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Continuer la lectureLes Grandes Gueules de RMC définitivement condamnées pour l’interview du professeur Perronne
L’Arcom avait infligé une mise en demeure à l’émission suite à des propos tenus à l’antenne par l’infectiologue en 2020 sur le covid et la maladie de Lyme.

Peut-on raconter tout et n’importe quoi sur le Covid dans les médias ? Une épineuse question à l’heure où les antivax ont micro ouvert sur un nombre croissant de plateaux. Le Conseil d’État a pris aujourd’hui sa première décision en la matière. Il a confirmé la mise en demeure infligée il y a deux ans par l’Arcom (ex-CSA) aux Grandes gueules pour des propos tenus le 31 août 2020 par le professeur Christian Perronne.
L’infectiologue controversé s’était d’abord exprimé sur la propagation du virus. Il avait affirmé que le Covid « ne tue plus. [...] Il n’y a plus d’épidémie. [...] En France, ça repart à la baisse. [...] À moins de dix décès par jour en France, ce n’est pas plus que n’importe quel virus respiratoire chaque année ». Et d’ajouter : « c’est un grand délire qui est instrumenté par big pharma, et aussi les politiciens qui ont intérêt à ce qu’il n’y ait plus de rassemblements dans la rue, alors qu’il y avait des manifestations annoncées. »

Le gendarme de l’audiovisuel estimait qu’en diffusant ces considérations, la radio RMC et la chaîne de télévision RMC Story n’avaient pas « fait preuve d’honnêteté et de rigueur dans la présentation et le traitement de l’information, faillant ainsi à leurs obligations. Il relevait notamment que, trois jours avant l’émission, Santé publique France avait annoncé « une progression exponentielle de la transmission du Covid et une hausse des nouvelles hospitalisations et admissions en réanimation ». Dès lors, les propos du professeur Perronne « ne reflétaient manifestement pas, en l’état des informations alors disponibles, la situation épidémique en France et dans le monde ». La seconde vague a ensuite pris de l’ampleur, pour atteindre son pic mi-novembre 2020 avec 400 décès par jour.
Selon nos informations, le Conseil d’État a finalement confirmé cette partie de la mise en demeure. Pourtant, le rapporteur public auprès de la haute juridiction avait proposé d’annuler ce volet-là, même s’ « il est établi que les affirmations du professeur Perronne sont inexactes ». Pourquoi ? Parce que « l’émission est présentée comme polémique, et l’invité n’est pas tenu aux obligations de la chaîne ».
« Fier d’être complotiste »
Mais ce n’est pas tout. L’émission avait aussi été mise en demeure pour d’autres déclarations, concernant les traitements cette fois. L’infectiologue avait d’abord vanté la chloroquine : « l’hydroxychloroquine, c’est archi prouvé ! [...] Vous avez dit : ‘toutes les études maintenant montrent que ça ne marche pas’ C’est totalement faux. C’est l’inverse. Regardez les études au Bangladesh, les études en Italie, les études à New York, sur des milliers de patients, ça marche à 95, 98 % dans certains cas. »
Le médecin s’était ensuite exprimé sur d’autres maladies. A propos du paludisme, il a prétendu qu’une étude démontrait l’efficacité d’un traitement à base des tisanes d’artemisia, ce qui aurait suscité « une colère monstre de Bill Gates, de l’OMS, parce qu’ils voulaient absolument promouvoir un vaccin pour le paludisme ».
Enfin, concernant la maladie de Lyme, il a soutenu la thèse selon laquelle elle aurait été créée en laboratoire par l’armée américaine par un ancien nazi, affirmant que « la chambre des représentants des États-Unis a demandé au Pentagone de rendre des comptes là-dessus ». Accusé de virer dans le complotisme, il avait répondu : « pas du tout ! Et je suis fier d’être complotiste dans ce cas-là ».
Là, le régulateur déplorait que l’infectiologue n’ait quasiment pas été contredit par les animateurs ou les autres invités. Christian Perronne « s’est exprimé de façon extrêmement péremptoire, sans que les thèses qu’il avance n’aient été véritablement discutées. Seules ses opinions ont été présentées, aboutissant à un déséquilibre marqué dans le traitement de ces sujets, alors que le caractère controversé de ceux-ci nécessitait l’expression de différents points de vue », explique la mise en demeure.
Finalement, le Conseil d’État a confirmé la réprimande sur ce volet-là aussi, suivant les recommandations du rapporteur public.
« Pourquoi ça tombe sur nous ? »
À l’époque, cette mise à l’index n’avait pas été du goût des Grandes gueules. L’animateur du show Olivier Truchot avait répondu dans le Parisien : « je ne savais pas que le CSA, autorité administrative dont le président est nommé par le chef de l’État, était habilité à reprocher aux journalistes les questions qu’ils n’ont pas posées. J’en prends bonne note. Le professeur Perronne a fait la tournée des plateaux avec la sortie de son livre. Ça tombe sur nous, pourquoi ? ».
Ce qui n’est pas tout à fait exact. Plus d’un an après, l’Arcom a infligé une autre mise en demeure à CNews pour des propos tenus le 21 novembre 2021, toujours par le même professeur Perronne. « Il n’y a pas de cinquième vague. L’épidémie est quasiment terminée en France, il y a quelques dizaines de morts chaque jour », avait-il lancé. Hélas, l’Hexagone était bien au début d’une cinquième vague, qui a culminé début février 2022, avec 280 décès par jour à l’hôpital.
L’infectiologue avait ensuite abordé la question des traitements, affirmant : « si on avait traité [ces personnes], il n’y aurait presque pas eu de morts, parce que toute l’expérience des médecins dans le monde et des pays qui ont traité, ont montré que si on traitait par l’hydroxychloroquine, l’azithromycine, l’ivermectine, il n’y avait pas de morts. »
Le régulateur avait donc condamné ces propos, relevant que le Conseil scientifique avait, pas plus tard que la veille, alerté sur une cinquième vague démarrant début octobre 2021. À nouveau, il avait relevé que Christian Perronne était le seul médecin en plateau, et qu’il n’avait pas été suffisamment contredit par les autres participants. Il avait conclu : « ces déclarations ne reflétaient manifestement pas, en l’état des informations alors disponibles, la réalité de la situation sanitaire en France et des connaissances médicales. »
YouTube plus sévère que l’Arcom
Mais ces deux mises en demeure restent finalement relativement rares en comparaison des multiples invitations dont bénéficie Christian Perronne. Selon le décompte établi par l’Informé, depuis l’apparition du Covid, il a été invité trois fois sur C8 (dont deux dans Touche pas à mon poste), neuf fois sur CNews, et onze fois sur Sud Radio. L’entretien accordé à cette dernière le 2 décembre 2020 avait été sanctionné, non pas par l’Arcom, mais par YouTube, qui avait supprimé la vidéo. Il y avait affirmé que les vaccins contre le Covid, « faits à la va-vite », sont « très dangereux » et inutiles car « le virus ne tue plus ». Il ajoutait que les solutions à ARN messager ne sont « pas du tout des vaccins, mais des produits de thérapie génique. Il y a supercherie. On joue aux apprentis sorciers… Je suis terrorisé… Ce n’est pas possible ». YouTube a aussi supprimé un entretien vidéo accordé par le professeur à Valeurs actuelles.

