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Continuer la lectureCopie privée : cette proposition de loi va rendre furieux le monde de la culture
Un texte du député Philippe Latombe (MoDem) veut corriger les failles de cette taxe qui pèse sur les smartphones et les tablettes.

C’est un véritable totem auquel s’attaque le député de la première circonscription de Vendée. Depuis près de 40 ans, les industries culturelles perçoivent une redevance censée compenser la possibilité laissée aux utilisateurs de réaliser des copies de films ou musiques sans leur autorisation. Représentant jusqu’à 16,80 euros par smartphone ou tablette, elle rapporte aujourd’hui près de 300 millions d’euros aux ayants droit chaque année. Seulement voilà : la contestation grandit contre les modalités de la copie privée. Le dernier coup de semonce date de 2022. L’Inspection générale des finances (IGF) et l’Inspection générale des affaires culturelles (IGAC) avaient dénoncé plusieurs dysfonctionnements majeurs dans ce dispositif. D’abord, la gouvernance de la commission administrative chargée de voter les montants de perception sur les appareils laisse une part bien trop belle aux ayants droit. La SACEM et les autres sociétés de gestion collective profitent en effet de 12 sièges, contre 6 pour les représentants des consommateurs et 6 autres pour ceux des fabricants et importateurs de supports d’enregistrements. Il leur suffit donc d’une voix d’un autre camp pour faire passer leurs propositions sans embûche. Autre problème : les études d’usages, destinées à mesurer les pratiques de copies d’œuvres auprès d’un panel pour calculer ensuite les montants de la taxe, ne reflètent plus les tendances actuelles marquées par l’explosion du streaming. Enfin, la méthodologie de ces calculs est jugée obsolète car remontant à 2012. En réponse, le député Latombe propose plusieurs pistes, parfois très ambitieuses, comme le révèle l’Informé.
Première révolution, l’élu veut confier aux seuls députés et sénateurs le soin de voter chaque année le montant de la taxe sur chaque support. Selon Latombe, rien de plus logique : « au même titre que pour la loi de finances ou la loi de financement de la Sécurité sociale, les parlementaires doivent être décisionnaires et redevables devant nos concitoyens ». La Commission Copie Privée (CCP) ne serait pas supprimée pour autant mais reléguée à un rôle beaucoup plus annexe : celui de proposer des taux au Parlement. Cette entité administrative se verrait aussi retirer la possibilité d’initier les études d’usages menées par des cabinets comme TNS Sofres ou Médiamétrie et financées par la taxe copie privé. Dans sa proposition, c’est l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) qui aurait pour tâche de superviser ces travaux, lesquels devraient au surplus être « indépendants ». La CCP n’aurait plus que pour mission de solliciter ces enquêtes chaque année, pas plus.
Le député s’attaque aussi à un autre point noir du système actuel, épinglé là encore par l’IGF et l’IGAC : la taxe est collectée aujourd’hui par les importateurs de smartphones et tablettes, obligeant les acheteurs finaux professionnels, qui n’ont en principe pas à la supporter, à lancer une procédure de remboursement auprès de Copie France, société civile des ayants droit. Un régime guère satisfaisant, pour le parlementaire qui relève comme les deux inspections que « seuls 7 % des téléphones et 11 % des tablettes vendus à des clients professionnels ont bénéficié en 2019 des dispositifs d’exonération et de remboursement des usages professionnels prévus par la loi qui n’ont donc pas démontré leur efficacité ». Résultat : près de 40 à 50 millions d’euros sont collectés et donc conservés indûment par le milieu de la culture sur des supports achetés par des sociétés, associations ou même des entités publiques. Pour tenter de résoudre cette situation, il demande que la procédure à suivre soit simplifiée et publiée au Journal officiel afin de mieux la populariser. Autre vœu, que ces remboursements aux pros interviennent dans les 30 jours.
Enfin, l’article 3 de sa proposition précise dans le Code de la propriété intellectuelle que la taxe ne soit payée que lors de la « première mise en circulation en France ». Avec une telle mention, le député compte bien exonérer les smartphones et tablettes reconditionnés dans notre pays, aujourd’hui taxés autour de 10 euros TTC pour les modèles dépassant 64 Go de stockage. Considérant qu’un même produit ne peut être frappé qu’une fois, il entend « favoriser le développement du marché du recyclage, écologiquement vertueux et créateur d’emploi, tout en permettant aux catégories sociales les plus modestes de pouvoir s’équiper à moindre coût ».
Hasard du calendrier : le texte est en route pour l’Assemblée nationale alors que la Commission Copie Privée s’apprête à choisir cette semaine le cabinet qui sera chargé des nouvelles études d’usages à mener en 2024 sur les smartphones, les tablettes, et grande nouveauté, les ordinateurs. Un premier pas avant le possible assujettissement des PC fixes et portables, jusqu’alors épargnés.