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Continuer la lectureLe (très) maigre impôt payé par Uber en France
Malgré son développement dans l’Hexagone, l’Américain ne s’est acquitté que de 5,5 millions d’euros d’impôts en 2023. Ses montages financiers intéressent le fisc.

Chez Uber, les déclarations fiscales se suivent et se ressemblent. Habitué à payer un impôt au ras des pâquerettes depuis son arrivée dans l’hexagone, l’Américain poursuit sur sa lancée : selon nos informations, malgré son fort développement en France, le groupe n’a versé que 5,5 millions d’euros d’impôts en 2023. Un montant surprenant, qui repose sur d’astucieux (et néanmoins classiques) montages.
Pour rappel, Uber a aujourd’hui deux activités. En tant que VTCiste, il perçoit 25 % de commission sur chaque course opérée par un des nombreux chauffeurs connectés à sa plateforme (ils sont probablement plus de 30 000). Mais ce chiffre d’affaires n’est pas déclaré en France : l’utilisateur est facturé par Uber BV, une entreprise de droit néerlandais, qui capte ainsi les revenus engrangés. Le rôle de la filiale Uber France se résume à fournir des services d’assistance de support et de marketing à l’ensemble des entités du groupe, comme le stipulent ses statuts. Résultat ? Son chiffre d’affaires plafonne à 54,8 millions d’euros seulement, alors que les commissions versées par les chauffeurs français atteignent plusieurs centaines de millions d’euros. Les impôts associés ont atteint la modique somme de 156 000 euros. À peine ceux d’une modeste PME.
Les Pays-Bas absorbent une grande partie des revenus d’Uber en France
Mais Uber a aussi un second métier, en pleine expansion : la livraison de repas depuis les restaurants jusqu’au domicile des clients. Uber Eats France, la filiale en charge de ce business a, pour sa part, déclaré un chiffre d’affaires rondelet l’an dernier. En progression de 20 %, il a atteint 1,3 milliard d’euros, et inclut les commissions versées par les restaurateurs et les frais de livraison. Pas de quoi, pour autant, payer beaucoup d’impôts car les charges officiellement supportées font fondre les bénéfices. Bien sûr, il y a les frais liés à l’activité, mais aussi les multiples droits et commissions que la structure française verse à Uber Portier BV (une autre entité hollandaise) pour ses droits de licence et autres accès à différentes plateformes technologiques. Une fois tout cela réglé, la marge d’exploitation tombe à 25,9 millions d’euros. Pour un impôt final d’environ 5,1 millions concernant Uber Eats France.

Cette organisation ne laisse pas de marbre des limiers de Bercy. Depuis deux ans, les inspecteurs de la direction des vérifications nationales et internationales, en charge des grandes entreprises, ont lancé un contrôle fiscal portant sur les années 2019, 2020 et 2021. Le dossier est toujours en cours. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois qu’Uber a maille à partir avec les services de l’État. En 2015, des perquisitions avaient eu lieu dans les locaux parisiens de l’entreprise, les enquêteurs du fisc s’interrogeant sur plusieurs pratiques (au sujet du régime de TVA ou de l’assiette de l’impôt notamment). Les détails de ce raid avaient été dévoilés dans les Uber Files : une énorme masse de documents indiquait comment Uber avait usé de lobbying et bénéficié de soutiens à très haut niveau dans le gouvernement français pour continuer à se développer dans le pays, malgré un contexte réglementaire compliqué. Suite à ces visites des inspecteurs, un redressement fiscal avait été opéré sur les années 2012 à 2017, pour un montant, là aussi très modeste, de 1,3 million d’euros.
Contacté par l’Informé, Uber nous a déclaré « avoir toujours rempli toutes ses obligations fiscales et investit en permanence dans les pays dans lesquels il opère. Ainsi, nos entités françaises remplissent toutes leurs obligations fiscales et paient des impôts et taxes tels que l’impôt sur les sociétés, les contributions patronales ou encore la taxe finançant l’autorité régulant les relations entre plateformes et travailleurs. Tout comme pour de nombreuses entreprises, l’administration fiscale réalise en ce moment un contrôle fiscal auquel nous contribuons de façon transparente. »