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Continuer la lectureDavid et Cathy Guetta, rois de la nuit… et de l’optimisation fiscale
Exilé à l’étranger, le célèbre tandem affectionne les paradis fiscaux comme Jersey ou Dubaï.

« Au niveau mondial, je suis toujours entre le 4ᵉ et le 15ᵉ artiste le plus écouté. Mais personne ne m’a appelé », soupirait, fin juin, David Guetta, déçu de ne pas avoir été choisi pour participer à la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Paris. « Pourtant je suis Français et j’adore la France. […] À chaque fois que je joue en France, j’éprouve une émotion particulière. Je tremble comme si c’était mon premier concert », assurait encore l’artiste, quelques heures avant de donner un show au château de Chambord. Hélas, l’Informé s’est penché sur la situation fiscale de notre célèbre DJ, et, de ce point de vue, son patriotisme revendiqué est loin d’être aussi évident. Si son goût pour les contrées plus clémentes est connu, il se confirme toujours un peu plus.
Selon nos informations, David Guetta n’est plus résident français depuis au moins une dizaine d’années. Il s’est d’abord installé à Dubaï, avant de migrer à Lisbonne en 2023, puis à Londres en juin dernier, quelques jours avant sa déclaration d’amour à son pays natal. Côté business, s’il a fondé en France sa première société, Guetta Events, en 2002, il a rapidement pris le large. Dès 2010, il pose ses valises dans le paradis fiscal de Jersey pour créer la holding de tête de son petit empire, Good Record Holdings Ltd. Il inaugure ensuite trois structures en Grande-Bretagne. What a DJ Ltd, en 2011, filiale de la holding de Jersey. What A Producer Ltd, deux ans plus tard, détenue à moitié par la holding à Jersey, le reste du capital se partageant entre son manager Jean-Charles Carré et le producteur néerlandais Giorgio Tuinfort. Et enfin Jackback Publishing Ltd, en 2018, détenue à 75 % par David Guetta et 25 % par Jean-Charles Carré. Parallèlement, le chiffre d’affaires déclaré par la société française Guetta Events a décliné, tombant de 5,6 millions d’euros en 2011 à seulement un million ces dernières années.
Son ex-femme Cathy Guetta, qu’il a épousée en 1992 sous le régime de la séparation des biens avant de divorcer en 2014, n’est pas en reste. Elle est devenue résidente britannique il y a plus de dix ans déjà, avant de se poser aux États-Unis en 2023. Parallèlement, l’entrepreneuse a, elle aussi, créé en 2011 une société à Jersey, Miss Candies Holdings Ltd, qu’elle a fini par fermer l’an dernier. Elle conserve d’autres structures ouvertes dans différents pays : Cathy Guetta Entertainment lancée en 2014 en France (qui engrangera au maximum 350 000 euros de chiffre d’affaires), Cathylicious SL en 2017 à Ibiza, et enfin Cathylicious USA LLC en 2022 à Los Angeles.
Mais ce n’est pas tout. Les rois de la nuit se sont aussi associés au publicitaire Raphaël Aflalo, dans deux sociétés britanniques : Cheers App Ltd (dont l’appli Djaayz permet de booker un DJ) et My Love Affair Ltd (ex Be my guest communications). Cette dernière aventure a toutefois mal tourné. Spécialisée dans la musique, cette agence de marketing mettait en relation des marques et des artistes pour réaliser des campagnes publicitaires. La canette Kronenbourg conçue par Iggy Pop ? My Love Affair. Le chanteur Taio Cruz sur les sachets de Doo Wap d’Harrys ? My Love Affair. Will.I.Am qui fait vibrer des capsules Nescafé ? Toujours My Love Affair. Novateur à ses débuts en 2011, le concept a cartonné. En 2014, la petite entreprise a même reçu le prix de l’agence d’advertainment de l’année au Grand prix des agences. De quoi lui valoir un article élogieux dans les Échos, qui la surnomme alors « la cash machine des Guetta ».
Hélas, ce succès a fini par attirer l’attention des impôts. Dès 2015, les limiers de Bercy soupçonnent la start-up d’évasion fiscale. Officiellement, elle est immatriculée en Grande-Bretagne et déclare son chiffre d’affaires auprès du fisc local. Mais 99 % de ces revenus (6 millions d’euros en 2014) sont réalisés avec des clients français : PMU, Barilla, Mumm… Plus troublant : le directeur général Raphaël Aflalo, installé à Neuilly-sur-Seine, est résident fiscal français.
