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Continuer la lectureBlocage des sites pornos : la grosse bourde de Rachida Dati
La justice a suspendu l’arrêté obligeant 17 sites dont Pornhub et YouPorn à vérifier l’âge de leurs visiteurs. La faute notamment aux services de la ministre de la Culture qui n’ont pas défendu le dispositif du gouvernement à la barre.

Ce mercredi soir, la réaction politique a été à la hauteur de la décision rendue par le tribunal administratif (TA) de Paris : « Je reste pleinement déterminée à faire appliquer l’obligation de vérification d’âge sur tous les sites pornographiques (…) Ce combat est ma priorité », a tambouriné Clara Chappaz sur X.com. La ministre du numérique venait de prendre connaissance de l’ordonnance du juge des référés qui est tombée au plus mal. Deux jours plus tôt, le tribunal administratif de Paris a décidé de suspendre l’arrêté qu’elle a cosigné en février dernier avec Rachida Dati, ministre de la culture. Ce texte, en vigueur depuis seulement le 7 juin, dresse la liste des 17 sites pornographiques installés ailleurs dans l’UE devant mettre en place une vérification de majorité sur leur page d’accueil. Dans le lot, aux côtés de Pornhub ou YouPorn, le site xHamster édité par la société chypriote Hammy Media LTD est parvenu à faire valoir ses arguments sur sa compatibilité avec le droit de l’UE. Après cette gifle juridique, la ministre du numérique a promis que le gouvernement allait se pourvoir en cassation devant le Conseil d’État pour rétablir l’obligation de contrôle d’âge, chapeautée par l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom). Seulement voilà, une petite ligne dans la décision indique que le gouvernement était bien alerté de ce dossier en amont, mais n’a pas daigné intervenir à la barre pour éviter cette issue, dont la solidité juridique pose question.
Ce couac est révélé dès les premières pages de l’ordonnance, où la juridiction a pris soin de mentionner que « la ministre de la culture, à qui la requête a été communiquée, n’a pas présenté d’observations en défense ». En clair, la procédure initiée par xHamster était connue du gouvernement. Elle a même été transmise en amont aux services de Rachida Dati, mais sans que ceux-ci décident de réagir devant la juridiction pour contre-attaquer les arguments du site pornographique. Interrogé sur ce point, le ministère de la Culture n’a pas répondu à nos questions. Le cabinet de Clara Chappaz nous a invités à nous tourner encore vers la direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC). Signe que les services de Rachida Dati étaient aussi compétents pour alerter les autres ministères. Enfin, l’Arcom nous indique qu’en présence d’un contentieux portant sur un arrêté gouvernemental, elle « n’a pas été invitée (et n’a pas vocation) à intervenir pour le défendre ». Elle concède néanmoins qu’il arrive, dans d’autres dossiers, que des échanges aient lieu « entre les services des ministères et les régulateurs, et le régulateur peut être sollicité à l’initiative du juge ».
Après avoir découvert l’ordonnance du tribunal administratif de Paris, plusieurs sources proches du dossier se sont toutefois étonnées de cette décision. Le juge a en effet justifié l’urgence de suspendre l’arrêté sur le contrôle d’âge en s’appuyant sur deux précédentes décisions. L’une du 6 mars 2024 où le Conseil d’État a questionné la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) sur la conformité de législation française sur la vérification de majorité. L’autre, de la Cour d’appel de Paris qui a ordonné le 7 mai 2025 le déblocage temporaire de xHamster en France en raison justement de cette procédure européenne. Problème, ces deux décisions se sont appuyées sur l’ancien cadre, issu de la loi de 2020 sur les violences conjugales, quand devant le tribunal administratif, xHamster s’est focalisé sur la loi visant à sécuriser et réguler le numérique (SREN) du 24 mai 2024. « Les questions préjudicielles posées portent sur les dispositions de la loi 2020 relative aux violences conjugales et doivent encore faire l’objet d’une décision de la CJUE », commente l’Arcom. Depuis, « les dispositions visées ont été abrogées par la loi SREN, qui prévoit un dispositif à la fois renforcé et adapté au droit européen ».

« Un problème de méthode »
Le dernier épisode joué au tribunal administratif s’inscrit dans une longue suite de plantages français, émaillés par des critiques acerbes de la Commission européenne et autres échecs juridictionnels. « Il y a un vrai problème de méthode en France, commente sur ce point l’avocat Alexandre Archambault. Les autorités françaises sont dans leur rôle en protégeant les mineurs, mais restent à côté de la plaque lorsqu’elles légifèrent dans leur coin ». Pour le juriste, cette régulation relève aujourd’hui avant tout des instances européennes. « Ce sont des sujets qui se décident à Bruxelles, où un groupe de travail se focalise sur des dispositifs juridiques qui semblent beaucoup plus solides », dit-il. Sur ce point, Clara Chappaz a fait savoir via un communiqué de presse que la France poursuit « en parallèle le travail avec la Commission européenne pour renforcer les obligations des sites pornographiques établis dans l’Union européenne en matière de vérification d’âge ».