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Continuer la lectureLes Mulliez réorganisent l’enseigne Saint-Maclou pour la relancer
Le spécialiste des revêtements rejoint le groupe Adeo (Leroy Merlin), en espérant bénéficier de sa puissance.

À première vue, cela pourrait ressembler à un simple jeu d’écriture entre héritiers Mulliez. Mais en réalité, c’est une véritable opération de relance - de sauvetage ? - que la famille nordiste vient d’entreprendre. Cet été, en toute discrétion, elle a transféré son enseigne Saint-Maclou au sein de son groupe Adeo, 3e acteur mondial de l’habitat et du bricolage, avec ses marques Leroy Merlin, Weldom, Bricoman, etc.. Objectif ? Faire profiter à la chaîne d’un écosystème solide pour espérer la relancer.
Car Saint-Maclou va mal. Malgré l’effet positif du confinement sur le marché de l’aménagement intérieur, le réseau patine. Les aventures à l’étranger se sont soldées par des échecs et l’enseigne se concentre depuis quelques années sur ses 139 magasins français. Le virage numérique a été pris en retard ; il aura fallu attendre la crise Covid pour cela. Et les points de vente comme les systèmes informatiques souffrent d’un sous-investissement chronique. En interne, certains ne sont pas tendres sur le positionnement de l’enseigne, ou le manque de stratégie affichée. « Nous avons un important déficit de notoriété auprès du grand public, observe un salarié, regrettant l’absence de publicité pour résoudre ces problèmes. Les gens nous associent toujours à la moquette et aux tapis, mais peu savent que nous faisons du revêtement de sol, de la pose… »
Les bonnes années sont rares, et les marges – quand il y en a — sont faibles… En 2022, les ventes ont atteint 248 millions d’euros (-2 % sur un an). Le résultat d’exploitation, régulièrement dans le rouge, s’est lui creusé, à -6,5 millions. Les ennuis n’arrivant jamais seuls, la direction a pris acte de l’échec de sa filiale de décoration intérieure Kalico (ex Mondial Moquette), dont la dizaine de magasins restants a définitivement baissé le rideau il y a quelques mois. Une aventure qui s’est traduite par 13 millions d’euros de pertes supplémentaires l’an dernier, provisionnées dans les comptes. Au final, Saint-Maclou a affiché des pertes nettes de 17 millions d’euros de déficit en 2022.
Pour remonter la pente, le distributeur a décidé de sabrer dans ses rayons et prévoit de stopper d’ici début 2024 la vente de produits dédiés aux murs et fenêtres (rideaux, revêtements), qui représentent un peu moins de 15 % de l’activité. Mais le vrai changement réside dans le rapprochement avec Adeo. Les deux structures étaient déjà cousines, avec des propriétaires respectifs membres de l’Association Familiale Mulliez (qui gère les intérêts économiques des nombreux descendants de la famille). Désormais, leur sort est lié. La holding détenant Saint-Maclou a cédé la totalité de ses parts (estimées à 138 millions d’euros) à Adeo. Et récupéré en échange des actions du groupement. Contacté par l’Informé, Adeo nous a indiqué que le rapprochement s’était concrétisé fin juin, et que « la promesse aux habitants français sur l’univers du sol sera plus complète avec Saint-Maclou, aux côtés de Leroy Merlin et Weldom ».
Intégrer un géant mondial qui revendique 155 000 collaborateurs et plus de 1000 magasins sur la planète et un volume d’affaires de 31 milliards d’euros laisse espérer un avenir moins sombre dans les rangs. En termes d’organisation, Saint-Maclou va rejoindre la Plateforme habitants particuliers, structure d’Adeo qui regroupe en France les enseignes destinées au grand public (Leroy Merlin France, Kbane, Weldom, et Leroy Merlin Studio).
Le réseau va pouvoir bénéficier de l’expertise d’Adeo en matière d’e-commerce et de supply-chain. En retour, il apportera son offre, ses services et sa capacité de développement dans le revêtement des sols et la pose, grâce à ses centaines de poseurs salariés. Un savoir-faire précieux : selon nos informations, les 10 % de commandes de produits avec pose représenteraient jusqu’à 40 % du chiffre d’affaires de l’enseigne.
Les choses ont été clairement annoncées en interne : aucun démantèlement de Saint-Maclou n’est à craindre. Suite à une rencontre en mai avec des responsables des affaires sociales d’Adeo, des représentants syndicaux avaient insisté sur le fait que l’enseigne resterait autonome comme toutes les autres business unit (Leroy Merlin, Weldom, Bricoman), et libre de s’inspirer (ou pas) des axes d’amélioration et process impulsés dans les autres entreprises du groupe.
60 ans d’histoire mouvementée
En 1963, Gonzague Mulliez (cousin germain de Gérard Mulliez, le fondateur d’Auchan) crée une société pour vendre tapis et moquettes par correspondance. Son nom ? Saint Maclou, comme l’église de Wattrelos, le fief de l'entreprise. L’enseigne s’est ensuite développée « en dur », avec des ouvertures de magasins en France dès 1968. Puis vient l’heure de l’expansion à l’étranger. En 1999, après une OPA réussie sur le groupe britannique Allied Carpets, et une alliance avec l’allemand Teppich Essers, Saint Maclou devient même leader européen du revêtement de sol. Une période qui semble désormais bien lointaine…
