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Continuer la lectureQui se cache derrière la nouvelle compagnie aérienne Celeste ?
La future compagnie bretonne a obtenu le soutien de toutes les collectivités locales mais aussi de nombreux entrepreneurs de la région. Tous veulent sécuriser des liaisons régulières vers les principales métropoles françaises, alors que Chalair vient de suspendre son Brest-Orly.

C’est une première depuis près d’une décennie ! Une nouvelle compagnie aérienne française prendra son envol dans le ciel hexagonal avant la fin de l’année, huit ans après la création de la low cost French Bee par le groupe Dubreuil (Air Caraïbes). Les deux fondateurs de Celeste, Bruno Besnehard et Arnaud de Noray, ont finalisé le soutien de plus de 50 investisseurs bretons intéressés par une compagnie reliant Brest à Paris-Orly, et à d’autres métropoles françaises par la suite. Ils apportent au total 3,5 millions d’euros, selon nos informations. Ils devraient être rejoints prochainement par un acteur du transport aérien. Les discussions avec ce nouveau partenaire sont déjà à un stade avancé. Elles pourraient aboutir à un apport supplémentaire en capital pour 1,3 million d’euros.
Au total, la part privée (4,8 millions d’euros) dépasserait donc largement le montant des avances remboursables qu’ont accordées les collectivités publiques bretonnes (3,5 millions d’euros, dont 1 million par la région, 0,5 million par Brest Métropole et 2 millions par Morlaix Communauté). Un succès qui vient clôturer plus de six mois de levée de fonds auprès de l’écosystème économique régional. Cet engagement a été motivé par l’inquiétude des acteurs économiques locaux pour la desserte de la pointe bretonne. Hop !, la filiale court courrier d’Air France, a en effet quitté l’aéroport de Morlaix (Finistère) fin 2022 où elle effectuait la maintenance de ses appareils.
C’est d’ailleurs sur ce même site que Celeste a implanté son siège, une exigence de la Chambre de commerce et d’industrie métropolitaine Bretagne Ouest (CCIMBO) pour débourser 1,5 million d’euros en capital. Cet apport a obtenu le 20 octobre dernier son contrôle de légalité, passage obligé accordé par la préfecture. « Le président de l’antenne de la CCIMBO à Morlaix, Jean-Paul Chapalain, a été notre premier soutien dans ce projet de créer une compagnie aérienne, confirme le PDG de Celeste, Bruno Besnehard, ancien directeur général France de Vueling, la compagnie low cost espagnole du groupe IAG (holding de British Airways et d’Iberia). Il a été très actif pour réunir le soutien d’une cinquantaine de patrons bretons qui mettent au total 800 000 euros dans le projet ».
Dans ce pool d’investisseurs, on trouve notamment selon nos informations, Denis Le Saint, patron du groupe familial de distribution de produits frais qui porte son nom et président du Stade brestois ainsi que le dirigeant d’Europcar à Brest, Frédéric Lambert. Deux autres entreprises emblématiques de la pointe bretonne y participent également : le groupe de collecte des déchets et de recyclage Guyot Environnement ainsi que le groupe laitier Siil Entreprises. Enfin, une demi-douzaine de dirigeants, issus du secteur du transport aérien, ont apporté il y a un an 1 million d’euros en amorçage. En revanche, la Sica, coopérative de maraîchers à l’origine de Brittany Ferries et de Brit Air pour distribuer leurs fruits et légumes frais en Angleterre et en Irlande, n’a pas suivi le projet Celeste.
Malgré l’urgence climatique et la nécessité de réduire les émissions de gaz à effet de serre du secteur des transports, beaucoup dans le Finistère jugent nécessaire le maintien d’une liaison aérienne vers Paris, alors que le train ne permet pas des allers-retours dans la journée. Pour rappel, un Brest-Paris avec la SNCF s’étire au moins sur 3 h 30, une durée bien supérieure au seuil de 2 h 30 fixé par la loi « Climat et résilience » pour supprimer les lignes aériennes intérieures. « Notre projet répond à un déficit de mobilité en régions, avec des liaisons qui se concentrent sur les grandes métropoles uniquement alors que les villes moyennes deviennent de plus en plus attractives et en particulier en Bretagne, précise Bruno Besnehard. Le train ne peut pas tout, notamment pour les liaisons de région à région qui seront notre priorité après la ligne vers Orly. Et son bilan carbone n’est pas nul si l’on prend en compte la construction des voies. L’avion conserve une carte à jouer ».
Celeste table sur un début des opérations en décembre avec une liaison au moins quotidienne entre Brest et Orly, après l’attribution prochaine de la licence d’exploitation par la Direction générale de l’aviation civile, comme l’a révélé Mediapart. La compagnie aura alors une trentaine de salariés dont une dizaine de pilotes. Elle compte bien profiter de l’appel d’air provoqué par la récente décision de Chalair d’arrêter l’exploitation de la liaison à compter du 11 novembre. « Notre modèle sera très différent, prévoit Bruno Besnehard. Nous exploiterons des jets de 100 places, plus rapides et plus confortables que des appareils à hélices. Surtout, Celeste a été conçue pour être en partenariat avec les territoires et répondre à leurs besoins de mobilité, pas pour obtenir des subventions d’exploitation. L’objectif est de dupliquer le modèle élaboré à Brest et nous sommes déjà en discussion avec des métropoles pour créer des liaisons là où il y a un besoin ».
La compagnie a sécurisé auprès du loueur américain Regional One un premier Bombardier CRJ1000, qui vient d’achever ses opérations de maintenance à Ljubljana en Slovénie. Elle entend déployer dans un second temps des liaisons en Europe pour la clientèle affaires comme loisirs. Des destinations en Allemagne et en Italie du Nord sont déjà à l’étude.