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Continuer la lectureLeur lobbying a payé : les concurrents de la SNCF n’auront pas à opérer les lignes non rentables
Offre professionnelleTrenitalia, Renfe et Velvet (ex-Proxima) ont fait savoir au gouvernement qu’elles pourraient se retirer du marché français de la grande vitesse si leurs obligations de desserte étaient alourdies.

En parlant d’une seule voix, les rivaux actuels et futurs des TGV de la SNCF ont obtenu satisfaction auprès du gouvernement. Selon nos informations, l’exécutif ne poursuivra pas son projet de les contraindre à « participer aux enjeux d’aménagements du territoire », comme le prévoyait l’ex-ministre délégué aux transports, François Durovray, devant les députés de la Commission du développement durable en octobre dernier. L’idée était reprise par son successeur, Philippe Tabarot, qui confiait, en janvier dernier, peu après sa nomination, « vouloir continuer à étudier une proposition qui [lui semblait] intéressante afin de trouver le bon équilibre ». Mais l’intérêt du ministre a tourné court et le chantier ne fera pas partie des propositions retenues par le gouvernement en clôture de sa conférence de financement des mobilités « Ambitions France Transport ».
Aujourd’hui, les trains à grande vitesse font partie des « services librement organisés » (SLO) : l’opérateur (SNCF Voyageurs, Trenitalia, Renfe…) fait une demande de créneau au gestionnaire d’infrastructures (SNCF Réseau) et ce dernier lui accorde un droit de passage en échange du paiement d’un « péage ». Cela s’oppose au système des TER et des « Trains d’équilibre du territoire », où les régions et le gouvernement choisissent un opérateur au terme d’un appel d’offres et lui accordent une subvention pour couvrir une exploitation qui serait sinon déficitaire, comme dernièrement pour le Nantes-Bordeaux et le Nantes-Lyon.

L’ouverture à la concurrence a permis à de nouveaux entrants de se positionner en priorité sur les lignes à grande vitesse (LGV) les plus rentables, comme la compagnie publique italienne Trenitalia qui s’est lancée dès 2021 sur le Paris-Lyon, étendu depuis quelques semaines à la desserte de Marseille. Mais seulement la moitié des LGV actuelles sont rentables, du fait d’une demande insuffisante pour certaines lignes et arrêts ou d’une part trop importante d’abonnés à l’année, comme sur le Paris-Reims par exemple. SNCF Voyageurs assume aujourd’hui une péréquation entre les dessertes rentables et celles déficitaires, mais ce modèle sera progressivement remis en cause par le renforcement de la concurrence et la réduction des profits de la compagnie publique.
« Je ne vois pas au nom de quoi [les opérateurs ferroviaires privés] récupéreraient uniquement les dessertes les plus rentables et ne concourraient pas aux logiques d’aménagement du territoire que nous avons tous en partage », avait avancé l’ancien ministre des transports François Durovray devant les députés. Une déclaration qui avait fait bondir Trenitalia, mais aussi son homologue espagnole Renfe, qui opère les liaisons Madrid-Marseille et Barcelone-Lyon, ainsi que Velvet, l’ex-Proxima qui veut relier Paris à Bordeaux, Nantes et Rennes à partir de 2028. Plusieurs solutions étaient déjà en réflexion : une attribution des « sillons » conditionnée à l’exploitation de lignes non rentables, des lots panachant des dessertes rentables et déficitaires, un système de bonus-malus sur le montant des péages selon que plus ou moins d’arrêts sont consentis par les compagnies ferroviaires…
« Nous souhaitons que le gouvernement ne touche à rien sur le régime du SLO », confirme un lobbyiste travaillant pour un opérateur privé, qui met en avant les péages acquittés à SNCF Réseau. En fait, le ton est rapidement monté contre une mesure mettant en danger le modèle fragile des nouveaux entrants du ferroviaire. Selon nos informations, Renfe a fait savoir qu’elle était en grande difficulté financière et qu’elle réfléchissait à se retirer du marché français. Et Trenitalia a indiqué qu’elle perdait toujours de l’argent en faisant circuler ses trains en France et que la compagnie reconsidérerait sa stratégie si le gouvernement faisait peser de nouvelles contraintes sur son activité. De la même façon, Velvet, qui a levé 1 milliard d’euros auprès du fonds d’investissement Antin pour lancer ses lignes, a fait savoir que « son business model serait grandement impacté si une nouvelle réglementation lui imposait des arrêts à Angoulême ou Poitiers et une desserte de La Rochelle », selon une source. « Changer les règles du SLO définies en 2018 enlèverait toute visibilité économique aux acteurs du ferroviaire, ajoute un porte-parole de Velvet auprès de l’Informé. Cela découragerait tous les nouveaux entrants et tous les financements » qu’ils doivent mobiliser pour assurer leur investissements à venir.
« Il y a eu une pression forte des nouveaux entrants pour éviter toute nouvelle charge qui perturberait leur développement », constate un expert du secteur. Face aux menaces, Philippe Tabarot a préféré reculer. C’est évidemment une mauvaise nouvelle pour SNCF Voyageurs qui espérait partager avec ses rivaux le fardeau des lignes non rentables. En rétorsion, la filiale de l’opérateur public pourrait se montrer désormais beaucoup moins accommodante. « Mais les élus vont défendre bec et ongles la desserte de leurs territoires au fur et à mesure que la SNCF allégera les fréquences ou suspendra les arrêts dans les villes moyennes », prévoit notre expert.
Le recul du gouvernement devrait apparaître en creux dans les conclusions de la conférence « Ambitions France Transport », qui seront dévoilées le 9 juillet par le ministre Philippe Tabarot. Elles ne devraient en effet mentionner aucune contrainte nouvelle pour les rivaux de la SNCF. Le débat sera appuyé par une mission d’étude sur le sujet, qui pourrait être confiée à l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable (IGEDD). Le meilleur moyen pour enterrer le sujet ?
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