L’administration se demande donc si, en réalité, le siège d’outre-Manche n’est pas une simple boîte aux lettres pour une activité réalisée en France. Certes, l’entreprise possède une filiale dans l’Hexagone, BMGC Services France. Mais officiellement, cette dernière n’effectue que des prestations pour sa maison mère anglaise, et déclare au fisc français un chiffre d’affaires ridicule (un demi-million d’euros). Pourtant, Bercy découvre que le site internet de la compagnie ne propose pas de numéro de téléphone à Londres, mais les coordonnées téléphoniques du bureau parisien. Surtout, sur LinkedIn, les dix salariés ou stagiaires de My Love Affair indiquent tous être basés à Paris.
Pour étayer ses soupçons, le fisc effectue un raid surprise en novembre 2015 dans les locaux parisiens de l’agence et au domicile de Raphaël Aflalo, saisissant de nombreuses pièces. Il y découvre notamment la comptabilité, les déclarations fiscales, les relevés bancaires… de la maison mère anglaise. Il y trouve aussi les contrats de travail des salariés parisiens, qui montrent que leur mission est d’apporter de nouveaux revenus à My Love Affair. Sans oublier le contrat de l’unique salariée britannique, stipulant qu’elle travaille à domicile…
Finalement, la société se voit infliger un redressement pour les années 2011 à 2014 à la fois sur la TVA (1,9 million d’euros sur la période) et l’impôt sur les bénéfices, avec des pénalités de 40 % pour « manquement délibéré ».
Mais Raphaël Aflalo ne se laisse pas faire. Il argue notamment que les conseils d’administration se tenaient bien à Londres. Sans arriver, toutefois, à prouver qu’il était bien dans la capitale britannique ces jours-là. En guise de preuve, il fournit des procès-verbaux de ces réunions… qui tiennent sur une seule page. Parallèlement, il essaie de rentrer dans les clous en recrutant d’autres salariés à Londres et en fermant son bureau hexagonal.
Surtout, il conteste les perquisitions jusqu’en cassation, mais en vain. Volontaire, il dépose aussi un recours contre le redressement. Là encore sans succès. Comme l’a révélé le site Gotham City, la cour administrative d’appel de Paris vient de le débouter. Selon l’arrêt, « l’administration fiscale établit que l’adresse à Londres correspond en réalité à un espace de 18 m2 destiné à recevoir un simple poste informatique comptable, que cet espace est situé dans des locaux du cabinet comptable britannique de My Love Affair, qu’il a été mis à la disposition de My Love Affair à titre précaire pour un prix symbolique d’environ 2,39 euros par m² ». La société peut encore se pourvoir en Conseil d’État.
Contacté, l’avocat de My Love Affair, Victor Cortyl s’est refusé à tout commentaire. Pour leur part, Raphaël Aflalo, son avocat Maximilien Jazani, la société de Cathy Guetta, les attachés de presse de David Guetta, José Woldring et Dujon Fairweather, les managers de David Guetta, Jean-Charles Carré, Pierre-Georges Kieffer et Steeve Populo n’ont pas répondu.
Mise à jour : le 21 juillet 2025, le Conseil d’Etat a rejeté le pourvoi de My Love Affair contre le fisc.
Les actionnaires de My Love Affair Ltd
À la création en 2011, le capital se répartit entre Raphaël Aflalo (45 %), Good Records Holdings Ltd (David Guetta, 22,5 %), Miss Candies Holdings Ltd (Cathy Guetta, 22,5 %) et Music Invest Holdings Ltd (Jean-Charles Carré, 10 %)
À peine créée, la société lève 617 450 livres auprès de Covent Guest (fonds Covent Partners, qui prend 5 %), Amplio 3 (Enguerrand Rochefort, 1,7 %), Orefi (Jacques-Antoine Granjon, 1,4 %), Financière St James (Michael Benabou, 1,4 %), Amda (Alain Mikli, 1,3 %), Kima Ventures (Xavier Niel, 0,7 %), Startup Avenue (Alain Levy, 0,7 %), Ilan Benhaim (0,4 %) et Xavier Court (0,4 %)
Aujourd’hui, le capital se répartit entre Raphaël Aflalo (37,5 %), David Guetta, (20,25 %), Cathylicious USA (Cathy Guetta, 20,25 %), Music invest Ltd (9 %), Very (2,6 %), Amplio 3 (1,7 %), Orefi (1,4 %), Financière St James (1,4 %), Alclan (Alain Roubach, 1,3 %), Amda (1,3 %), Kima Ventures (0,7 %), Startup Avenue (0,7 %), Facro Invest (Stanislas Cromback, 0,6 %), Bertrand Schwab (0,5 %), Ilan Benhaim (0,4 %), Xavier Court (0,4 %), Thomas Pasquet (0,1 %), Jean Canzoneri (0,1 %)