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Continuer la lecturePrès de 21 milliards de dettes sur les épaules d’Iliad Holding, maison mère de Free. Partie 1
Ces dernières années, la société de Xavier Niel a multiplié les acquisitions dans les télécoms. Au point de restreindre ses marges de manœuvre sur une éventuelle vente à la découpe de SFR ? Notre enquête.

L’odyssée d’Iliad, la société de Xavier Niel, dans les télécoms commence à lui coûter cher. Le fondateur de Free (et actionnaire de l’Informé) n’a cessé de s’étendre à de nouveaux marchés ces dernières années. Déjà implanté en France, en Italie et en Pologne, il est désormais aussi présent dans plusieurs pays nordiques, avec Télé 2, et en Amérique Latine où il détient 40 % de Millicom (51 millions d’abonnés sous la marque Tigo). Mais ce petit jeu de Monopoly a un coût. Iliad Holding, détenu par le milliardaire français et qui agrège toutes ces participations, supporte une dette nette de 20,9 milliards d’euros à la fin 2024, a constaté l’Informé. De quoi questionner ses ambitions futures en cas de vente à la découpe de SFR en France.
Cette conquête du monde a évidemment débuté dans l’Hexagone, avec Free, dont la maison mère Iliad a été introduite en Bourse en 2004. Quatorze ans plus tard, le groupe sort de ses frontières et se lance en Italie. En 2020, il met deux pieds en Pologne en rachetant Play (dans le mobile) puis UPC Polska (dans le fixe). En 2022, en sortant Iliad de la Bourse, Xavier Niel rachète les parts des autres actionnaires en recourant à l’emprunt. Enfin, en octobre dernier, c’est au tour de la holding Atlas Investissement, forte de sa participation de 40 % dans Millicom, de rejoindre Iliad Holding. Contrôlée par Xavier Niel, Atlas a ainsi fait gonfler la dette du nouvel ensemble de plus de 5,6 milliards d’euros. Même si, pour le milliardaire, cette opération n’est au fond qu’une sorte de transfert de sa poche gauche à sa poche droite.
À première vue, ces montants ont de quoi impressionner. Mais en réalité, ils doivent être jaugés à l’aune d’autres paramètres. Tout d’abord, Iliad Holding rappelle détenir « plusieurs milliards d’euros » de participations dans des opérateurs. Si Xavier Niel avait besoin de cash, il pourrait rapidement céder ses titres en Bourse. Et notamment ses 20 % dans l’opérateur scandinave Télé 2, achetés pour 1,16 milliard d’euros en 2024, dont la valeur a doublé depuis. De même, les 40 % dans Millicom, achetés pour 1,4 milliard d’euros, valent 2,14 milliards d’euros aujourd’hui…
Surtout, le critère le plus important reste la rentabilité dégagée par les différentes sociétés du groupe. L’indicateur le plus scruté par les créanciers est, en effet, le nombre d’années de profits nécessaires pour rembourser les prêts. Chez Iliad, la dette nette représente ainsi 2,7 années d’excédent brut d’exploitation (Ebitda) et elle est de 2,4 années chez Millicom. À titre de comparaison, ce ratio est de 1,8 chez Orange. Il était de 6,8 chez SFR avant que la restructuration de la dette opérée par Patrick Drahi ne le fasse tomber à 4,8.
La société souligne que ces ratios se sont améliorés ces dernières années grâce aux bonnes performances opérationnelles. L’an dernier, Iliad a ainsi affiché une croissance organique de 7,1 %, bien meilleure que celle d’Orange (+1,2 %) ou de Telecom Italia (+0,9 %), tandis que SFR a vu ses revenus reculer de 5,6 %.
Qui plus est, Millicom étant plus rentable que les autres , sa consolidation dans le groupe a fait baisser le ratio global d’Iliad Holding à 3,5. C’est pour cette raison que les agences de notation Moody’s et Fitch viennent de relever de « stable » à « positive » les perspectives de la dette du groupe. Autrement dit, elles envisagent de mieux noter l’opérateur à l’avenir, ce qui lui permettrait de se financer à moindre coût sur les marchés.
Iliad Holding : une santé financière relativement bien notée par les agences
Avec 20,9 milliards de dettes, Iliad Holding peut encore s’appuyer sur de bonnes perspectives pour la suite. En pratique, Moody’s attribue à Iliad Holding une note Baa3, dernier rang de la catégorie d’investissement. C’est la même que Telecom Italia, mais elle est deux crans en dessous de celle d’Orange (Baa1). En revanche, cette note est neuf rangs au-dessus de celle de SFR (Caa3), située aux tréfonds de la catégorie spéculative (junk).
Si Moody’s pointe un endettement « relativement élevé », il constate qu’Iliad a « une marge et une croissance du chiffre d’affaires supérieures à la moyenne de l’industrie ». Le groupe devrait ainsi afficher cette année un revenu en hausse à 10,5 milliards d’euros pour un résultat d’exploitation de 1,75 milliard… Et puis Iliad Holding conserve des liquidités (1,1 milliard d’euros en cash fin 2024) et diverses lignes de crédit. « Cela devrait être plus que suffisant pour couvrir environ 3,5 milliards d’euros de dette venant à échéance en 2025-2026 », estime Fitch.
Un blanc-seing pour s’offrir SFR ? Interrogé par l’Informé à ce sujet, Ernesto Bisagno, vice-président de Moody’s, tempère les ardeurs. « Toute fusion-acquisition d’envergure financée par endettement pourrait entraîner une augmentation de l’endettement, et donc limiter le relèvement de la notation. »
Il faut dire que SFR est un gros morceau, lesté de 15,5 milliards d’euros de dettes après restructuration. Toutefois, il n’a jamais été question d’un rachat en solitaire de l’opérateur au carré rouge. Tous ses concurrents planchent plutôt sur le scénario d’une vente à la découpe dans les prochains mois. Selon nos informations, des rendez-vous ont déjà eu lieu à ce sujet entre les dirigeants d’Orange, Bouygues et Free.
« Si la consolidation permet de diffuser notre modèle à plus de Français, alors nous serons au rendez-vous », a affirmé Thomas Reynaud, le directeur général d’Iliad, lors de la présentation des résultats du premier trimestre. Dans cette perspective, Free à l’instar d’Orange et de Bouygues Telecom pourraient récupérer certains actifs de SFR. À condition que les autorités de la concurrence acceptent qu’il ne reste plus que trois opérateurs sur le marché au lieu de quatre. Ce qui est loin d’être acquis.
Xavier Niel touchera cinq fois plus de dividendes que l’an dernier
Jolie augmentation. Iliad Holding, détenue à 100 % par Xavier Niel, va lui verser 175 millions d’euros de dividendes. Il s’agit du plus gros versement depuis le retrait de la Bourse du groupe survenu fin 2021. Ce montant est cinq fois plus important que l’an dernier, alors même que le dividende distribué par Iliad a été divisé par deux, tombant à 297 millions d’euros. Avec un patrimoine estimé à 22,1 milliards d’euros, l’entrepreneur et sa famille figurent au 9e rang du classement des fortunes de France de Challenges.
Article modifié le mardi 24 juin à 16h avec une précision dans le chapeau sur les marges de manœuvre