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Continuer la lectureDéfense : la DGA lance une commande massive de drones pour entraîner les soldats français
La Direction générale de l’armement veut fournir à l’armée de terre 2 000 drones supplémentaires et pousser la capacité de production des entreprises françaises.

Mille drones d’entraînement à fabriquer entre octobre et décembre prochain, 1 000 autres dans les six mois qui suivent. C’est le marché proposé, mi-février, par la Direction générale de l’armement (DGA)… Cette première commande massive, qui pourra être complétée jusqu’à un budget global de 8 millions d’euros, s’inscrit dans le cadre du « pacte drone aérien de défense » signé le 17 juin 2024 au salon Eurosatory par le ministre des armées Sébastien Lecornu. Enjeu de ce pacte, auquel une centaine d’entreprises (PME, grands groupes, start-ups, dronistes, équipementiers, prestataires de services…) ont adhéré : « rattraper le trou capacitaire de l’armée de terre et l’amener au meilleur niveau », selon les termes du Groupement des industries françaises de défense et de sécurité terrestres et aéroterrestres (GICAT). Un effort nécessaire au regard du recours massif de ces dispositifs dans la guerre en Ukraine, qui ont prouvé leur efficacité. Sur le seul mois d’octobre 2024, la Russie a utilisé 1 908 drones Shahed (des munitions rôdeuses iraniennes) selon Kiev, soit 40 % de plus qu’en septembre. L’Ukraine revendique de son côté une capacité de production de plus de 4 millions d’appareils en 2025, soit plus de 10 000 chaque jour.
Le marché de la DGA est donc important à plusieurs titres. Compte tenu du nombre d’engins commandés, il va substantiellement renforcer les stocks de l’armée de terre, estimés aux alentours de 4 500 aujourd’hui. « S’il se déroule comme espéré, il pourrait être suivi de commandes ultérieures similaires, qui permettraient à terme de doubler le nombre de systèmes actuellement en service dans l’armée de terre », estime Claude Chenuil, chargé de mission drones au GICAT. Pour aller vite, la DGA a opté pour une approche nouvelle censée créer les conditions d’une production de masse en France. L’appel à candidatures a été publié mi-février, avec une échéance d’un mois pour y participer. « Les candidats ayant répondu aux critères (...) seront ensuite consultés au travers d’une demande d’offre, fait savoir la DGA à l’Informé. L’objectif est de livrer des drones dès le mois d’octobre. Pour cela, l’attribution du marché est envisagée cet été. »
Le marché sera confié à un seul lauréat - français ou européen - mais ses modalités incitent les postulants à se regrouper et à éventuellement reconfigurer leur attelage pendant la phase de candidature. Pour des questions de souveraineté et de contrôle des technologies (segment sol, batterie, chargeur), les machines devront être conçues et assemblées sur le territoire européen tout comme leurs cartes électroniques. Pour les composants non stratégiques, le recours à des sous-traitants non européens reste possible.
Le délai, très court, fait aussi figure de test sur la capacité des entreprises à s’adapter. « On peut imaginer qu’un concepteur droniste s’associe avec un Electronic manufacturing services (EMS - sous-traitant électronique) ou une société disposant de capacités de production de masse, pour être capable de proposer une fabrication en série en grandes quantités dans des délais réduits », avance Claude Chenuil. De fait, l‘engin lui-même, destiné à l’entraînement, a vocation à être basique, et donc potentiellement constitué d’éléments sur étagère. « Les drones, c’est un peu comme les smartphones, quand on en achète un, on le choisit en fonction de ce qui est disponible, reprend l’expert du Gicat. En temps de guerre, il faudra bien sûr des appareils plus performants pour s’adapter aux conditions du conflit, mais cette commande de systèmes low cost va permettre aux armées de s’approprier leur emploi à grande échelle et aux industriels d’avoir un premier retour d’expérience sur une production de masse. « Cet appel d’offres est une sorte de test, résume-t-on au service de communication de l’armée de terre. Il va permettre de jauger de quoi est capable concrètement la base industrielle et technologique de défense (BITD) des dronistes français. La filière est encore constituée d’une multitude de PME, très fortes dans des spécialités de niche. L’idée est de les pousser à changer d’échelle industrielle. »
L’un des prestataires pour les armées, le groupe tricolore Parrot, a déjà indiqué ne pas concourir à cet appel. « Nous faisons des appareils high tech et high cost et là il s’agit de machines low tech et low cost », précise la société d’Henri Seydoux. De son côté, EOS Technologie, souvent cité en exemple par le ministre des armées, estime, lui aussi, de ne pas être concerné par ce type de produit pour les mêmes raisons, tout comme Hexadrone. Quant à l’Association du drone de l’industrie de défense (Adif), elle souligne qu’« effectivement certains de [ses] adhérents ont candidaté mais [qu’elle n’a] pas plus d’informations sur les entreprises concernées ».
Ce premier lot de 1 000 drones devrait notamment être utilisé par l’armée de terre à l’occasion de l’exercice militaire triennal Orion, prévu en 2026. Mais le projet va au-delà. Principale utilisatrice de ces engins aériens, l’armée de terre veut disposer à terme d’au moins un drone par groupe de combat ou par véhicule.