectes et de répartitions font intervenir plusieurs acteurs : Copie France, la société de gestion collective des ayants droit, redistribue aux créateurs les sommes versées par les importateurs et des fabricants pour chaque appareil ou support d’enregistrement. Ces primo-débiteurs peuvent ensuite répercuter ces montants sur le dos des grossistes, lesquels se retournent sur les distributeurs qui, en bout de chaîne, refacturent la taxe copie privée aux clients finaux.
Pour la première séquence, celle de la répartition, les juges européens ont estimé que les ayants droit n’effectuent jamais de « prestation de services » au profit des fabricants et des importateurs lorsqu’ils touchent la taxe copie privée. Ces flux financiers ne sont en effet pas « la contre-valeur directe d’une quelconque prestation », mais la compensation du préjudice résultant des copies d’œuvres pouvant être réalisées sans leur autorisation par les particuliers. De cet arrêt, la DGFIP en a très officiellement déduit que la taxe pour copie privée « présente un caractère indemnitaire et, partant, ne doit pas être soumise à la TVA lors de [son] versement aux titulaires du droit de reproduction ». Concrètement, quand Copie France redistribue près de 300 millions d’euros au monde de la culture, ces sommes sont donc hors champ de la TVA. « Nous en avions eu confirmation par le service de la législation fiscale à Bercy en juin 2018, se souvient Copie France, contactée par l’Informé, donc nous n’avons plus facturé de TVA à compter du 1er juillet 2018 ».
Mais la situation est différente pour les autres maillons, ceux concernant les refacturations : cette fois la taxe copie privée reste soumise à la TVA. « L’arrêt SAWP n’emporte aucune conséquence sur les règles de TVA en vigueur » nous indique fermement la DGFIP. La redevance copie privée, « en tant que partie intégrante de la base d’imposition de ces ventes, est donc soumise à la taxe sur la valeur ajoutée au taux applicable au support d’enregistrement, soit 20 % ». L’explication se trouve dans une disposition du Code général des impôts (le 1° du I de l’article 267), transposant en droit interne un article de la directive TVA de 2006, selon laquelle doivent être compris dans la base d’imposition, tous « les impôts, taxes, droits et prélèvements de toute nature à l’exception de la TVA elle-même ». Si la redevance copie privée existe depuis 1985, rien que sur les dix dernières années, les ayants droit ont collecté 2,951 milliards d’euros de copie privée. Une manne sur laquelle l’État a pu engranger pas loin de 600 millions d’euros de TVA (déductibles pour les acheteurs professionnels).