L'abonnement à l'Informé est à usage individuel
Un autre appareil utilise actuellement votre compte
Continuer la lectureAnne Hidalgo va bien interdire les trottinettes électriques partagées à Paris
Accidents à répétition, stationnement anarchique… Anne Hidalgo compte bien arrêter les autorisations accordées dans la capitale aux trottinettes électriques de Lime, Dott et Tier.

Mises sur la place publique fin novembre, les onze propositions d’amélioration formulées par les opérateurs n’auront pas suffi. Les trois sociétés autorisées à exploiter des trottinettes électriques en libre-service à Paris devront abandonner au printemps leurs offres, a appris l’Informé. Un coup dur puisque la capitale était pourtant leur principal marché. « À ce stade, nous faisons le constat que les propositions de régulation faites par les opérateurs ne sont pas convaincantes, tranche une source au fait du dossier à la Mairie de Paris. Elles ne sont pas à la hauteur pour répondre aux problèmes d’accidentologie et d’occupation de l’espace public. On se dirige donc probablement vers une interdiction de ce mode de mobilité à Paris ». Anticipant une décision défavorable, les opérateurs avaient d’eux-mêmes renforcé leur dispositif de sécurité en novembre, avec l’apposition d’une plaque d’immatriculation sur chaque trottinette pour faciliter la verbalisation des mauvais usages et la vérification de l’âge du conducteur par scan de sa carte d’identité. Cela n’a manifestement pas été suffisant.
Techniquement, la Ville ne devrait pas publier le nouvel appel à manifestation d’intérêt, attendu avec fébrilité par les opérateurs pour renouveler leurs autorisations. Cela équivaut à une interdiction d’opérer à partir de l’échéance des autorisations actuelles, le 23 mars 2023. La décision devrait leur être annoncée officiellement en début d’année prochaine. « On serait très surpris d’une telle décision à contrecourant de la tendance mondiale, réagit Erwann Le Page, directeur des affaires publiques Europe de l’ouest de Tier. Toutes les capitales mondiales accélèrent sur les micromobilités et la réduction de la place de la voiture. Rome et Madrid structurent leurs marchés en lançant un appel d’offres et nous venons d’être prolongé à Londres ».

En 2019, la Mairie de Paris avait déjà menacé d’interdire l’activité de ces trublions de la micromobilité face à la profusion d’acteurs. En octobre 2020, elle avait finalement sélectionné trois opérateurs pour une durée de deux ans, qui fut allongée de six mois : Lime, Dott et Tier. Depuis, les 15 000 trottinettes déployées dans la capitale remportaient un succès indéniable : avec près de 2 millions de trajets mensuels à partir d’avril 2022, leur nombre a crû de 71 % depuis le début de la période régulée. C’était manifestement trop pour les édiles parisiens.
David Belliard, l’adjoint à la maire chargé des mobilités (EELV), n’a pas hésité à critiquer dès septembre les insuffisances de ce nouveau mode de transport. Il pointait « des manques » et une « absence de concertation ». Le 29 septembre, après avoir reçu les opérateurs avec le premier adjoint Emmanuel Grégoire, il twittait que « le compte n’y est pas : trottinettes garées n’importe où, incertitude sur le bilan environnemental, accidents, report modal peu intéressant, non-respect du Code de la route (…) Si au final les points négatifs sont plus nombreux que les avantages, alors la décision sera simple : nous mettrons fin à ce modèle ».
Et finalement, la Mairie de Paris a bien « pris acte que, malgré la régulation, le modèle ne fonctionne pas, confirme une source proche d’Anne Hidalgo. Ce n’est d’ailleurs pas un mode de mobilité qui est au cœur de notre mix : il prend beaucoup à la marche des Parisiens, une mobilité active que nous entendons promouvoir. Il y a là un enjeu de santé publique ». D’abord agnostique, la maire de Paris s’est peu à peu forgé une opinion négative. Certains y voyaient le succès d’une pression politique des Verts, allié dans la majorité au Conseil de Paris et opposés aux flottes de trottinettes partagées. « La maire est surtout en ligne avec les maires d’arrondissement qui l’ont alertée sur les multiples problèmes d’occupation de l’espace public occasionnés par les trottinettes mal garées et circulant sur les trottoirs », explique un membre de son entourage. Mais c’est surtout la hausse des accidents sur la voie publique qui aurait emporté la décision. L’étude statistique d’un urgentiste lyonnais récemment publiée a eu un impact jusqu’à Paris. Le praticien recensait une multiplication par sept des accidents sur la voie publique depuis l’arrivée des trottinettes en libre-service dans sa ville.
En arrêtant ce nouveau mode de transport après seulement deux ans et demi de test, la Ville de Paris prive ses finances, pourtant bien à la peine, d’une redevance de près d’un million d’euros par an. Ce sont aussi 800 emplois chez Lime, Dott et Tier et 200 emplois indirects qui seront impactés par une telle décision. « Nous prenons cet aspect social en compte, indique une source à l’Hôtel de Ville. Nous sommes confiants dans le fait que ces opérateurs pourront trouver des solutions : ils sont présents dans plusieurs villes et leurs opérations de free floating de vélos restent autorisées à Paris, comme celles de vélos en location longue durée ».
Contactés, Dott et Lime n’ont pas souhaité commenter nos informations tandis que la Mairie de Paris n’était pas disponible.