Mais les sorties les plus controversées du professeur ont été faites le 15 octobre 2020 sur Sud Radio. Il avait assuré que les services de réanimation « gardent [les patients] longtemps parce qu’avoir un malade Covid dans son service c’est le jackpot, y a plus d’infirmières, il a plus de moyens. » Suite à ces déclarations, la Fédération française contre les maladies vectorielles à tiques (FFMVT) l’a démis de ses fonctions de vice-président et de président du conseil scientifique. Et l’AP-HP, en raison de ces propos « indignes », a mis fin à ses fonctions de chef de service des maladies infectieuses et tropicales à l’hôpital de Garches, et saisi l’Ordre des médecins. Le 21 octobre 2022, la chambre disciplinaire de l’Ordre des médecins d’Île-de-France a rejeté cette plainte.
Interrogé, l’Arcom indique être aussi intervenu à deux reprises auprès des chaînes, mais sans aller plus loin dans la réprimande (c’est-à-dire sans infliger ni mise en garde, ni mise en demeure, ni sanction). D’abord, au sujet de l’émission C à vous diffusée le 23 novembre 2021 sur France 5. Le professeur Gilbert Deray y avait affirmé que les enfants ayant eu le Covid et les malades d’ Alzheimer avaient « des IRM cérébrales qui se ressemblent », ce qui était infondé. Ensuite, au sujet de l’émission 24 heures Pujadas diffusée le 29 décembre 2021. La chroniqueuse Anastasia Colosimo (devenue aujourd’hui conseillère d’Emmanuel Macron à l’Elysée) avait dit que refuser de soigner à l’hôpital les non vaccinés « serait un bon moyen de sélection naturelle ». Le régulateur avait déploré « l’absence de réaction » de David Pujadas suite à ces propos, tout en admettant qu’Anastasia Colosimo « avait souligné qu’il s’agissait d’une boutade et avait immédiatement retiré ses propos ».