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Continuer la lectureLa veuve de Jean-Luc Delarue rattrapée par le fisc
Suite au rachat de Réservoir Prod par Lagardère Studios deux ans après la mort du célèbre animateur, la valorisation de la société est au cœur du conflit entre Bercy et Anissa Delarue.

Près de 13 ans après la mort de Jean-Luc Delarue, son héritage continue de faire débat devant les tribunaux. La disparition du célèbre animateur, emporté par un cancer à l’âge de 48 ans, avait provoqué une féroce - et très médiatique - bataille de succession. Elle opposait sa nouvelle épouse Anissa Delarue, Khelifi de son nom de jeune fille, à qui il avait légué la moitié de son patrimoine, et la mère de son fils, Élisabeth Bost, qui souhaitait faire annuler ce mariage célébré trois mois avant le décès de la vedette du petit écran. Si la procédure au sujet de cette union est aujourd’hui soldée en sa faveur, c’est désormais contre le fisc qu’Anissa Delarue ferraille en justice.
Selon nos informations, le différend concerne la valorisation de la société Réservoir Prod créée en 1994 par Jean-Luc Delarue, qui a fait le succès et la fortune de l’animateur. De son vivant, la boîte de production avait enchaîné les cartons d’audience, à commencer par « Ça se discute » ou « Toute une histoire » qu’il animait, ou d’autres émissions phare comme « Vis ma vie » ou « C’est mon choix », qu’il produisait. Détenue à 100 % par l’animateur jusqu’à sa mort, la société, qui a depuis lancé de nouvelles émissions comme « L’Agence », « Ça commence aujourd’hui » de Faustine Bollaert ou les programmes de Stéphane Plaza comme « Recherche appartement ou maison », avait été rachetée deux ans après sa disparition par Lagardère Studios, désormais détenue par Mediawan (dont Xavier Niel, actionnaire minoritaire de l’Informé, est un des propriétaires). Montant du chèque ? 14 millions d’euros.
Problème, le fisc considère que la valorisation des titres retenue lors de la succession est « dépourvue de toute signification » : un grief que soulève parfois Bercy quand des héritiers soumettent une déclaration hors les clous alors qu’une vente susceptible de générer une plus-value est en cours. En l’espèce, la veuve de Jean-Luc Delarue avait d’abord valorisé les titres à 9,5 millions d’euros, dans une première déclaration de succession réalisée quelques mois après la mort de l’animateur, avant de déposer, postérieurement au rachat par Lagardère, et hors délai selon le fisc, une deuxième déclaration où le montant des parts s’élevait cette fois-ci à 14 millions d’euros, soit le prix de la vente. L’administration a donc décidé de déterminer elle-même la valeur des parts qui aurait dû être retenue dans le cadre de l’héritage, et a procédé à un redressement fiscal à l’encontre d’Anissa Delarue sur ses revenus 2014, soit l’année de la vente de Réservoir Prod. Six ans plus tard, en 2020, cette dernière a sollicité une décharge des impositions supplémentaires auprès de Bercy, qui a rejeté sa demande en mai 2023. Un mois plus tard, elle est repartie à la charge et a contesté cette décision devant le tribunal administratif de Paris, sans succès. Dans son jugement du 1er juillet, l’instance a rejeté sa requête.
Au cœur des débats ? La méthode de calcul qu’a utilisée le fisc pour déterminer la valeur du groupe Réservoir, holding de la société Réservoir Prod. Il s’agit d’un complexe calcul, qui se base notamment sur le chiffre d’affaires de la société, sur les dividendes versés et sur un échantillon d’entreprises du secteur, tout en tenant compte des spécificités de Réservoir Prod à laquelle les limiers du fisc appliquent un certain nombre de décotes. Notamment une décote dite « d’homme clé », qui prend en compte l’incertitude que la mort de Jean-Luc Delarue faisait planer sur l’avenir de la boîte de production, dont la santé financière reposait depuis toujours sur la notoriété de cette star du petit écran. Anissa Delarue a produit différents arguments pour remettre en cause cette manière de procéder, qui ont pour la plupart été écartés par le tribunal.
L’épouse de Jean-Luc Delarue avait pourtant transmis au fisc un solide rapport établi par le cabinet d’expertise Accuracy, qu’elle avait fait réaliser quelques mois après la disparition de l’animateur. « On recommande toujours de faire des rapports de valorisation pour éviter que l’administration ne procède a posteriori à une évaluation qui est plus difficile à contester », assure Me Coralie Dedieu, avocat en fiscalité qui a l’habitude d’intervenir dans ce type d’affaires. Une précaution qui n’a pas permis, dans ce cas précis, d’éviter des ennuis avec Bercy. Si les avocats d’Anissa Delarue n’ont pas souhaité commenter cette affaire, cette dernière a toujours la possibilité de faire appel du jugement.