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Continuer la lectureLaeticia Hallyday perd encore une bataille contre Bercy
La veuve de Johnny a demandé au fisc de lui accorder une ristourne sur un redressement de 11 millions d’euros, mais l’administration a posé ses conditions.

« Je me suis engagée à rembourser la dette qu’a laissée Johnny, qui est une dette fiscale compliquée, vertigineuse, énorme, colossale. » Fin 2023, sur BFM TV, Laeticia Hallyday se présentait en mère courage, avec sur le dos une ardoise fiscale de 33 millions d’euros héritée de son mari. Un tiers de cette douloureuse - 11 millions d’euros - est porté par deux sociétés françaises que lui a léguées le chanteur : Navajo, et Artistes et Promotion. Une somme XXL à laquelle la veuve de la star tente d’échapper par tous les moyens. Sans succès. Selon nos informations, une dernière décision du tribunal administratif de Paris vient de doucher une nouvelle fois ses espoirs.
Mais, reprenons dans le détail. Il y a quatre ans, Laeticia Hallyday place ses deux entreprises en sauvegarde pour étaler le paiement de leurs dettes. Parallèlement, elle ouvre des discussions avec le fisc pour obtenir une ristourne. Dans un premier temps, elle propose de payer tout de suite 1,9 million d’euros pour solde de tout compte et que Bercy fasse une croix sur les 9 millions restants... Une proposition immédiatement rejetée par l’administration. En 2022, elle demande ensuite l’abandon « partiel » du redressement. Le ministère de l’économie accepte alors de faire un geste : il consent à renoncer à une partie de la somme due (3,2 millions d’euros) correspondant aux pénalités infligées pour « mauvaise foi ». Mais il pose pour cela deux conditions : d’une part, que Laeticia Hallyday cesse de contester en justice les redressements, et, d’autre part, qu’elle paye d’abord le reste du redressement (soit 7,7 millions d’euros).
Cette réponse ne plaît guère à la mère de Jade et Joy, qui dépose un recours gracieux, puis la conteste devant le tribunal administratif de Paris. Celui-ci vient donc de rendre son verdict, au grand dam de la batailleuse. Si les juges ont annulé la lettre de réponse de Bercy pour des raisons de forme, ils ont donné tort à la veuve sur le reste. Certes, selon la loi, le fisc peut abandonner une partie des redressements « lorsque le contribuable est dans l’impossibilité de payer par suite de gêne ou d’indigence ». Mais le tribunal, comme l’administration, estime que l’ancien mannequin n’est pas dans la misère. Après tout, Navajo, et Artistes et Promotion ont elles-mêmes affirmé, lorsqu’elles se sont placées en sauvegarde, avoir des projets d’activité permettant de financer leurs charges courantes. « Il ne ressort pas que les deux sociétés seraient dans l’incapacité financière de procéder au règlement des impositions mises à leur charge », conclut le tribunal.
Pour justifier sa position, Bercy avait aussi rappelé l’origine du redressement : Johnny avait mis en place un montage d’évasion fiscale destiné uniquement à échapper à l’impôt, ce qui, dans le jargon, s’appelle un abus de droit (cf. encadré). D’où les pénalités de 40 % infligées pour « manquement délibéré », c’est-à-dire mauvaise foi du contribuable. Laeticia Hallyday a contesté cet argument, affirmant que ce motif de refus n’était pas valable. Mais, là encore, le tribunal la renvoie dans ses buts : « Le ministre peut, lorsqu’il se prononce sur une demande de remise gracieuse de pénalités, notamment tenir compte du comportement du contribuable, ainsi que des faits à l’origine des rappels d’impositions. Le ministre n’a pas commis d’erreur en rejetant la demande au motif du caractère abusif du montage. »
Laeticia Hallyday, si elle ne fait pas appel de ce jugement, se retrouvera donc à la case départ. Elle devra d’abord régler 7,7 millions d’euros au fisc, qui la dispensera alors des pénalités (3,2 millions). En prévision, l’ex miss cap d’Agde a fait adopter un plan de sauvegarde qui étale le paiement de cette somme jusqu’en 2032. Elle a affirmé pouvoir trouver l’argent en développant l’activité des deux sociétés – une promesse qui était nécessaire pour que son plan soit accepté, mais qui semble peu crédible, comme l’avait expliqué l’Informé.
Contactés, les avocats de Laeticia Hallyday, Pierre Pradié et Olivier Dillenschneider, n’ont pas répondu.

Une évasion fiscale très exotique
Pour l’essentiel, l’ardoise fiscale de Johnny Hallyday est due à un montage d’évasion fiscale complexe et exotique qui avait un objectif : que les profits de la tournée M’arrêter là (2009-2010) échappent à l’impôt. En pratique, les fiscalistes ont imaginé que les droits de conception et de commercialisation des concerts constituaient un « bien incorporel » appartenant à l’idole à titre personnel, et qu’ils pouvaient être dissociés du reste (prestation scénique, chansons, publicité…). Ensuite, Johnny a cédé ce droit incorporel pour 12 millions d’euros à Navajo, une société qui lui appartenait à l’époque. Cette dernière a amorti ce droit, générant ainsi 12 millions d’euros de pertes. De quoi compenser les 12,5 millions de profits générés par la tournée, et donc d’échapper à l’impôt sur les bénéfices.
Mais ce n’est pas tout. Navajo n’a pas payé les 12 millions d’euros immédiatement à Johnny, générant ainsi une dette vis-à-vis de l’idole. Grâce à cela, les profits engrangés par l’entreprise n’étaient plus versés au chanteur sous forme de dividendes (imposables), mais transformés en une dette remboursée à Johnny (non imposable). Enfin, la moitié de cette dette - soit 6 millions d’euros - a été cédée à une société luxembourgeoise, Nerthus Invest, qui elle-même appartenait à Gedar SA, entreprise immatriculée au Liberia…
Ce montage avait été décrit dans une note de l’avocat fiscaliste Michel-Pierre Boutin envoyée à la star. Le texte concluait : « Si chacun des éléments de la structure paraît correctement traité, l’analyse de cette structure dans sa globalité pourrait conduire l’administration à la considérer comme constitutive d’un abus de droit, tant sa finalité pourrait apparaître comme uniquement destinée à réduire au maximum la charge fiscale de Johnny Hallyday. ». Le document a été saisi lors d’un raid surprise par le fisc, qui a conclu qu’il y avait bien une volonté délibérée d’échapper à l’impôt.
Finalement, la société luxembourgeoise Nerthus Invest s’est retrouvée dans le giron du JPS Admin Trust, un trust américain regroupant les actifs du rocker, qui l’a dissous fin 2021. JPS Trust détient aujourd’hui Navajo et Artistes et promotions.