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Continuer la lectureLa SNCF contrainte de financer seule la modernisation du réseau ferré
À l’issue de longues négociations avec l’État en fin d’année dernière, Jean-Pierre Farandou a entériné que le groupe ferroviaire devra trouver en interne les ressources pour financer l’accélération de la rénovation du rail en France.

L’an dernier, la première ministre Élisabeth Borne annonçait la nécessité de trouver 1,5 milliard d’euros supplémentaires par an pour financer la modernisation du réseau ferroviaire (d’un coût total de 100 milliards d’ici 2040). Objectifs ? Ramener l’âge des voies ferrées et des aiguillages français (28,4 ans en moyenne en 2022) vers les standards européens (20,9 ans pour un réseau comparable en Allemagne), déployer un nouveau système de gestion du trafic plus efficace et compatible avec ceux de nos voisins (ERTMS), ou encore créer de grands centres d’aiguillage régionaux (Commandes centralisées du réseau). On sait désormais qui devra délier les cordons de sa bourse pour assurer ces chantiers : comme l’a dévoilé Le Parisien, le conseil d’administration de la SNCF, réuni le 14 décembre dernier, a entériné une contribution en très forte hausse du groupe pour les quatre prochaines années. « Pour l’instant, c’est la SNCF qui finance », confirme une source proche du dossier.
La compagnie ferroviaire ayant dégagé 2,4 milliards d’euros de profit sur l’exercice 2022, son actionnaire unique, l’État, a choisi de lui mettre une pression maximale pour qu’elle augmente sa quote-part. Celle-ci atteignait déjà 1,1 milliard d’euros en 2023 et, dès l’automne dernier, une première augmentation à 1,4 milliard avait été décidée pour 2024. À l’issue d’un long bras de fer avec l’État, la SNCF a accepté que son investissement atteigne finalement le montant record d’1,7 milliard d’euros. « C’est de la bonne gestion publique : le président Jean-Pierre Farandou a démontré qu’il avait la capacité à délivrer les résultats attendus. Il n’est pas illogique que l’État, en tant qu’actionnaire, lui demande de faire plus », remarquait mi-décembre un administrateur du groupe ferroviaire auprès de l’Informé.
Initialement, les deux parties devaient s’entendre sur une trajectoire à dix ans. Mais les positions étaient trop éloignées et les incertitudes macroéconomiques trop importantes pour arriver à un consensus. Une solution s’est toutefois dégagée pour aboutir à un engagement sur seulement trois années. Tout en restant à un niveau élevé, la ponction sur les finances de la SNCF sera néanmoins réduite par rapport à 2024 : elle atteindra 1,35 milliard d’euros en 2025, 1,28 milliard en 2026 et 1,6 milliard en 2027, a tranché le conseil d’administration du 14 décembre.
À ce prix, selon nos informations, l’actionnaire a donné son feu vert, lors du même conseil d’administration de fin d’année, à l’adoption du plan stratégique à 10 ans, qui doit emmener le groupe jusqu’en 2032. L’État bloquait depuis le 12 octobre dernier ce texte élaboré par le PDG Jean-Pierre Farandou. « On est passé d’un plan stratégique de 150 pages très détaillé, sur chacune des filiales et des modèles d’affaires à développer, à un document de 9 pages qui ne contient que des généralités », regrette un dirigeant. Néanmoins, cet obstacle budgétaire enfin levé, le président du groupe peut attendre plus sereinement le renouvellement de son mandat, prévu ces prochains mois. « La décision de le reconduire devrait intervenir au printemps après le conseil d’administration qui validera les comptes 2023 de la SNCF, comme c’est la doctrine », indique un de ses proches.
Le surcroît de contribution demandé à l’entreprise ne sera pas sans conséquence pour le groupe ferroviaire. Le resserrement budgétaire mettra inévitablement sous pression les salariés comme les usagers et les collectivités locales. Dans un contexte toujours inflationniste, les négociations annuelles obligatoires (NAO) 2024 ont été particulièrement tendues en fin d’année dernière : seulement deux syndicats représentatifs sur quatre ont apposé leur signature à la proposition de la direction ( +4,6 % de hausse de masse salariale). Si des grèves ont été évitées à Noël, la CGT Cheminots et Sud Rail pourraient faire rebondir le sujet prochainement.
Pour les usagers, le sujet ne sera pas neutre non plus. « La question de tarif du TGV n’a pas été tranchée lors du dernier conseil d’administration », révèle une source au fait des négociations. En décembre dernier, Clément Beaune avait annoncé le gel des prix des low-cost Ouigo et des Intercités. Pour les TGV Inoui, quelle sera l’ampleur de la hausse proposée par le futur ministre des transports du nouveau gouvernement Attal ? « Avec Geodis qui est pénalisé par le reflux des prix de la logistique et Keolis qui maintient tout juste ses résultats, ce sera l’augmentation des tarifs TGV qui déterminera le point de chute pour les comptes 2024 du groupe », affirme notre source. Traduction : la compagnie réclame de gonfler les prix de ses billets pour maintenir un bon niveau de rentabilité. Pour ne rien arranger, les relations sont particulièrement tendues avec les régions. Huit d’entre elles contestent, comme l’a révélé l’Informé, la hausse des péages des TER décidée par SNCF Réseau, la filiale de maintenance du réseau ferroviaire, pour les années 2024, 2025 et 2026. « SNCF Réseau veut faire la poche des régions ! » s’est emporté, selon La Tribune, Alain Rousset, le président PS de Nouvelle-Aquitaine, lors de ses vœux pour 2024.
Sollicitée, la SNCF confirme que « le plan stratégique à bien été approuvé en conseil d’administration en fin d’année dernière. Le groupe n’a en revanche pas de commentaire à effectuer sur son contenu ».

Article actualisé le 16 janvier : nous avons précisé que Le Parisien avait révélé les montants que la SNCF devrait apporter pour le financement du réseau.